Plusieurs ONG redoutent que le droit à l'avortement au Canada ne soit remis en question par le gouvernement conservateur de Stephen Harper via un arsenal législatif qui limiterait les droits des femmes.

«L'avortement est plus menacé que jamais», déclare à l'AFP Alexa Conradi, la directrice de la Fédération des Femmes du Québec, qui explique : «Il y a eu 5 projets de loi depuis l'arrivée au pouvoir des conservateurs qui remettent en question, de façon directe ou indirecte, le droit à l'avortement au Canada».

Le Canada est l'un des seuls pays au monde où il n'existe pas de loi sur l'avortement. L'interruption volontaire de grossesse (IVG) est légale depuis 1988, date de l'abolition de l'article 251 du Code criminel, traitant de l'avortement. Depuis, la pratique des interruptions de grossesse est régie par une simple jurisprudence, sans restriction légale.

Mme Conradi fait allusion, par exemple, au projet de loi C-484, déposé en 2008, mais qui avait échoué en raison de la dissolution du parlement. Ce texte visait à reconnaître des droits au foetus et considérait comme une infraction le fait de blesser ou de causer la mort d'un enfant non encore né.

Pour la présidente du Conseil du statut de la femme, Christiane Pelchat, «il s'agissait là d'une manière on ne peut plus hypocrite de recriminaliser l'avortement et d'enlever ce droit aux femmes».

Elle souligne que le premier ministre Stephen Harper et plusieurs autres députés, dont 19 libéraux, avaient voté en faveur de ce projet de loi.

Autre texte dénoncé par certaines ONG: le projet de loi C-510 déposé le 14 avril dernier par le député conservateur Rod Bruinooge, qui vise à criminaliser le fait de «contraindre» une femme à avorter par des menaces de blessures, de retrait de soutien financier ou de privation de logement.

Ce texte fait suite à un fait divers de 2007. Le petit ami de Roxanne Fernando, de Winnipeg (Manitoba), a tenté de la contraindre à avorter et l'a ensuite assassinée en raison de son refus.

Seule voix discordante dans le monde associatif canadien, celle de Patrice Powers, l'un des directeurs de la Coalition pour le droit à l'avortement. Il affirme que le premier ministre Stephen Harper n'est pas en position de remettre en cause le droit à l'avortement dans le climat politique actuel.

«Harper a peur des forces qui soutiennent le droit à l'avortement au Canada, dit-il. C'est pour ça qu'il ne veut rien faire ici, dans son pays. (...) Il envoie un message à son électorat», en refusant de financer l'avortement dans les pays en développement, dans le plan canadien sur la santé maternelle et infantile qui sera développé lors du G8 fin juin au Canada.

Le débat a rebondi cette semaine, avec la sortie de la sénatrice conservatrice Nancy Ruth qui a lâché un bruyant «fermez vos gueules» à des féministes venues manifester sur la colline parlementaire, à Ottawa.

Selon la parlementaire, si les manifestantes persistaient, le premier ministre Stephen Harper pourrait durcir sa position sur l'avortement, même au Canada.

«Il reste cinq semaines d'ici au G8, a-t-elle déclaré (...) Fermez vos gueules d'ici là sur cette question. Si vous brusquez les choses, il y aura un retour de bâton. C'est devenu un enjeu politique. (...) C'est encore un pays où l'avortement est gratuit et accessible. Faisons en sorte qu'il en reste ainsi», a dit Mme Ruth.

Cette remarque, suivie d'une suppression de subventions gouvernementales pour 11 organismes de défense des femmes, 24 heures plus tard, a fait monter au créneau l'ensemble de l'opposition canadienne, Michael Ignatieff en tête. Le chef du parti libéral a demandé des comptes au gouvernement en parlant d'une «campagne d'intimidation».