(Québec) C’est un caucus de Québec solidaire (QS) ébranlé qui poursuit les travaux parlementaires mardi à Québec en l’absence du co-porte-parole masculin, Gabriel Nadeau-Dubois, qui prend « du temps pour digérer les évènements », affirme son équipe. En point de presse et dans les corridors du parlement, les quelques élus solidaires qui ont accepté de répondre aux questions ont reconnu que leur parti traversait une crise, mais ont réitéré leur appui envers leur leader.

Le député de Rosemont, Vincent Marissal, est le seul élu du caucus qui a appuyé la co-porte-parole démissionnaire Émilise Lessard-Therrien lors de la dernière course au co-porte-parolat, qu’elle avait remportée de justesse en novembre dernier. Visiblement ému, il a dit assumer sa part des responsabilités dans la crise, estimant qu’il aurait pu intervenir quand il a réalisé que quelque chose ne tournait pas rond entre les deux porte-parole.

Est-ce que M. Nadeau-Dubois, absent du parlement pour la journée, doit revoir ses façons de faire, accusé d’être entouré d’une équipe hermétique ?

« La réponse courte, c’est oui. La réponse longue, c’est qu’est-ce qu’on change ? […] Il s’ajuste tous les jours. Il est dans une position qui n’est pas toujours facile. Il a déjà pris acte de certains changements qu’il fallait faire, je pense qu’il va les faire, [et] je sais qu’il y a des choses qui doivent changer », a-t-il dit à son arrivée au caucus, mardi midi.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

Vincent Marissal

Selon M. Marissal, ce qui est arrivé est ni plus ni moins « un échec ». « J’ai senti il y a déjà plusieurs semaines qu’elle était épuisée. Je lui ai même gentiment conseillé de prendre un peu de recul pour sa santé », a-t-il ajouté.

« Je pense qu’il faut qu’on se pose des questions sur ce qui s’est passé [et le parti] se réunit d’ailleurs à la fin du mois de mai. On aura l’occasion de faire des bilans, mais il n’y a personne qui se rentre la tête dans le sable. Personne ne dit que ce n’est pas grave, on tourne la page et on va passer à un autre appel. Ben non. Il s’est passé quelque chose et ce n’est pas quelque chose qui est bien, ce n’est pas quelque chose de fun », a conclu M. Marissal.

« Le procès de Gabriel » ?

Pour le leader parlementaire de Québec solidaire, Alexandre Leduc, les discussions qui s’enflamment depuis la démission surprise d’Émilise Lessard-Therrien ressemblent au « procès de Gabriel », ce qu’il dénonce. M. Leduc rejette aussi du revers de la main qu’une « clique » composée de personnes proches du co-porte-parole masculin soit hermétique, ce que dénoncent d’anciens employés et la co-porte-parole démissionnaire dans le message public qui annonçait son départ.

« Je les connais toutes, ces personnes-là, intimement, personnellement, encore plus depuis deux ans maintenant que je suis leader parlementaire. [Ce sont] des gens hautement compétents. Je trouve ça regrettable que dans la discussion actuelle on cherche à tout prix un coupable. C’est comme si on jouait à loup-garou, puis c’est qui qu’on pend ce soir », a déploré M. Leduc.

La députée de Sherbrooke, Christine Labrie, qui a perdu la course au co-porte-parolat face à Émilise Lessard-Therrien, a ensuite affirmé que le caucus vivait un deuil face à ce qui se passait.

« Le caucus est affecté, c’est certain, par la décision d’Émilise. Plusieurs ont été pris par surprise par sa décision. On vit un deuil, en quelque sorte, quand même, parce qu’on s’était rallié tout le monde très rapidement derrière Émilise, puis envers le projet qu’elle portait. On voulait l’aider puis être ses alliés », a-t-elle dit.

Mme Labrie a ensuite vivement défendu le leadership incarné par Gabriel Nadeau-Dubois. Selon elle, le chef parlementaire et co-porte-parole masculin de QS fait de la place aux femmes dans le parti.

« Gabriel, c’est quelqu’un qui travaille avec les autres. Moi-même, je suis une femme qui travaille auprès de Gabriel, [et] quand j’entends des gens dire qu’on ne donne pas assez d’espace aux femmes dans ce parti-là, puis qu’ils n’ont pas de leadership au sein du parti, ça me dérange beaucoup. »

Je sens que j’en ai du leadership dans ce parti-là. Ça m’affecte qu’on nous considère comme des subordonnés. Je ne me sens pas comme ça puis je trouve ça insultant.

Christine Labrie

« S’il y avait un climat si toxique que ça autour de Gabriel, pensez-vous qu’il y aurait autant de gens qui sont ses collaborateurs depuis autant d’années ? Moi, je trouve que c’est le signal de quelqu’un qui a un leadership fort, qui sait bien s’entourer de gens compétents, mais c’est quelqu’un aussi que je connais comme étant capable de favoriser l’épanouissement de ses collègues », a ajouté Mme Labrie.

En démissionnant de ses fonctions de co-porte-parole féminine, lundi, Émilise Lessard-Therrien a pointé du doigt la « petite équipe de professionnel. le. s tissée serrée » qui entoure M. Nadeau-Dubois, ce qui l’a fait sentir « bien seule » et avec qui elle a eu « du mal à y trouver [son] espace ». L’ex-députée de Rouyn-Noranda–Témiscamingue n’a accordé aucune entrevue depuis qu’elle a quitté ses fonctions.

En point de presse à Granby, lundi, le chef parlementaire et co-porte-parole masculin de QS, Gabriel Nadeau-Dubois, a reconnu que « le défi était important : faire fonctionner un nouveau modèle avec une porte-parole non élue à l’Assemblée nationale ». « Force est de constater que ce défi-là, on n’a pas réussi à le relever collectivement », a-t-il dit.