Les propositions faites au Québec par Stephen Harper en pleine campagne électorale en matière de radiodiffusion s'inspirent, sans les rejoindre, des demandes formulées par le gouvernement Charest dans une lettre passablement détaillée, le printemps dernier.

Dans une lettre à la ministre de Patrimoine Canada, Josée Verner, obtenue par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, la ministre québécoise de la Culture, Christine St-Pierre, revendiquait «la mise en place de mécanismes concrets de participation à l'élaboration et à la définition de politiques gouvernementales» en matière de radiodiffusion.

La lettre remonte à avril 2008, et n'avait valu à Québec qu'un accusé de réception. Six mois plus tard, Mme St-Pierre avait d'ailleurs déploré ce mutisme d'Ottawa dans une seconde missive à Mme Verner, pour se plaindre, cette fois, des coupes en culture.

Dans la lettre cosignée par le titulaire des Affaires intergouvernementales, Benoît Pelletier, Mme St-Pierre propose «dans les meilleurs délais» des discussions pour une entente Canada-Québec dans le secteur des communications, «radiodiffusion et télécommunications». Elle propose aussi une autre entente, distincte, sur la culture.

C'était à l'époque des audiences du CRTC sur la fermeture de Télévision Quatre Saisons, une opération qui a mis en évidence l'importance du CRTC pour ces décisions névralgiques. Le Québec a le premier légiféré sur la radiodiffusion dès 1929, et le gouvernement Charest «considère que le gouvernement fédéral ne doit pas agir seul dans les domaines de la radiodiffusion et des télécommunications».

En annexe, Mme St-Pierre précisait une longue liste d'objectifs du gouvernement québécois, notamment la «mise en place de mécanismes de consultation lors de la révision des lois fédérales en matière de radiodiffusion et de télécommunications».

Québec revendique aussi des mécanismes pour l'examen d'appels par le cabinet fédéral de décisions du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes ayant un impact sur le Québec. Un moment de tension était survenu en 2004 quand le CRTC avait suspendu la licence de la Radio X à Québec, ce qui avait déclenché d'imposantes manifestations.

Québec préconise aussi la «régionalisation de certaines activités du CRTC» et la constitution «formelle d'un bureau régional du CRTC au Québec».

Autre revendication, le Québec devrait être consulté, «participer» au choix des conseillers (les commissaires) québécois du CRTC. Finalement ces conseillers québécois devraient être en nombre suffisant.

En culture, le gouvernement Charest réclame la «maîtrise d'oeuvre» des programmes, et rappelle que le défunt accord de Charlottetown, battu au référendum de l'automne 1992, prévoyait que «les provinces devraient avoir compétence exclusive sur les questions culturelles sur leur propre territoire». Mme St-Pierre rappelle même que dans son discours sur le fédéralisme d'ouverture, en décembre 2005, M. Harper avait promis «la reconnaissance des responsabilités culturelles et institutionnelles spéciales du gouvernement du Québec».

«Nous vous invitons donc à nous désigner rapidement des interlocuteurs afin que nos gouvernements entreprennent ces discussions dans les meilleurs délais», concluait Mme St-Pierre, dans sa missive qui n'a jamais eu de réponse d'Ottawa.

En campagne électorale, le premier ministre Harper a déclaré que le CRTC «dorénavant va refléter non seulement la réalité canadienne mais aussi refléter la réalité francophone et la réalité québécoise».

Il s'est engagé à ce que 25% des commissaires du CRTC soient francophones. Un des deux vice-présidents sera toujours francophone, et pour la présidence, Ottawa alternera entre des candidats francophones et anglophones.

M. Harper s'est aussi engagé, comme le souhaitait Québec, à ce que les nominations soient faites en consultation avec le gouvernement du Québec et les minorités du pays. Aussi, les audiences portant sur des chaînes francophones ou québécoises devraient être tenues devant une majorité de commissaires francophones.

Toutefois, hormis le processus de consultation, plusieurs de ces engagements correspondent à des pratiques déjà en place.

- Avec la collaboration de William Leclerc