(Ottawa) Le gouvernement Trudeau sera incapable de respecter ses cibles en matière de déficits à partir de 2026-2027, si l’on se fie aux projections économiques actuelles, à moins de réduire les dépenses d’au moins 12 milliards par année.

Ce qu’il faut savoir

  • Le gouvernement Trudeau veut limiter les déficits à 1 % du PIB à compter de 2026.
  • Cet ancrage financier sera difficile à respecter si Ottawa ne réduit pas ses dépenses.
  • Une réduction des dépenses de 12 milliards par année sera nécessaire, selon une analyse du Conseil canadien des affaires.

C’est du moins la conclusion que tire le Conseil canadien des affaires (CCA) dans une étude des mesures proposées par la ministre des Finances Chrystia Freeland, dans sa dernière mise à jour économique déposée en novembre, afin de doter Ottawa d’une plus grande discipline budgétaire.

Dans cette mise à jour économique, Mme Freeland a annoncé que le gouvernement Trudeau établirait un nouvel ancrage financier : maintenir les déficits sous la barre de 1 % du produit intérieur brut (PIB) en 2026-2027 et les années suivantes.

Selon cette formule, le déficit ne devrait pas dépasser 32 milliards durant cet exercice financier, car le ministère des Finances estime que le PIB atteindra 3202 milliards en 2026.

Selon le CCA, le gouvernement va rater cette cible. Le président et chef de la direction de cette organisation qui représente les plus grands employeurs au pays, Goldy Hyder, a exprimé son scepticisme au sujet d’une nouvelle rigueur budgétaire à Ottawa dans une lettre adressée au premier ministre Justin Trudeau.

« Le déficit aujourd’hui est de 1,4 % du PIB. En présumant qu’il n’y aura aucune nouvelle taxe et que la croissance économique sera faible, comme le prévoit la Banque du Canada, une réduction de 0,4 % du déficit sous-entend une diminution des dépenses d’au moins 12 milliards de dollars par année ou encore de 50 milliards de dollars sur cinq ans. Étant donné que votre gouvernement a augmenté les dépenses de plus de 5 % en moyenne par année depuis 2016, l’ancrage financier proposé n’est tout simplement pas crédible », affirme M. Hyder dans sa lettre de trois pages.

La Presse a obtenu une copie de cette lettre qui a été envoyée en prévision de la retraite de trois jours du cabinet fédéral à Montréal. Cette retraite, qui commence ce dimanche soir, vise à préparer la reprise des travaux parlementaires du lundi 29 janvier.

Durant cette retraite du cabinet, Justin Trudeau et ses ministres aborderont les dossiers de l’heure comme la crise du logement, la hausse du coût de la vie et les politiques en matière d’immigration, ainsi que l’impact que pourrait avoir l’élection présidentielle de novembre aux États-Unis sur les relations canado-américaines.

Depuis son arrivée au pouvoir, en 2015, le gouvernement Trudeau n’a jamais présenté un budget équilibré. Dans sa mise à jour économique de novembre dernier, la ministre Chrystia Freeland a confirmé que le ralentissement de l’économie canadienne et la hausse des taux d’intérêt plombaient plus que prévu les finances du gouvernement et allaient augmenter la taille des déficits au cours des cinq prochaines années.

Importantes pressions financières

Dans l’analyse du CCA, rédigée par Robert Asselin, ancien directeur du budget de l’ex-ministre des Finances Bill Morneau qui est aujourd’hui premier vice-président au CCA, on souligne d’ailleurs que le gouvernement Trudeau fait face à d’importantes pressions financières à moins de deux ans des prochaines élections fédérales.

M. Asselin souligne notamment que le Nouveau Parti démocratique, qui soutient le gouvernement minoritaire de Justin Trudeau aux Communes lors des votes de confiance, exige la création d’un programme national d’assurance-médicaments, une mesure qui pourrait coûter jusqu’à 18 milliards de dollars par année une fois mise en œuvre.

« Deuxièmement, le Canada est confronté à d’importants changements démographiques qui auront un impact sur les coûts de la Sécurité de la vieillesse et des soins de santé. À cette liste s’ajoutent de réelles pressions sur les dépenses de défense, la transition énergétique et la politique industrielle, la recherche et le développement ainsi que la réconciliation autochtone. Il est peu probable que le gouvernement puisse ignorer l’une ou l’autre de ces grandes questions politiques », note M. Asselin dans son analyse.

Dans sa missive au premier ministre, M. Hyder déplore par ailleurs la lenteur du gouvernement libéral à mettre en œuvre sa promesse de soumettre un plan d’ici la fin de 2023 visant à accélérer l’évaluation des grands projets énergétiques. Pis encore, le gouvernement n’a même pas élaboré le début d’une ébauche de ce plan, qui est attendu avec impatience par les investisseurs, les communautés où se trouvent des projets prometteurs et les groupes intéressés.

Déjà, le Canada doit composer à l’étranger avec une réputation malheureuse selon laquelle l’approbation des projets d’exploitation de ressources naturelles peut prendre des années, voire une décennie, avant d’aboutir, de l’aveu même de certains ministres influents du gouvernement Trudeau.

« Tout délai à corriger le processus fédéral d’approbation des projets crée de l’incertitude, décourage l’investissement et éloigne le Canada de son objectif d’assurer une transition vers une économie à faible empreinte carbone. Par conséquent, le Canada et les Canadiens perdent du terrain », expose M. Hyder.

Il relève aussi que le gouvernement Trudeau n’a pas encore mis en œuvre les crédits d’impôt évoqués par Ottawa afin de stimuler les investissements pour la transition énergétique et concurrencer les mesures de l’Inflation Reduction Act de l’administration de Joe Biden aux États-Unis.