(Ottawa) Le chef conservateur Pierre Poilievre a présenté mercredi à la Chambre des communes un projet de loi d’initiative parlementaire pour résoudre la crise nationale du logement.

Le projet de loi, qui a peu de chances d’être adopté, se concentre sur l’utilisation des dépenses fédérales en matière d’infrastructures et de transports en commun pour pousser les villes à construire davantage de logements.

M. Poilievre propose d’exiger que les villes augmentent la construction de logements de 15 % chaque année pour toucher leurs transferts habituels en infrastructures.

Les villes qui n’atteindront pas cet objectif verront diminuer l’argent fédéral qu’elles reçoivent, tandis que celles qui le dépasseront recevront de l’argent supplémentaire.

Le financement des projets de transport en commun ne serait également accordé aux villes que lorsque des logements à haute densité sont construits et occupés autour des gares de transport en commun.

Les experts en matière de logement, les défenseurs et les groupes industriels s’accordent généralement sur le fait que les municipalités placent de nombreux obstacles aux nouveaux développements, et que les conseils municipaux sont souvent influencés par un sentiment anti-développement.

Pour M. Poilievre, lier les fonds fédéraux aux résultats en matière de logement au niveau municipal est le principal moyen de résoudre la crise du logement.

Les libéraux prévoient également utiliser les fonds fédéraux pour pousser les villes à construire davantage de logements grâce à leur Fonds d’accélération du logement récemment lancé. Ce fonds ne donne aux villes que de l’argent supplémentaire et n’implique pas de retenue d’argent si elles n’atteignent pas les objectifs établis.

Lors de la présentation de son projet de loi à la Chambre des communes mercredi, M. Poilievre a qualifié le fonds libéral de « davantage de bureaucratie ».

Il l’oppose à son propre plan, qui propose une « formule mathématique simple » pour récompenser — ou punir — les villes.

La proposition conservatrice réaffecterait 100 millions du Fonds d’accélération du logement pour donner de l’argent supplémentaire aux communautés qui dépassent largement les objectifs en matière de logement.

Les conservateurs ont expliqué que le projet de loi donnerait également aux Canadiens la possibilité de se plaindre auprès du gouvernement fédéral des municipalités qui font obstacle à de nouveaux développements, créant ainsi un nouveau processus fédéral de plainte. Le gouvernement fédéral refuserait alors de financer davantage si la plainte est légitime.

Murtaza Haider, professeur de science des données et de gestion immobilière à l’Université métropolitaine de Toronto, a déclaré qu’il apprécie globalement l’approche conservatrice consistant à limiter la bureaucratie gouvernementale et à désigner les villes comme des « gardiens » qui bloquent les développements.

« Ce que propose Pierre Poilievre reflète la pensée typique de la droite selon laquelle moins de gouvernement est préférable. Et je suis d’avis que c’est peut-être le mode privilégié auquel nous devrions réfléchir », a déclaré M. Haider.

Tout en applaudissant l’idée d’accorder un financement supplémentaire lié aux résultats en matière de logement, M. Haider s’est montré prudent face à la réduction des transferts en infrastructures pour les villes qui n’atteignent pas les objectifs.

« Je trouve troublant qu’ils (retiennent) le financement des infrastructures pour les municipalités (si) pour une raison ou une autre, elles ne sont pas en mesure d’atteindre l’objectif, a déclaré M. Haider. Je pense que cela va un peu trop loin. »

Selon M. Haider, le refus de financement pourrait conduire à des pénuries de logements encore plus importantes, si les villes ne sont pas en mesure de faire avancer les projets d’infrastructure nécessaires.

« Je pense qu’en fin de compte, le gouvernement fédéral devrait toujours être là pour assurer les infrastructures nécessaires, indépendamment de ce qui s’est passé dans le dossier du logement », a-t-il précisé.

Supprimer la TPS sur les lotissements locatifs

Le projet de loi propose également de supprimer les frais de TPS sur les lotissements locatifs qui offrent des loyers inférieurs au marché, ce qui contraste avec le plan des libéraux visant à supprimer la taxe sur tous les lotissements locatifs.

Carolyn Whitzman, experte en logement et professeure adjointe à l’Université d’Ottawa, s’est dite favorable à l’utilisation de la carotte et du bâton pour inciter les villes à construire davantage de logements.

Mais selon elle, limiter l’exonération de la TPS aux développements locatifs inférieurs au marché ajouterait une couche inutile de complexité.

« La TPS n’est pas l’endroit où j’ajouterais une couche de bureaucratie », a-t-elle déclaré.

Mme Whitzman a également souligné l’absence d’un plan visant à répondre à la nécessité d’augmenter considérablement le parc de logements sociaux.

Les loyers inférieurs au marché, a-t-elle déclaré, ne seraient pas nécessairement suffisamment abordables pour ceux qui ont besoin d’un logement très abordable.

« Nous n’avons rien entendu sur le logement hors marché. Nous n’avons rien entendu sur le logement avec services de soutien, nous n’avons rien entendu sur les soins de longue durée. Nous n’avons rien entendu sur le type de logement le plus demandé dont nous avons besoin en ce moment », a énuméré Mme Whitzman.

D’autres éléments du plan incluent la vente de 15 % des bâtiments et des terrains fédéraux pour le développement de logements de même que la reprise de primes et de rémunérations pour les dirigeants de la Société canadienne d’hypothèques et de logement pour les approbations retardées et les objectifs de construction de logements manqués.