(Ottawa) L’intention du Canada de tisser des liens plus étroits avec les pays du sud-est asiatique soulève des questions sur la défense des droits de la personne dans cette région.

Le gouvernement fédéral a présenté le mois dernier sa stratégie pour l’Indo-Pacifique qui veut favoriser une plus grande présence diplomatique, militaire et commerciale dans cette région. Cette politique vise à contrer la Chine qui tente de saper les droits de la personne et les règles du commerce mondial.

Le Canada négocie des accords commerciaux avec l’Indonésie, l’Inde et l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est. Il compte lancer de nouveaux programmes de formation afin de faire progresser les priorités communes et l’interopérabilité avec des pays comme l’Indonésie, Singapour et le Vietnam.

Le silence du Canada sur des enjeux liés aux droits de la personne dans ces pays soulève l’inquiétude de nombreux militants.

« Les droits de la personne, ce sont les droits de la personne. On ne peut pas jouer aux hypocrites lorsque vient le temps de s’occuper des gouvernements qui ne respectent pas les droits de la personne », souligne Farred Khan, fondateur du groupe Canadiens unis contre la haine.

« On ne doit pas demeurer silencieux. C’est ce qu’on avait tenté avec la Chine. Et regardez où cela nous a menés. »

Le parlement indonésien a voté à l’unanimité cette semaine pour que les relations sexuelles hors mariage soient punissables d’un an de prison. Il a aussi adopté une loi interdisant d’insulter le président et les institutions étatiques.

Interrogée jeudi sur ces lois, la ministre canadienne des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a préféré répondre en employant des termes plus généraux.

« Les droits de la personne seront toujours un élément de notre politique étrangère. Ils l’ont toujours été et le seront toujours. Nous allons toujours soulever les enjeux qui y sont reliés. Les plaques tectoniques de l’ordre mondial se déplacent. Dans ce contexte, nous voulons être sûrs de collaborer avec une large coalition d’États pour défendre les principes mêmes de la charte des Nations Unies. »

Le NPD soutient que le gouvernement libéral a sapé ces principes en privilégiant les négociations commerciales depuis son arrivée au pouvoir en 2015.

« Nous constatons que le commerce est de plus en plus priorisé au détriment des droits de la personne, du développement et des relations diplomatiques, critique la porte-parole du parti en matière de politique étrangère, Heather McPherson. Le Canada peut devenir un courtier honnête, un organisateur, une puissance moyenne. On doit utiliser notre influence pour faire de la planète un monde meilleur, plus sûr pour tout le monde. »

Les néo-démocrates ont aussi dénoncé les liens plus étroits entre le Canada et l’Inde, reprochant à ce dernier pays la façon dont il traite les minorités.

En mars, le groupe Human Rights Watch avait accusé le gouvernement de Narendra Modi d’avoir beaucoup reculé sur les questions des droits de la personne et des protections constitutionnelles.

Plus tôt ce mois-ci, la ministre du Commerce international, Mary Ng, avait indiqué que le Canada incluait des paramètres sur les droits de la personne dans ses ententes commerciales, notamment il insiste pour interdire les produits fabriqués par le travail forcé.

« Tout notre commerce est fondé sur les valeurs qui sont importantes aux Canadiennes, a-t-elle déclaré le 2 décembre. L’Inde, qui est la démocratie mondiale la plus populeuse, partage nos valeurs fondées sur un système de droit. En conséquence, notre relation avec l’Inde est fondée par ces valeurs partagées. »

Selon Mark Warner, un expert en commerce international, il est difficile de savoir si les engagements sur les droits de la personne dans les accords commerciaux signés par un partenaire du Canada sont vraiment respectés.

« Si on veut s’éloigner de la Chine, on devra tenir compte avec les autres États autocratiques », constate M. Warner.