(Ottawa) S’il veut gagner les prochaines élections fédérales, le chef conservateur Pierre Poilievre devra séduire et convaincre les communautés culturelles habitant les grandes régions métropolitaines comme Montréal, Toronto et Vancouver.

S’il y a un point sur lequel tout le monde s’entend au sein des troupes conservatrices, c’est bien celui-là. Mais M. Poilievre peut-il réussir là où Andrew Scheer et Erin O’Toole ont échoué ?

Voici Arpan Khanna. Le chef conservateur compte sur cet avocat de Toronto, qui avait co-présidé sa campagne lors de la course à la direction, pour coordonner sa stratégie visant les communautés.

M. Khanna a déjà été un conseiller politique de Jason Kenney, le conservateur qui a sans doute établi le plus de lien entre les communautés culturelles et le parti. Ses efforts avaient contribué à la victoire majoritaire de Stephen Harper en 2011.

L’avocat torontois n’hésite pas à comparer les deux hommes. Il voit chez Pierre Poilievre une volonté identique d’attirer les communautés culturelles dans le giron conservateur.

M. Poilievre veut piquer une page au livre de Jason Kenney en cherchant en faisant parler son cœur. « Il fait vraiment des efforts. Il comprend l’importance de cet enjeu », dit M. Khanna.

Première étape : se montrer la face.

« Encore récemment, nous étions dans une cour pour une soirée barbecue. Il y avait environ 100 personnes de la communauté tamoule. Nous avons parlé de leurs problèmes », raconte l’avocat.

M. Poilievre reprend le bâton du pèlerin tous les week-ends.

Il est souvent accompagné de ses deux adjoints : Melissa Lantsman, la première députée conservatrice ouvertement lesbienne, qui est d’origine juive, et le député Tim Uppal, un sikh qui a déjà été ministre sous le dernier gouvernement de Stephen Harper.

Il a promu à l’important poste de porte-parole parlementaire en matière des finances, Jasraj Singh Hallan, qui a émigré au Canada quand il était encore enfant.

M. Poilievre aime bien raconter des histoires de Canadiens comme M. Hallan pour promouvoir sa vision du rêve canadien.

« Peu importe que vous vous nommiez Poilievre, Patel, Martin ou Mohamed, a-t-il lancé dans une vidéo. Si vous êtes prêts à travailler fort, à contribuer, à respecter les règles, à élever votre famille, vous pouvez réaliser vos rêves dans ce pays. »

Le chef conservateur fait souvent remarquer qu’il a épousé une immigrante. Sa femme Ana est une réfugiée vénézuélienne.

Tenzin Khangsar, un ancien membre du cabinet de Jason Kenney lorsque celui-ci était ministre de l’Immigration, croit que M. Poilievre veut montrer l’exemple à son caucus et à tout le parti. « Franchement, il veut démontrer aux Canadiens que cela est une priorité pour lui. Ce n’est pas quelque chose qui se contentera de faire pendant une campagne électorale », souligne-t-il.

Et si se montrer est la première étape, la suivante est de proposer des politiques qui intéresseront les communautés culturelle.

Ainsi M. Poilievre a promis de convaincre les provinces d’accélérer la reconnaissance des titres de compétence étrangers. Il a aussi dénoncé les obstacles gouvernementaux qui empêchent les immigrants de prospérer au Canada.

Au cours d’une rencontre avec des médias ethniques, M. Poilievre a souligné que les immigrants partageaient les mêmes valeurs que les conservateurs : « le travail, la famille, la liberté, la tradition ».

« Nous avons besoin de ces valeurs pour construire le Parti conservateur de demain. »

Plusieurs conservateurs croient que la stratégie du parti envers les immigrants leur avait coûté les élections en 2015. À l’époque, le parti prônait des mesures comme le refus du niqab au cours des cérémonies de citoyenneté et l’établissement d’un numéro de téléphone pour dénoncer les présumées pratiques culturelles barbares.

Mme Lantsman et M. Uppal ont tous deux présenté des excuses pour avoir appuyé l’interdiction du niqab. M. Poilievre a défendu cette mesure en disant simplement « qu’une personne doit montrer son visage lorsqu’elle prête serment pendant une cérémonie de citoyenneté ».

Une étude interne sur la défaite de 2021 indique que les communautés culturelles avaient toujours une mauvaise image du Parti conservateur.

Andrew Griffith, un ancien directeur général à la Direction générale de la citoyenneté et du multiculturalisme du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, prédit que les conservateurs éviteront d’attaquer les cibles d’immigration de l’actuel gouvernement fédéral de peur d’être taxés de xénophobie.

Selon lui, le parti n’est pas contre l’immigration, malgré ce que pouvait en penser sa base dans le passé.