(Ottawa) Le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, met ses troupes en état d’alerte électorale quelques jours après avoir donné au gouvernement minoritaire de Justin Trudeau jusqu’au 1er mars pour déposer un projet de loi visant à jeter les bases d’un programme national d’assurance-médicaments.

Si cet échéancier n’est pas respecté, l’entente conclue il y a près de deux ans entre le NPD et le gouvernement Trudeau, qui doit assurer la survie des libéraux à la Chambre des communes en principe jusqu’en juin 2025, ne tiendra plus.

Pour démontrer que ces propos ne s’inscrivent pas dans le registre du bluff politique, le chef du NPD a indiqué à La Presse lundi qu’il a demandé la semaine dernière à l’état-major de son parti d’accélérer les préparatifs électoraux dans l’éventualité où le gouvernement Trudeau perdrait un vote de confiance à la Chambre des communes – un vote qui aurait pour effet de plonger le pays en campagne électorale.

« Ce n’est pas du bluff. On est sérieux. J’ai l’appui des membres du parti. Ils ont déjà envoyé un message fort pendant le dernier congrès. J’ai l’appui de mon équipe de députés. La seule raison pour laquelle on a conçu cette entente, c’est pour aider les gens. C’est notre but. Et si les libéraux se traînent encore les pieds et brisent leur promesse, ça suffit. On n’a plus de patience pour cela », a affirmé M. Singh lors d’une entrevue dans son bureau de la colline parlementaire.

Je suis ferme. J’ai été clair au sujet de ce que je dois voir d’ici le 1er mars. La balle est dans le camp des libéraux. Ce sont eux qui vont décider s’ils vont briser leur promesse. Et s’ils brisent leur promesse, l’entente ne tient plus. Il va y avoir des conséquences.

Jagmeet Singh, chef du NPD

En vertu de cette entente, le NPD s’est engagé à appuyer le gouvernement libéral lors des votes de confiance qui portent notamment sur le budget. En échange, Justin Trudeau s’est engagé à mettre en œuvre des mesures qui sont chères au NPD. Parmi celles-ci, on retrouve la création d’un programme national de soins dentaires, qui a vu le jour l’an dernier, et le programme national d’assurance-médicaments.

Une campagne électorale en 2024 ?

La fin de l’entente pourrait aussi ralentir l’adoption de projets de loi importants pour les libéraux. Mais la conséquence la plus importante pourrait être la chute du gouvernement libéral et la tenue d’élections fédérales en 2024, a tenu à souligner Jagmeet Singh.

Pour la première fois depuis deux ans, le scénario d’une campagne électorale en 2024 fait son entrée dans le vocabulaire du chef néo-démocrate. C’est d’ailleurs dans cette optique qu’il a demandé à ses troupes de se mettre en état d’alerte.

Les libéraux se traînent les pieds. Cela fait près de 30 ans qu’ils le font dans le dossier de l’assurance-médicaments. […] Sans entente, il y a plusieurs conséquences possibles. Cela ne veut pas dire nécessairement des élections. Mais on est conscients que c’est une possibilité.

Jagmeet Singh, chef du NPD

En réponse à l’ultimatum réaffirmé à quelques reprises la semaine dernière par le chef du NPD, Justin Trudeau et son ministre de la Santé, Mark Holland, ont déclaré que les pourparlers entre les deux camps progressaient à un point tel que le premier ministre se disait optimiste vendredi qu’un compromis serait à portée de la main.

PHOTO CHRISTINNE MUSCHI, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le ministre fédéral de la Santé, Mark Holland

Le ministre Holland a tenu essentiellement le même discours dimanche dans une entrevue accordée à l’émission Question Period diffusée sur le réseau CTV. Il a notamment déclaré qu’il ne sentait pas le besoin d’activer la sonnette d’alarme. « Je suis donc convaincu que nous serons en mesure de trouver une solution et que le projet de loi sera déposé avant la date limite », a affirmé M. Holland.

Une lecture différente au NPD

De toute évidence, M. Singh n’a pas la même lecture des pourparlers. En entrevue, il a mis en doute la volonté réelle des libéraux de créer un régime d’assurance-médicaments qui, à terme, pourrait coûter quelque 13 milliards de dollars par année, selon les calculs du directeur parlementaire du budget.

En guise d’exemple, le chef du NPD a relevé que des lobbyistes des grandes compagnies pharmaceutiques ont rencontré des ministres du gouvernement Trudeau à quelque 150 reprises au cours des neuf derniers mois. « Les libéraux continuent de prioriser les intérêts de ces grandes entreprises au lieu de ceux des gens ordinaires. »

Depuis neuf mois, les sondages accordent une large avance au Parti conservateur de Pierre Poilievre dans les intentions à l’échelle du pays sur les libéraux de Justin Trudeau. Un sondage de la firme Abacus Data publié dimanche accordait 43 % au Parti conservateur, 24 % au Parti libéral et 18 % au NPD. Au Québec, le Bloc québécois arrive en tête avec 34 %, contre 26 % au Parti conservateur, 25 % au Parti libéral et 8 % au NPD.