(Ottawa) L’échange était savoureux. Il a même été diffusé à l’émission Infoman de Radio-Canada à la fin d’octobre.

« Monsieur le Ministre du Logement, c’est qui, la ministre de l’Habitation au Québec ? Donnez-moi donc son nom ? », a demandé le député du Bloc québécois de Mirabel, Jean-Denis Garon, au ministre Ahmed Hussen, venu témoigner devant le comité de la santé de la Chambre des communes.

Au bout de quelques secondes, après avoir écouté la traduction, le ministre Hussen s’est mis à fouiller frénétiquement dans son téléphone intelligent.

« Ah ! Vous l’avez appelée. Vous avez regardé dans votre téléphone. Nous, on s’est rencontrés une fois dans notre vie et je connais votre nom », a rapidement réagi le député bloquiste en entendant son interlocuteur tenter en vain de lui donner la réponse.

En posant une telle question, le député bloquiste a dit vouloir illustrer une chose : Ottawa se mêle trop souvent des compétences du Québec et des provinces. Ce discours, il le tient durant les débats à la Chambre des communes, les réunions des comités parlementaires et sur les réseaux sociaux. Ce souverainiste convaincu veut provoquer la réflexion, en empruntant un ton ironique pour parler de fédéralisme fiscal, de la dépendance de l’économie canadienne aux énergies fossiles ou encore de l’utilisation du pouvoir fédéral de dépenser.

Un pitbull

Élu pour la première fois aux Communes en septembre 2021, M. Garon s’est taillé la réputation d’être un véritable pitbull lorsqu’il croise le fer avec le gouvernement Trudeau. Le ministre de la Santé, Jean-Yves Duclos, a goûté à sa médecine à quelques reprises au cours de l’automne. Irrité par les questions en rafale de M. Garon, le ministre Duclos a lâché durant une réunion du comité de la santé : « Là, on n’est pas à Infoman, Jean-Denis. On m’interrompt chaque fois que je réponds quelque chose d’utile. »

La pique était voulue. Car plusieurs observateurs aguerris ont constaté que Jean-Denis Garon ressemble à s’y méprendre à Jean-René Dufort, célèbre animateur d’Infoman. Ce dernier en a d’ailleurs pris note lors de son émission du 27 octobre. « Comment va mon sosie à Ottawa, Jean-Denis Garon ? », a demandé l’animateur. « Il va très bien. Il fait pareil comme toi. Il cuisine des ministres », lui a répondu du tac au tac Maude Vachon, recherchiste de l’émission.

Rencontré à son bureau de la colline parlementaire, M. Garon sourit quand on l’interroge sur sa ressemblance avec celui qui réussit à rendre la politique intéressante en faisant appel à l’humour.

Ce parallèle s’est graduellement imposé durant la pandémie quand le député a dû laisser de côté les lentilles au profit des lunettes, à la suite d’une infection à un œil, et qu’il n’a pu se rendre au salon de coiffure. « Il existe de toute évidence une ressemblance physique entre Jean-René Dufort et moi. Je suis assez content de vous dire que je suis un des rares à passer six fois à son émission sans avoir fait de niaiserie ! », lance-t-il d’un trait en souriant.

« Mais vous savez, c’est bien d’être comparé à Jean-René Dufort. C’est quelqu’un qui est agréable, drôle et intelligent. Il fait partie de ceux qui font de l’humour dans l’intérêt public. Ce ne sont pas juste des niaiseries. Infoman fait en sorte que du monde qui ne s’intéresserait peut-être pas à la politique s’y intéresse, dans ses faits les plus cocasses. »

Professeur d’économie

Avant de faire le saut en politique, Jean-Denis Garon a été professeur d’économie à l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal et il rédigeait une chronique dans Le Journal de Montréal. Aux Communes, il manie donc le verbe et les chiffres avec une efficacité qui désarçonne à tout coup l’adversaire.

Depuis quelques semaines, M. Garon publie la rubrique « Un an à Ottawa » sur Twitter. Un constat qui l’horripile : l’absence du français dans la capitale. « À Ottawa, je commande en français. Je n’ai pas toujours dans mon assiette ce que j’ai commandé », dit-il dans sa première vidéo.

Autre constat : la partisanerie se fait « sur le dos du Québec », selon lui. « Si chaque Québécois passait trois semaines au Parlement fédéral, on gagnerait un référendum à 95 %. Je suis assez convaincu de cela », avance-t-il.

Jean-Denis Garon écarte l’idée que l’évènement de l’année fut le convoi des camionneurs qui a paralysé le centre-ville d’Ottawa et forcé le gouvernement Trudeau à invoquer la Loi sur les mesures d’urgence. « Non, pour moi, l’évènement de l’année, c’est Sainte-Scholastique. C’est un dossier de circonscription qui est extraordinaire », souligne-t-il, satisfait d’avoir remporté cette bataille.

Dans ce petit village situé près de Mirabel, on pourra enfin construire une résidence pour personnes âgées. « Ce village était grevé de servitudes qui empêchent de construire en hauteur depuis 1970. Depuis des années, il y avait un projet de résidence pour personnes âgées. Mais c’était impossible à cause des servitudes. Essentiellement, Ottawa empêchait cette construction. Maintenant, il va y avoir des logements pour les expropriés de Mirabel qui se sont battus toute leur vie pour rester chez eux. J’en parle et je suis ému. »