(Ottawa) Hausse du prix des aliments, difficulté de trouver un logement, taxe sur le carbone… le coût de la vie a marqué la reprise des travaux de la Chambre des communes lundi. Libéraux, conservateurs et néo-démocrates promettent tous des projets de loi pour rendre la vie plus abordable.

Le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, a ouvert le bal avec le sien pour modifier la Loi sur la concurrence. Il a ainsi tenté de couper l’herbe sous le pied des libéraux qui promettent de réformer cette législation « très rapidement ».

« Les libéraux savent depuis 20 mois que l’inflation des aliments a dépassé le taux d’inflation général, ce qui veut dire que les familles ont payé des milliers de dollars de plus parce que ce gouvernement n’a rien fait », a-t-il dénoncé en point de presse.

Il veut augmenter les peines pour les fixations de prix, protéger les petites épiceries des tactiques anticoncurrentielles des grandes chaînes, donner davantage de pouvoir au Bureau de la concurrence et éliminer les fusions entre grandes entreprises.

S’agit-il d’un copié-collé du projet de loi que les libéraux comptent déposer à l’automne ?

Le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, promet « la réforme la plus complète du droit de la concurrence au pays » qui donnerait « le pouvoir au directeur du Bureau de la concurrence de demander des documents et d’avoir une requête judiciaire ».

Le gouvernement enlèverait aussi la « fameuse défense qu’il y avait sur les fusions qui ne sont pas dans l’intérêt des Canadiens » et s’attaquerait aux « collaborations qui nuisent à la concurrence », a ajouté le ministre lors de la période des questions, quelques heures après avoir rencontré les PDG des cinq grandes chaînes d’épiceries pour leur demander de stabiliser les prix.

La leader du gouvernement en chambre, Karina Gould, a promis que ce projet de loi serait déposé « très rapidement » et qu’il viserait également à mettre en œuvre la série de mesures annoncées la semaine dernière. Les libéraux n’appuieront pas celui que compte déposer le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre, pour stimuler la construction de logements.

Logements abordables et assurance santé

Les travaux parlementaires ont repris à la Chambre des communes lundi et déjà le ton est donné. La leader du gouvernement en chambre, Karina Gould, a affirmé que le gouvernement allait « collaborer » avec les autres partis pour que les travaux parlementaires avancent rondement, tout en accusant M. Poilievre de « faire des crises ».

PHOTO SEAN KILPATRICK, LA PRESSE CANADIENNE

La leader du gouvernement en chambre, Karina Gould (au micro), et le ministre du Logement, de l’Infrastructure et des Collectivités, Sean Fraser (à sa gauche)

Le ministre du Logement, de l’Infrastructure et des Collectivités, Sean Fraser, a affirmé que la proposition des conservateurs est « totalement décevante ». « Ils excluent la plupart des maisons destinées à la classe moyenne », a-t-il commenté.

Pierre Poilievre avait indiqué jeudi qu’il déposerait un projet de loi pour éliminer la bureaucratie municipale. Il enlèverait notamment la taxe sur les produits et services (TPS) sur la construction de logements abordables. Quelques heures plus tard, le premier ministre Justin Trudeau annonçait que son gouvernement allait mettre en œuvre cette mesure qu’il avait promise en 2015, mais jamais concrétisée.

Elle fera partie du projet de loi sur le coût de la vie que les libéraux veulent déposer à la Chambre des communes et sera appliquée de façon rétroactive au 14 septembre, jour de l’annonce. Les mesures pour réduire le prix du panier d’épicerie s’y retrouveront également – une taxe est envisagée si les cinq géants de l’agroalimentaire ne le font pas diminuer d’eux-mêmes.

Le gouvernement promet aussi de déposer un projet de loi pour jeter les bases d’un programme d’assurance médicaments pancanadien et voudrait qu’il soit adopté avant la période des Fêtes.

Cette mesure fait partie de l’entente avec les néo-démocrates qui permet au gouvernement minoritaire de Justin Trudeau de prolonger son mandat jusqu’en 2025.

« En ce moment, le gouvernement libéral n’est pas clair », a déploré M. Singh en insistant sur le besoin d’obtenir un programme « entièrement universel et public ».

Le Québec a déjà son propre programme et la ministre Gould n’a pas voulu dire s’il pourrait obtenir un droit de retrait avec pleine compensation financière, comme le réclame le Bloc québécois. Le NDP estime qu’il serait justifié de faire une incursion dans ce champ de compétence.

Les conservateurs n’ont pas indiqué quand ils déposeraient leur projet de loi sur la bureaucratie municipale. Ils ont concentré leurs attaques sur la taxe sur le carbone « libérale-bloquiste » lundi, signe qu’ils ne considèrent plus les libéraux comme leur seul adversaire.

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, brillait par son absence lors de la rentrée parlementaire. Il s’est plutôt rendu à Washington pour discuter de la place du Québec dans les chaînes d’approvisionnement nord-américaines.

Où sont les 900 millions ?

Le Québec attend toujours sa part du Fonds pour accélérer la construction de logements, lancé en mars dernier : « 900 millions, c’est énorme pour des gens qui sont en attente, qui vivent des détresses », a affirmé le leader parlementaire du Bloc québécois, Alain Therrien, en point de presse. « Il est temps que le fédéral donne l’argent au Québec sans condition. Le 900 millions est essentiel, plus que jamais. » « Nous n’allons pas outrepasser la compétence de la province », a promis le ministre Sean Fraser. Québec et Ottawa négocient actuellement un accord. Le premier ministre Justin Trudeau a annoncé la semaine dernière la première entente financée par le Fonds. Cet argent est destiné aux municipalités pour accélérer la construction de 100 000 nouveaux logements à l’échelle du pays. La première entente a été conclue avec la Ville de London pour créer 2000 nouveaux logements au cours des trois prochaines années. Or, au Québec, le gouvernement fédéral ne peut pas conclure directement d’ententes avec les villes. La législation en vigueur exige qu’une entente soit conclue avec l’État québécois.

Mylène Crête, La Presse