(Ottawa) Les réseaux CBC et Radio-Canada annoncent qu’ils suspendent leurs activités sur Twitter moins de 24 heures après que le réseau social a décidé d’ajouter l’étiquette de « média financé par le gouvernement » au compte de la société d’État.

« Notre journalisme est impartial et indépendant. Prétendre le contraire est faux. C’est pourquoi nous suspendons nos activités sur Twitter », ont fait savoir CBC et Radio-Canada sur leur compte Twitter respectif.

« En mettant ainsi en doute notre indépendance au moyen de cette étiquette mensongère visant à tromper le public, ce réseau remet en question l’exactitude et le professionnalisme du travail effectué par nos journalistes », ont-ils aussi affirmé dans un communiqué.

La société d’État n’est pas le premier média à suspendre ses activités de la sorte. La National Public Radio – la radio publique américaine – a décidé de ne plus être active sur le réseau social après s’être vu octroyer cet étiquetage, jugeant cette mesure comme une atteinte à son intégrité en matière d’indépendance éditoriale.

La décision de CBC de suspendre ses activités sur Twitter est aussi survenue quelques heures après que le premier ministre Justin Trudeau a accusé le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, de s’allier au milliardaire américain Elon Musk pour attaquer une institution importante pour les Canadiens, soit CBC/Radio-Canada

Dimanche, Twitter a décidé d’ajouter l’étiquette de « média financé par le gouvernement » au compte de CBC, à la suite d’une lettre envoyée par le chef conservateur au géant du web.

M. Poilievre s’est rapidement félicité de cette nouvelle désignation, en disant que « les gens savent maintenant que c’est une propagande de Trudeau, et pas des nouvelles », a-t-il écrit sur Twitter. Il a ensuite lancé un énième appel à couper les vivres à CBC.

« C’est vraiment désolant de voir un parti politique s’attaquer aux médias indépendants. M. Poilievre prétend qu’il veut s’attaquer à CBC sans aussi s’attaquer à Radio-Canada. Mais c’est entièrement faux. On ne peut pas faire confiance aux conservateurs quand on voit qu’ils s’attaquent régulièrement à la culture, à l’identité, au journalisme indépendant de qualité », a affirmé M. Trudeau.

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Justin Trudeau

« Ça en dit beaucoup de voir que le Parti conservateur a choisi de s’attaquer à une institution importante pour bien des Canadiens en courant voir des milliardaires des géants du web aux États-Unis », a ajouté le premier ministre.

CBC s’était opposée à une telle désignation, qui risque de mettre en doute son indépendance aux yeux de certains. La société d’État a publié un communiqué, dimanche soir, afin de remettre les pendules à l’heure.

« La politique de Twitter définit les médias financés par le gouvernement comme des cas où le gouvernement ‟peut intervenir à divers degrés dans le contenu éditorial”, ce qui n’est clairement pas le cas pour CBC/Radio-Canada », a fait valoir CBC sur son compte Twitter.

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Pierre Poilievre

« CBC/Radio-Canada est financée par des fonds publics au moyen d’un crédit parlementaire voté par tous les députés. Son indépendance éditoriale est protégée par la loi dans la Loi sur la radiodiffusion », poursuit-on dans la déclaration.

« De plus, notre journalisme est indépendant et soumis à nos normes et pratiques journalistiques, ainsi qu’à un processus de plainte indépendant par l’intermédiaire de l’ombudsman », a-t-on aussi indiqué.

« C’est très grave »

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a aussi critiqué la croisade que mène Pierre Poilievre.

« Quelle est l’intention ? Pierre Poilievre affirme que CBC est un média de propagande libérale. Radio-Canada n’est pas exempte de tout reproche. Toutefois, il veut aussi couper son financement. Pour les arts, l’information et le français dans les régions, c’est très grave », a affirmé M. Blanchet sur son compte Twitter.

Le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh, a aussi dénoncé la démarche de Pierre Poilievre . « C’est une attaque contre les journalistes et une attaque contre la culture québécoise et la culture canadienne », a-t-il affirmé, laissant entendre que M. Poilievre craint de répondre aux questions des journalistes. « Ce n’est pas quelqu’un qui a la force, ou le courage, pour gérer le pays », a soutenu le leader néo-démocrate.

Contrairement à celui de CBC, le compte institutionnel de CBC/Radio-Canada ne s’est pas vu attribuer l’étiquette de média financé par le gouvernement. Les comptes de Radio-Canada n’ont pas cette mention non plus.

S’il est porté au pouvoir aux prochaines élections fédérales, Pierre Poilievre a promis de couper les vivres à CBC, mais pas à Radio-Canada.

En 2021-2022, CBC/Radio-Canada a reçu 1,2 milliard du gouvernement fédéral, comparativement à 1,4 milliard lors de l’exercice précédent. Le diffuseur public tire également des revenus de la publicité et des abonnements.

Twitter a aussi déjà apposé l’étiquette controversée sur les comptes de la BBC, le diffuseur public britannique. Twitter avait utilisé pour ces médias l’identification « affilié à l’État », un terme généralement attribué aux médias d’État qui relaient la propagande d’un régime autoritaire – comme la Russie et la Chine.

Le géant des réseaux sociaux a changé une nouvelle fois l’étiquette en optant pour le terme « média financé par le public ».

Elon Musk, qui est également patron de Tesla, ne cache pas son mépris envers les médias. Ces derniers temps, les questions de la presse au service de communication de Twitter se voient renvoyer en courriel automatique un émoji en forme d’étron.

Avec La Presse canadienne