(Ottawa) Une « farce ». Une « réaction irrationnelle ». L’avertissement lancé par New Delhi à l’intention de ses ressortissants sur des « activités anti-indiennes croissantes » en territoire canadien a été soit tourné en ridicule, soit relativisé par la classe politique à Ottawa.

Après avoir qualifié d’« absurdes » les allégations selon lesquelles New Delhi aurait commandité le meurtre, sur le sol canadien, d’un leader communautaire sikh, puis expulsé un diplomate canadien de haut niveau, voici que le gouvernement indien publie cette recommandation à l’intention de ses citoyens.

« ​Vu la hausse des activités anti-indiennes et des crimes haineux et de la violence criminelle politiquement tolérés au Canada, tous les ressortissants indiens du pays et ceux qui envisagent de voyager sont priés de faire preuve de la plus grande prudence », a averti mercredi le ministère des Affaires étrangères de l’Inde.

Le gouvernement Modi ajoute, dans le même communiqué publié sur son site web, qu’« en raison de la détérioration de l’environnement de sécurité au Canada, les étudiants indiens, en particulier, devraient faire preuve d’une extrême prudence et rester vigilants ».

Dans les couloirs du parlement d’Ottawa, les ministres du gouvernement Trudeau sont pour la plupart restés diplomates lorsqu’ils ont été invités à réagir à cet avertissement, mercredi. « On va prendre l’énoncé pour ce qu’il vaut », a tout de même laissé tomber le ministre Marc Miller.

« Je trouve cela très étonnant », a estimé le libéral Randeep Sarai, qui s’était retrouvé en eaux troubles lors du voyage de Justin Trudeau, en 2018 – il avait invité à une soirée Jaspal Atwal, un extrémiste sikh reconnu coupable, en 1986, de tentative de meurtre contre un ministre indien en Colombie-Britannique.

Son collègue ontarien Marcus Powlowski a été plus cinglant. « Ça ressemble à une farce », a-t-il lâché.

« C’est un peu ridicule qu’un pays qui commet de sérieuses violations des droits humains […] laisse entendre que ce n’est pas sécuritaire de venir au Canada […]. C’est une réaction irrationnelle du gouvernement indien », a quant à lui déclaré le chef néo-démocrate Jagmeet Singh.

Le gouvernement canadien n’a pas publié de nouvelles recommandations pour ses ressortissants en Inde depuis que le premier ministre a avancé, lundi dernier, que New Delhi aurait un lien avec l’assassinat de Hardeep Singh Nijjar, un leader de la communauté sikhe en Colombie-Britannique.

Tensions

Mardi, la ministre Anita Anand, dont les parents sont nés en Inde, a lancé un appel au calme. « Nous devons faire preuve d’empathie, car les familles [au Canada] qui viennent de l’Inde, peu importe leur religion, vont trouver cette période difficile », a-t-elle dit.

À Vancouver, les policiers ont renforcé la sécurité autour du consulat de l’Inde. Les tensions, déjà vives, pourraient s’accentuer alors que doit se tenir un deuxième vote référendaire, non officiel, sur l’indépendance du Khalistan, le 29 octobre prochain.

Les organisateurs du scrutin ont l’intention d’ajouter une question à celle sur l’indépendance : on demandera si le haut-commissaire de New Delhi à Ottawa, Sanjay Kumar Verma, devrait être tenu responsable de l’assassinat de Hardeep Singh Nijjar.

On sait toujours peu de chose au sujet de ce meurtre, survenu fin juin. L’enquête pour homicide est menée par la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) est aussi impliqué.

Rumeurs

L’annonce explosive de Justin Trudeau, lundi, a fait naître certaines rumeurs.

D’abord, au sujet de la citoyenneté canadienne de Hardeep Singh Nijjar. Celui-ci a été naturalisé en 2007 et a été abattu près d’un temple sikh à Surrey, près de Vancouver, a clarifié le ministre de l’Immigration, Marc Miller, mercredi, sur X.

Ensuite, l’avion gouvernemental s’est retrouvé dans le tourbillon. Est-ce parce qu’il y a eu acte de sabotage que l’aéronef est resté cloué sur le tarmac de l’aéroport de New Delhi pendant deux jours, après le sommet du G20 ?

« Nous n’avons aucune indication ou raison de croire que le problème technique rencontré par le Polaris en Inde était autre chose qu’un problème technique, sans aucun lien avec des facteurs externes », a écrit Daniel Minden, le porte-parole du ministre de la Défense nationale, Bill Blair.

Avec La Presse Canadienne