Le gouvernement Harper affirme qu'il met les bouchées doubles afin de convaincre le Congrès américain d'abandonner les velléités protectionnistes du plan de relance économique de 820 milliards de dollars US avant la visite officielle du nouveau président Barack Obama au pays le 19 février.

Le ministre du Commerce international, Stockwell Day, a affirmé lundi que le gouvernement accentue les pressions pour qu'une clause du plan de relance soit modifiée. Si cette clause dite Buy American demeure inchangée, elle risque de faire perdre des milliers d'emplois au Canada et provoquer une montée du protectionnisme sur la planète.

Cette clause, qui est décriée non seulement au Canada mais aussi en Europe et en Asie, interdirait l'achat d'acier étranger pour des projets financés dans le cadre du plan de relance économique. Ce plan a été adopté la semaine dernière par la Chambre des représentants et est présentement à l'étude au Sénat.

Au Québec, quelque 2000 emplois pourraient être menacés par cette clause, selon une coalition d'entreprises qui transforment l'acier. Le Canada exporte 40% de son acier aux États-Unis.

Devant la levée de boucliers, la Maison-Blanche a indiqué vendredi dernier que la nouvelle administration comptait «réexaminer» cette clause qui violerait, selon les autorités canadiennes, l'Accord de libre-échange nord-américain et les règles de l'Organisation mondiale du commerce.

En fin de semaine, le ministre Day a profité du Forum économique mondial à Davos pour expliquer de vive voix les doléances du Canada à son homologue américain Peter Allgeier. De retour au pays, le ministre Day s'est dit «modérément encouragé» lundi matin devant la possibilité de voir la nouvelle administration américaine changer son fusil d'épaule.

Aux Communes en après-midi, M. Day a affirmé que le gouvernement exerce des pressions auprès des dirigeants américains pour retirer cette clause du plan de relance avant la visite du président Obama.

«C'est exactement notre but d'avoir possiblement une solution avant que le président arrive ici au Canada. Je ne sais pas si c'est possible, mais c'est notre objectif», a affirmé M. Day en réponse à une question du chef du Bloc québécois Gilles Duceppe.

Les demandes du gouvernement canadien ont obtenu un appui important à Washington hier. Le chef de la minorité républicaine au Sénat américain, Mitch McConnell, s'est en effet prononcé contre la clause controversée.

«Je ne pense pas qu'il faille utiliser un projet censé être opportun, temporaire et ciblé pour déclencher des guerres commerciales au moment où le monde entier est aux prises avec un retournement économique», a déclaré M. McConnell au cours d'une conférence de presse.

«Je pense que c'est une mauvaise idée d'inclure cette mesure dans un tel projet de loi qui est censé relancer l'économie», a ajouté M. McConnell.

Les républicains détiennent 41 sièges sur 100 au Sénat, soit une minorité de blocage qui leur permet de retarder indéfiniment les projets de l'administration.

Le projet de plan de relance qui est présentement à l'étude au Sénat va plus loin que la version adoptée par la Chambre des représentants. En effet, il étend à tous les produits industriels la clause protectionniste réservée par les représentants aux seuls produits métallurgiques.

Même si le ministre Day affirme qu'il fait tout pour régler ce dossier rapidement, le Parti libéral estime que le gouvernement Harper a tardé à réagir et qu'il devrait maintenant augmenter la pression sur Washington. Le critique libéral aux affaires étrangères, Bob Rae, a affirmé que le Canada devrait lancer une campagne auprès des élus au Congrès pour les convaincre de biffer cette clause protectionniste.

«Je crois qu'ils ont attendu trop longtemps. Maintenant, c'est au Sénat et c'est clair que ça va très rapidement aux États-Unis. Et c'est aussi clair que les chefs politiques aux États-Unis ne semblent pas tout à fait comprendre le fait que ce n'est pas seulement un problème américain, mais que c'est un problème pour tout le monde. Nous sommes le partenaire économique le plus important des États-Unis en ce qui concerne le commerce. Alors, c'est essentiel de mettre tout l'effort politique que nous pouvons maintenant», a dit M. Rae.

Par ailleurs, le premier ministre du Québec, Jean Charest, a affirmé hier que les craintes de l'industrie sidérurgique sont «justifiées».

«Je pense que c'est responsable d'être inquiet de ce qui se passe aux États-Unis actuellement. (...) Il faut absolument être très vigilant. Il faut suivre ce qui se passe aux États-Unis, surtout dans la foulée d'une élection américaine où le président actuel, M. Obama, a manifesté sa volonté de renégocier les accords commerciaux. Il faut être vigilant. C'est notre intérêt qui nous amène là», a dit M. Charest, de passage à Paris.

Selon M. Charest, cette affaire représente une raison de plus pour faire avancer le projet de partenariat économique entre le Canada et l'Union européenne. «Ça va nous permettre de mieux résister aux tentations protectionnistes que nous voyons aux États-Unis, ou ailleurs.»

- Avec Tommy Chouinard et AFP