(Sherbrooke) Le premier ministre François Legault rouvre une porte qu’il avait fermée au début de l’année en affirmant que les tarifs résidentiels d’Hydro-Québec pourraient être revus afin d’encourager la sobriété énergétique.

« Ce n’est pas dans mes intentions d’augmenter les tarifs, mais on pourrait les diminuer à certains moments. […] Je pense qu’il faut vraiment se pencher sur l’efficacité énergétique pour en faire beaucoup plus au Québec », a-t-il affirmé samedi, lors d’une conférence de presse au premier jour du congrès de son parti à Sherbrooke.

La transition énergétique est le thème principal de l’évènement. Quasi sans débat, les militants caquistes ont voté pour une proposition visant à « préconiser la construction de nouvelles centrales hydroélectriques et d’autres ressources d’énergies vertes pour réussir l’électrification du Québec ». C’est en phase avec les orientations du gouvernement Legault, alors qu’Hydro-Québec envisage un projet hydroélectrique sur la rivière du Petit Mécatina (Côte-Nord).

Le Québec a besoin de 100 térawattheures (TWh) d’énergie supplémentaires, 50 % de la production actuelle d’Hydro-Québec, pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Ce pourrait même être 125 TWh, a avancé le ministre de l’Économie et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, samedi. L’enjeu fait partie des priorités de François Legault pour son second mandat.

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Le premier ministre François Legault au congrès de la Coalition avenir Québec, à Sherbrooke

Samedi, le premier ministre a plaidé que le Québec devrait faire mieux en matière d’efficacité énergétique et d’économie d’énergie. Et cela pourrait passer notamment par une révision des tarifs résidentiels.

En janvier, il excluait pourtant pour le moment l’idée d’inciter les clients résidentiels d’Hydro-Québec à la sobriété énergétique. Il modérait ainsi les ardeurs de Pierre Fitzgibbon, qui laissait entendre que les Québécois gagneraient à démarrer le lave-vaisselle la nuit pour réduire leur facture d’électricité. On gérerait ainsi mieux les périodes de pointe, selon ce dernier.

Le premier ministre disait alors que le projet de loi attendu l’automne prochain, sur Hydro-Québec et la Régie de l’énergie, ne réviserait que les tarifs d’hydroélectricité pour les entreprises, dont le fameux tarif L réservé aux gros clients industriels. L’objectif est de les moduler en fonction notamment de leurs efforts pour décarboner le Québec, expliquait-il.

Or il y a une semaine, Pierre Fitzgibbon a relancé le thème de la sobriété énergétique pour les clients résidentiels, reprenant son exemple des tarifs plus bas pour ceux qui feraient fonctionner leur lave-vaisselle la nuit. Il a affirmé que la modulation des tarifs résidentiels pourrait faire partie de son projet de loi.

Modulation à coût neutre pour Hydro-Québec

François Legault a confirmé samedi que son gouvernement envisageait sérieusement cette avenue. « C’est de plus en plus clair qu’on va avoir besoin de plus d’électricité, et l’électricité qui coûte le moins cher à produire, c’est celle qu’on économise. […] Je pense que l’efficacité énergétique, c’est quelque chose de très important », a-t-il affirmé, évoquant une diminution de tarifs à certains moments de la journée. Il dit préférer la carotte au bâton en matière de tarification de l’énergie. Au gouvernement, on signale qu’une modulation des tarifs se ferait de façon prudente et qu’il est hors de question de provoquer un choc tarifaire.

De son côté, le ministre des Finances, Eric Girard, a affirmé que le sujet de la modulation des tarifs était « discuté dans un contexte de revenu neutre » pour Hydro-Québec.

Cela signifierait donc que les tarifs pourraient être réduits à certaines heures, mais augmenter à d’autres moments de la journée afin de maintenir les revenus de la société d’État. Ce serait pour elle à coût nul.

« Les revenus des sociétés d’État sont prévus dans le budget. Toute modulation des tarifs, ça doit passer par la Régie de l’énergie, et ça doit être étudié. Généralement, lorsque l’on regarde des aménagements, c’est neutre », a expliqué Eric Girard.

François Legault s’est dit satisfait qu’Hydro-Québec ait rehaussé sa cible en matière d’efficacité énergétique, passant d’une économie attendue de 8 à 25 TWh d’ici 2030. « Ça veut dire que ça nous “économiserait” […] la construction de l’équivalent de deux barrages », a insisté M. Legault.

Le nouveau PDG d’Hydro-Québec sera nommé bientôt, d’ici juin. Le gouvernement vient de pourvoir la présidence du conseil d’administration de la société d’État : Manon Brouillette, ancienne patronne de Vidéotron, entrera en fonction le 2 juin pour un mandat de cinq ans.

Pas de vague au sujet du troisième lien

L’abandon par le gouvernement de la promesse de troisième lien autoroutier entre Québec et Lévis n’a pas fait de vague au congrès. Personne ne s’est exprimé sur le sujet au micro, même alors que la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, était sur la scène en compagnie de collègues du cabinet pour répondre aux questions des militants.

Quelques instants plus tôt, elle disait d’ailleurs que personne ne lui avait parlé du troisième lien jusqu’ici.

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Le congrès de la Coalition avenir Québec se termine dimanche.

Selon la ministre et députée de Chutes-de-la-Chaudière, Martine Biron, les militants « regardent en avant ». « Tout le monde est de bonne humeur. Je pense qu’il est temps de serrer les coudes. La décision du troisième lien, c’est une décision pragmatique comme on dit souvent, c’est un mot qu’on aime à la CAQ », a-t-elle affirmé.

L’ancien député de Beauce-Nord Janvier Grondin s’est dit satisfait du recul du gouvernement, car la construction d’un tunnel autoroutier sous le fleuve entre Québec et Lévis aurait été trop coûteuse, selon lui. Il a cependant reconnu que la décision « dérange les gens » puisque c’était une promesse électorale. Ce qui dérange les gens, est-ce l’impression d’avoir été trompés dans ce dossier ? lui a-t-on demandé. « Est-ce que vous pensez que c’est la première fois ? Et est-ce que vous pensez que c’est le premier parti qui fait ça ? » a-t-il répondu.

Le gouvernement dit non à deux propositions adoptées par les militants

Deux propositions adoptées par les militants caquistes ont aussitôt été écartées par le gouvernement Legault. Le ministre des Finances, Eric Girard, a rejeté l’idée de « défiscaliser des heures supplémentaires » dans certains secteurs d’activité touchés par la pénurie de main-d’œuvre. « Au Québec, on a un impôt progressif. Plus vous avez de revenus, plus vous payez d’impôt. Et donc, c’est la ligne directrice qu’on applique pour les revenus au Québec », a-t-il rappelé. Il a aussi écarté une proposition visant à exempter les producteurs d’alcool québécois des « contraintes » de la Société des alcools du Québec (SAQ) lorsqu’ils vendent « sur leur lieu de production ». Cela contreviendrait selon lui à des ententes commerciales internationales. Une proposition pour mettre fin au monopole de la SAQ, déposée par le comité de Saint-Jérôme, a été battue par les militants.