Le gouvernement Harper met soigneusement la table à un retour aux déficits à Ottawa dès l'an prochain afin de soutenir les familles, les travailleurs et le secteur manufacturier durement frappés par la crise financière qui secoue toujours la planète.

L'époque où les coffres d'Ottawa débordaient d'argent est donc bel et bien révolue, a clairement fait savoir hier le gouvernement Harper dans un discours du Trône pour expliquer aux Canadiens les grandes lignes de ses ambitions en ce début de deuxième mandat.

 

Ce discours, lu solennellement hier dans l'enceinte du Sénat par la gouverneure générale Michaëlle Jean, comme le veut la tradition, place l'économie en tête de liste des priorités du gouvernement minoritaire conservateur.

Dans ce discours, le gouvernement Harper s'engage à accorder un soutien financier au secteur manufacturier, en particulier celui de la construction automobile et de l'aérospatiale. S'il promet de gérer les finances publiques avec la plus grande prudence, le gouvernement ouvre toute grande la porte pour qu'Ottawa refasse des déficits à partir de l'an prochain. Le ministre des Finances, Jim Flaherty, fera d'ailleurs une mise à jour économique et financière la semaine prochaine.

«Les Canadiennes et les Canadiens trouvent à juste titre inacceptable l'idée de renouer avec des déficits permanents et insoutenables. Il faut absolument éviter de retomber dans ces déficits structurels. Par ailleurs, en ces temps extraordinaires de ralentissement mondial, il serait malavisé de s'engager à déposer à tout prix un budget équilibré à court terme, car, au bout du compte, ce sont les familles canadiennes qui pourraient en faire les frais», peut-on lire dans le discours du Trône.

Selon certains économistes, Ottawa devrait enregistrer un modeste surplus au cours du présent exercice financier qui prend fin le 31 mars 2009. Mais le déficit pourrait friser les 10 milliards au cours des deux exercices financiers subséquents, résultat de la crise mondiale.

Le gouvernement Harper prévoit d'ailleurs prendre des décisions difficiles afin de contenir les dépenses au moment où l'économie canadienne ralentit à un rythme qui étonne même le ministre Jim Flaherty. Ainsi, les subventions, les contributions et les dépenses en capital seront examinées à la loupe.

Mais du même souffle, le gouvernement croit qu'il faudra donner un coup de pouce à des secteurs importants de l'économie canadienne. Le secteur manufacturier, en particulier l'industrie automobile et l'aérospatiale, «se fragilise de plus en plus.» Résultat: «Notre gouvernement apportera de nouveaux soutiens à ces industries.»

Le gouvernement Harper prévoit mettre en oeuvre un plan en cinq volets pour soutenir l'économie canadienne.

> Il veut participer aux négociations internationales pour réformer le secteur financier mondial. Le sommet du G20 la fin de semaine dernière a donné le coup d'envoi à ces pourparlers. D'autres négociations auront lieu au début de l'année.

> Il compte assurer la saine gestion des finances publiques. Le gouvernement fera tout pour éviter de retomber dans l'ornière des déficits permanents. Les dépenses de l'État seront examinées à la loupe. Les hausses des salaires des fonctionnaires seront limitées.

> Il entend encourager l'apprentissage de métiers spécialisés et la formation en entreprise d'autant qu'il existe une pénurie de main-d'oeuvre dans certains secteurs.

> Il veut promouvoir l'investissement au Canada et le commerce à l'étranger en négociant de nouveaux accords de libre-échange en Europe, en Asie et dans les Amériques.

> Enfin, il veut accroître l'efficacité du gouvernement en réduisant notamment les tracasseries administratives et en améliorant la gestion des programmes.

Dans le discours du Trône, le gouvernement Harper propose aussi de travailler avec les provinces afin de créer une Commission nationale des valeurs mobilières, un projet auquel s'oppose farouchement le Québec.

«La crise du crédit a aussi fait ressortir les dangers d'un système de réglementation financière fragmenté. Pour resserrer davantage la surveillance des marchés financiers au Canada, notre gouvernement travaillera avec les provinces à la création d'une commission des valeurs mobilières communes», peut-on lire dans le discours du Trône.

En point de presse après le discours, le ministre Flaherty a soutenu qu'il n'a pas l'intention de brusquer les provinces qui ne veulent pas se joindre à la nouvelle commission. «Nous avons un système financier solide. Notre seule lacune, c'est d'avoir toujours 13 commissions des valeurs mobilières. Nous allons créer une commission nationale avec les partenaires qui le voudront bien», a dit M. Flaherty.

Même s'il fait de l'économie une véritable obsession, le gouvernement Harper a profité du discours du Trône pour réitérer certaines des promesses de la dernière campagne électorale.

> Travailler avec les provinces pour éliminer d'ici 2010 les obstacles au commerce intérieur.

> Réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20% d'ici 2020 (niveau de 2005). Le gouvernement veut aussi conclure un pacte nord-américain pour créer un système de plafonnement et d'échange de droits d'émission de gaz à effet de serre.

> Proposer un plan visant à faire en sorte que 90% des besoins en électricité au Canada puissent être satisfaits par des sources non émettrices de GES comme l'hydroélectricité, le charbon propre, le nucléaire ou encore l'éolien d'ici 2020.

> Imposer des peines plus sévères aux criminels dangereux ainsi qu'aux jeunes contrevenants.

> Retirer les 2500 Canadiens en mission en Afghanistan d'ici 2011.

> Moderniser les institutions fédérales comme le Sénat pour les rendre plus démocratiques.

 

LES POINTS SAILLANTS

Accroître la sécurité économique du pays

Soutenir le secteur manufacturier

Assurer l'avenir énergétique

Lutter contre les changements climatiques

Bonifier les prestations parentales

Imposer des peines plus sévères aux auteurs de crimes graves

Moderniser les Forces armées canadiennes

Transformer la mission afghane vers la reconstruction et le développement

Consulter les électeurs sur la nomination des sénateurs et limiter leur mandat à huit ans