Malgré les milliers de pages d'échanges diplomatiques entre les États-Unis et le Canada qui seront divulguées par le site Internet WikiLeaks dans les prochains jours, le ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, ne s'inquiète pas outre mesure.

Après avoir été averti du contenu par l'ambassadeur des États-Unis à Ottawa, David Jacobson, et son homologue américaine, la secrétaire d'État Hillary Clinton, le ministre Cannon a affirmé, lundi, que l'information qui sera bientôt rendue publique «ne risque pas de mettre en péril la relation» entre les deux pays.

«Les relations entre le Canada et les États-Unis demeurent très fortes, comme partenaires bilatéraux. Il va de soit que c'est une relation, sans doute la plus importante entre deux pays sur la planète», a estimé le ministre Cannon, en point de presse.

Le ministre canadien était toutefois avare de commentaires, insistant sur le fait qu'il s'agit de documents américains. Il s'est donc refusé de commenter le comportement des diplomates, tel que rapporté dans certains médias internationaux qui ont commencé à dévoiler le contenu de la dernière fuite de WikiLeaks.

Certains se seraient fait ordonner de récolter des informations personnelles, de nature biographique, sur leurs homologues étrangers, aux Nations unies mais aussi à Ottawa. M. Cannon n'a pas voulu s'aventurer à s'exprimer sur ces révélations, arguant qu'il revenait aux Américains de commenter plus précisément le contenu des documents.

«Ce dont j'ai été informé par l'ambassadeur n'a rien à voir avec cette question particulière», a-t-il cependant indiqué au sujet de sa conversation avec M. Jacobson, au cours de laquelle l'ambassadeur a prévenu le ministre de la nature des informations qui seraient bientôt publiques.

Dimanche, le ministre Cannon avait souligné, par voie de communiqué, que la sortie du site Internet était «irresponsable» et qu'elle risquait de «constituer une menace à la sécurité nationale».

Les documents qui se rapportent au Canada ne seraient toutefois pas sensibles, selon le ministre, qui a notamment cité la référence qui y aurait été faite au «complexe d'infériorité» du Canada. «Il n'y a rien là selon moi qui soit bien alarmant», a-t-il réagi.

Quant à l'embarras dans lequel les informations pourraient plonger le gouvernement américain, Lawrence Cannon a fait valoir que ce n'était que de l'information brute, justement, qui ne formait pas la politique étrangère du pays.

Un discours repris par son homologue américaine, qui s'adressait elle aussi aux médias, lundi midi, à Washington.

Hillary Clinton a fait valoir que ses partenaires comprenaient très bien la nature des documents qui seront bientôt dévoilés au grand jour. Les propos rapportés par les diplomates dépêchés aux quatre coins de la planète ne sont qu'une parcelle d'information, et la politique étrangère des États-Unis est décidée à Washington, a martelé la secrétaire d'État.

Mme Clinton a néanmoins vivement condamné la fuite de WikiLeaks qui devrait s'échelonner sur les prochains jours. Il s'agit d'informations confidentielles, a-t-elle dénoncé, et les pays devraient pouvoir discuter de façon candide de leurs échanges avec les nations.

Le procureur général des États-Unis, Eric Holder, a prévenu que Washington mènerait une enquête criminelle sur la fuite et qu'il pourrait poursuivre les responsables.

Selon WikiLeaks, plus de 2500 documents concerneraient le Canada. Si l'essentiel du contenu qui se rapporte au gouvernement canadien risque de ne pas être rendu public avant la fin de la semaine, il a déjà été rapporté dans les médias que le «complexe d'infériorité» du Canada y était notamment abordé.

Le site Internet a également déjà laissé entendre qu'il pourrait être question de sujets extrêmement variés, allant du contrôle des armes à feu, la couverture médiatique de la CBC, la technologie, Haïti, les applications militaires du nucléaire, les affaires provinciales et la Syrie.

Ce n'est pas la première fois que WikiLeaks dévoile des renseignements confidentiels. Malgré cela, le ministre Cannon n'estime pas qu'il y ait matière à revoir les moyens de communication utilisés dans l'appareil gouvernemental canadien.

Comme ailleurs, le Canada revoit continuellement ses moyens de communication pour être à l'affût des dernières technologies, a soutenu le ministre.

«Mais est-ce que cet événement-là va provoquer essentiellement une remise en question de notre façon de faire? Je ne suis pas en mesure de pouvoir vous le dire», a-t-il répliqué.

Or, de l'avis de son homologue libéral, c'est justement la leçon qu'il faudrait tirer de cet incident.

S'il convient, comme le ministre Cannon, que les relations diplomatiques du Canada avec les États-Unis ne seront pas compliquées par les révélations de WikiLeaks, le critique libéral en matière d'affaires étrangères, Bob Rae, a estimé qu'il faudrait revoir la façon dont les acteurs gouvernementaux communiquent entre eux, sans craindre que leurs propos soient rendus publics.

«Tous les gouvernements, pas seulement les États-Unis, devront comprendre l'impact de l'internet sur le travail qu'ils font (...) Le fait que ces choses-là soient ouvertes et publiables va changer la nature des communications et notre façon de communiquer», a-t-il noté.

Les informations qui ont été dévoilées jusqu'à maintenant cette fin de semaine portaient sur des commentaires parfois peu flatteurs des dirigeants internationaux, qui pourraient mettre l'administration américaine dans l'embarras.

Certaines informations portaient sur les inquiétudes répandues face aux ambitions nucléaires de l'Iran, ainsi que certaines stratégies américaines en Afghanistan, au Pakistan et en Corée du Nord.