Le chef du NPD, Jack Layton, a évoqué l'idée de former une coalition pour déloger les conservateurs de Stephen Harper du pouvoir avec le chef du Bloc québécois Gilles Duceppe une dizaine de jours seulement après les élections du 14 octobre 2008.

M. Layton avait donc entrepris des tractations pour renverser le gouvernement Harper bien avant la crise parlementaire qui a éclaté le 27 novembre 2008 après que le ministre des Finances, Jim Flaherty, eut annoncé, dans sa mise à jour économique et financière, l'intention du gouvernement conservateur de mettre fin aux subventions de l'État aux partis politiques.

C'est du moins ce que révèle le chef bloquiste Gilles Duceppe dans un livre qui résume les entretiens qu'il a eus avec l'ancien journaliste de La Presse Gilles Toupin.

«Jack Layton était venu me voir trois semaines auparavant pour me proposer une coalition NPD-PLC-BQ. Je lui ai dit que jamais nous ne ferions partie d'une telle coalition, mais que nous étions prêts éventuellement à l'appuyer, à certaines conditions», affirme M. Duceppe.

En point de presse hier, le chef bloquiste a indiqué que cette fameuse rencontre a eu lieu à la permanence du Bloc québécois à Montréal.

Mais l'idée d'une coalition a été explorée de manière sérieuse par les libéraux, les néo-démocrates et les bloquistes seulement lorsque le gouvernement Harper a tenté de mettre fin aux subventions aux partis politiques, une mesure qui aurait eu pour effet d'étrangler financièrement le Parti libéral, le NPD et le Bloc québécois.

À cet égard, M. Duceppe a indiqué hier que c'est lui qui a soumis l'idée de la coalition qui pourrait prendre le pouvoir avec le soutien du Bloc québécois à Jack Layton et Stéphane Dion, qui était chef du Parti libéral à l'époque.

Les négociations ont été lancées par la suite, à l'instigation de Gilles Duceppe. «Quand Jim Flaherty a fait son discours idéologique, on ne pouvait pas appuyer cela. On ne pouvait pas déclencher une élection sitôt après avoir eu une élection. Il y avait des élections provinciales au Québec. J'ai mobilisé mon cabinet à ce moment et j'ai dit: trouvez-moi Dion à 7h, Layton à 7h15 et Elizabeth May à 7h30. Je les ai appelés. Et là on a formé des équipes de négociations», a dit M. Duceppe.

Un projet de coalition a finalement été signé quelques jours plus tard par MM. Dion, Layton et Duceppe. Le Bloc québécois ne détenait pas de siège au sein d'un gouvernement de coalition, mais il s'engageait à le soutenir pour une période d'au moins 18 mois.

Cette coalition comptait prendre le pouvoir en faisant adopter aux Communes une motion de censure parrainée par les libéraux. Mais Stephen Harper a contrecarré cette stratégie en demandant à la gouverneure générale Michaëlle Jean de proroger le Parlement avant la tenue du vote.

Des munitions aux conservateurs

Ces révélations du chef bloquiste ont donné hier des munitions aux conservateurs de Stephen Harper qui accusent les libéraux de vouloir conclure de nouveau une coalition avec le NPD et le Bloc québécois afin de prendre le pouvoir après les prochaines élections même si les conservateurs remportent plus de sièges aux Communes sans toutefois être majoritaires.

Le leader du gouvernement en Chambre, le ministre John Baird, a affirmé que les Canadiens ne peuvent croire le chef libéral Michael Ignatieff quand il soutient qu'il ne veut pas diriger un gouvernement de coalition soutenu par le Bloc québécois après les prochaines élections.

«Non seulement le chef du Bloc dit qu'il a été l'instigateur de cette coalition, mais il affirme que cette coalition a été mise en branle bien avant que le Parlement ne siège à nouveau en novembre 2008. (...) Cela démontre que les Canadiens ne peuvent pas croire les démentis actuels des libéraux», a dit M. Baird.

Michael Ignatieff a rétorqué que c'est lui qui a mis fin à la coalition lorsqu'il a pris la barre du Parti libéral en 2009 et il a affirmé que le Parti libéral était en mesure de reprendre le pouvoir sans l'aide du NPD ou du Bloc.