(Rivière-Du-Loup) Les élus municipaux estiment avoir fait reculer le gouvernement caquiste dans sa volonté de réviser le financement populaire des partis et des candidats.

La ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, dit qu’elle n’a pas abordé l’enjeu avec ses homologues municipaux, mais ajoute toutefois que cela reviendra sur la table.

Embourbé dans des controverses sur les méthodes de financement de son parti, le chef caquiste François Legault avait évoqué au début de février la possibilité de mettre fin aux collectes des contributions des citoyens par les partis et les candidats, comme le permet la loi actuelle.

Mais autant l’Union des municipalités du Québec (UMQ) que la Fédération québécoise des municipalités (FQM) lui avaient signifié leur refus, notamment parce que les nouveaux candidats en politique municipale ont besoin de recueillir des dons pour financer leur campagne.

« Le message est passé, sincèrement, je pense que oui », a déclaré le président de la FQM, Jacques Demers, en entrevue avec La Presse Canadienne mercredi matin, en marge d’une annonce à Rivière-du-Loup.

« Le gouvernement ne nous a jamais relancés et il n’a pas tenté de nous embarquer dans le mode : “on ne fait plus de financement populaire” », a fait valoir M. Demers, qui est également maire de Sainte-Catherine-de-Hatley.

« On sent qu’on a été bien entendu », a renchéri la mairesse de Granby et trésorière de l’UMQ, Julie Bourdon, au cours d’une entrevue après la conférence de presse.

Elle a souligné que le financement populaire est un outil important dans la démocratie municipale.

Elle reconnaît toutefois qu’« il y a des choses à améliorer », sans préciser lesquelles.

Cependant, elle fait valoir que les élections municipales s’en viennent à grands pas l’an prochain et que l’échéancier est plutôt serré pour mettre en place des changements législatifs.

« On tombe en campagne électorale l’an prochain, donc on ne pense pas qu’il y aura des changements en matière de financement populaire. »

Les deux regroupements de municipalités font valoir que la fin du financement populaire serait un recul en démocratie municipale.

Les dons des particuliers sont « absolument nécessaires » pour que les nouveaux candidats sur la scène municipale puissent se faire connaître, « sinon les vieux partis et les candidats en place auront un avantage stratégique majeur », avait fait valoir le président de l’UMQ, Martin Damphousse.

« On va avoir besoin du financement populaire, parfois pour encourager de nouvelles idées, de nouveaux groupes politiques qui pensent différemment, il faut qu’ils soient capables de se financer », a plaidé M. Demers mercredi.

Le financement populaire « est un beau mode de financement », a-t-il fait valoir.

« On n’a pas discuté de ça, du tout du tout », a pour sa part répondu la ministre Andrée Laforest, mercredi, en entrevue après la conférence de presse.

« Honnêtement, je n’ai pas eu la chance de discuter avec les unions à ce sujet, sur le financement (populaire), on va sûrement en parler, mais présentement, on n’a pas eu de rencontre. »

Rappelons que depuis le 23 janvier, la CAQ a été éclaboussée par les controverses sur ses méthodes de collecte de fonds.

M. Legault a annoncé par la suite que son parti allait renoncer au financement populaire, c’est-à-dire aux contributions des individus : la CAQ fait ainsi une croix sur environ 1 million recueillis en dons par an.

L’opposition accuse des députés caquistes d’avoir fait miroiter l’accès à des ministres en échange d’un don de 100 $ au parti lors d’activités de financement, comme le suggèrent des messages d’invitation obtenus par La Presse Canadienne.

On ne peut faire miroiter un privilège en appâtant les élus municipaux avec un ministre dans un cocktail de financement – la loi interdit de contribuer à un parti dans l’intention d’obtenir une contrepartie.

La Presse Canadienne a également révélé que 503 sur 1138 maires et préfets du Québec avaient contribué à la caisse électorale de la CAQ depuis les dernières élections municipales de 2021, pour un total de près de 100 000 $.

Les partis d’opposition accusent la CAQ d’avoir mis sur pied un stratagème de financement qui cible les élus municipaux, ce que les caquistes ont démenti.

Le ministre Bernard Drainville a reconnu que des élus municipaux discutaient avec lui de leurs dossiers lors des activités de financement, alors que la directrice générale de la CAQ affirmait plutôt que les échanges entre le ministre et les maires étaient de l’ordre de la conversation brève, du « saupoudrage ».

La loi permet à tout citoyen de contribuer jusqu’à 100 $ par an à la caisse d’un parti, mais la contribution doit être faite « sans compensation ni contrepartie », pour « éviter qu’un parti ou qu’un candidat se trouve dans une situation où il se sentirait redevable face à la contribution versée par un donateur et s’assurer que chaque donateur agit volontairement pour verser sa contribution, de son propre chef et à même ses propres fonds, sans subir de pression ou de promesse d’une tierce personne », stipule Élections Québec.