(Ottawa) Les grosses pointures que sont les Chrystia Freeland, Mélanie Joly, Steven Guilbeault et François-Philippe Champagne conserveront leur portefeuille dans le remaniement que concocte Justin Trudeau. Dans l’ensemble, le visage du Conseil des ministres, dont la composition sera dévoilée mercredi, devrait toutefois changer de façon considérable. Ce rebrassage de cartes arrive à point nommé pour un gouvernement qui bat de l’aile, selon des expertes.

Le premier ministre a convoqué lundi certains de ses ministres pour les informer du sort qui les attend. Ces « rencontres privées », tel qu’on les a identifiées dans son itinéraire, se poursuivront à Ottawa ce mardi, selon nos informations. Et à l’issue de l’exercice, des ministres actuellement en poste seront écartés du cabinet.

Tout semble indiquer que Carolyn Bennett sera du nombre. En marge d’une annonce à Toronto, lundi, elle a annoncé qu’elle ne briguerait pas de nouveau mandat aux prochaines élections. Or, Justin Trudeau cherche entre autres à présenter une équipe renouvelée en prévision d’un éventuel scrutin.

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Carolyn Bennett, ministre fédérale de la Santé mentale et des Dépendances et ministre associée de la Santé

Le ministre des Transports, Omar Alghabra, dont plusieurs sources libérales considéraient la prestation plutôt ordinaire, tirerait aussi sa révérence, selon CBC. L’annonce qu’il devait faire lundi a été annulée ; à la place, il pourrait annoncer dès ce mardi son départ, toujours d’après le diffuseur public.

Selon une liste fournie lundi par le Parti libéral du Canada, 14 des 38 ministres comptent se représenter aux prochaines élections. Y figurent notamment les noms de ministres qui devraient conserver leur voiture de fonction – mais peut-être dans un autre portfolio – comme Pablo Rodriguez et Dominic LeBlanc.

Les spéculations concernant ce dernier, que Justin Trudeau connaît depuis l’enfance, allaient bon train, lundi. D’aucuns le voient prendre les rênes de la Sécurité publique, tandis que d’autres évoquent le nom de Mark Holland, actuellement leader du gouvernement à la Chambre des communes.

Dans tous les cas, la vaste majorité des observateurs s’entendent sur ceci : l’actuel titulaire de ce ministère, Marco Mendicino, sera destitué. « Si Justin Trudeau fait un remaniement et qu’il ne l’enlève pas, ça voudra dire qu’il aime ce qu’il fait, et ça, il faudra qu’il l’explique », estime la politologue Geneviève Tellier.

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Marco Mendicino, ministre de la Sécurité publique

La liste des dossiers qu’il a pilotés avec difficulté et de ses déclarations contredites est longue, du « convoi de la liberté » au transfert du meurtrier en série Paul Bernardo, en passant par l’ingérence chinoise. Et c’est sans compter que le ministre n’a pas réussi à faire adopter le projet de loi 21 sur le contrôle des armes à feu.

« Marco Mendicino est probablement le suspect numéro un dans ceux qui seront sortis du cabinet, ou à tout le moins rétrogradés », abonde en ce sens Stéphanie Chouinard, professeure agrégée de science politique au Collège militaire royal du Canada à Kingston.

Reprendre le contrôle du discours en économie

En coulisse, on chuchote que le ministre Ahmed Hussen, au Logement abordable, est aussi en danger. On n’a pas vu l’élu de Toronto briller dans ce dossier. Or, l’accès au logement est un enjeu crucial, et il promet de le demeurer, tout comme l’inflation et la création d’emplois.

Et c’est là-dessus que le chef conservateur Pierre Poilievre mise pour percer l’armure libérale.

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Ahmed Hussen, ministre du Logement et de la Diversité et de l’Inclusion

« L’opposition prend beaucoup d’oxygène dans l’espace médiatique sur ces enjeux-là, et en face, on a des ministres comme Ahmed Hussen qui n’ont pas été capables de montrer que le gouvernement s’y intéresse et s’en occupe », argue la professeure Chouinard.

À son avis, la ministre Freeland n’a pas non plus été convaincante. C’est aussi la lecture que fait Geneviève Tellier. « On ne l’entend pas beaucoup alors que l’économie, c’est la préoccupation principale des gens », expose-t-elle.

« Moment opportun »

Les deux sont aussi d’accord sur le fait que le moment était venu de procéder à ce jeu de chaises musicales, en l’absence apparente de la perspective d’un scrutin hâtif – l’entente avec le Nouveau Parti démocratique pourrait maintenir les libéraux au pouvoir jusqu’en 2025.

« Je pense que le moment est opportun, analyse Stéphanie Chouinard. On voit, dans les récents sondages, que les libéraux traînent la patte, que leur message ne passe pas dans des dossiers d’importance qui touchent le quotidien des Canadiens. »

Et Justin Trudeau, qui « ne renvoie pas son monde » en temps normal, pourrait faire exception à la règle, dit Geneviève Tellier. « Ç’a été un peu plus difficile ces derniers mois […] et peut-être que, justement, il veut faire calmer la critique vis-à-vis de son gouvernement », avance-t-elle.

De nouveaux visages pourraient-ils faire leur apparition pour insuffler un renouveau ? Les noms de Ben Carr, George Chahal et Charles Sousa sont évoqués. On laisse aussi entendre que Pascale St-Onge (Sports) serait promue.

Les réponses viendront mercredi, alors que Justin Trudeau se rendra à Rideau Hall pour faire assermenter ses ministres. Ils se retrouveront pour une retraite, fin août, à l’Île-du-Prince-Édouard, en vue de la reprise des travaux parlementaires à Ottawa, fin septembre.