(Ottawa) L’ambassadeur de la Russie au Canada a (encore) été convoqué par la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly, cette fois dans la foulée de la publication d’une flopée de gazouillis hostiles à la communauté LGBTQ+.

La convocation du chef de mission de Moscou à Ottawa, Oleg V. Stepanov, a été confirmée par le cabinet de la ministre Joly, lundi. « Les Russes ont encore une fois choisi la propagande haineuse », a regretté dans un courriel la directrice des communications adjointe, Emily Williams.

Puisqu’il s’agit « d’une attaque contre les valeurs canadiennes de l’acceptation et de la tolérance », la cheffe de la diplomatie canadienne a demandé qu’on « communique le message » directement à l’ambassadeur du Kremlin, a-t-elle ajouté, confirmant une information qui avait d’abord été rapportée par le National Post.

Des messages anti-LBGTQ+ émaillent le compte Twitter de l’ambassade depuis jeudi dernier, après que les députés russes eurent voté des amendements élargissant considérablement le champ d’application d’une loi interdisant la « propagande » LGBTQ+.

Le premier de la déferlante de tweets, qui montre un drapeau arc-en-ciel frappé d’un signe d’interdiction, est coiffé du message suivant : « La famille, c’est un homme, une femme et des enfants ».

Il en avait fait réagir plusieurs, dont la ministre Pascale St-Onge, membre de la communauté LGBTQ+.

« La propagande russe homophobe n’est pas bienvenue chez nous. Le traitement des personnes LGBTQ2+ en Russie est une honte et une attaque contre les droits humains fondamentaux », a condamné Mme St-Onge en réaction à ce gazouillis.

Loin de se rétracter, l’ambassade en a plutôt rajouté une couche, d’abord en accusant « le Canada et d’autres États partisans d’un ordre du jour néolibéral de déformer délibérément la réalité en confondant les concepts de préférences sexuelles individuelles et de droits humains », vendredi dernier.

Le même jour, on a nargué la ministre St-Onge en publiant une photographie de Nicolas II, dernier tsar de Russie, entouré de sa famille au-dessus de sa réplique : « Madame, avec tout le respect que je dois à votre opinion, pourriez-vous, s’il vous plaît, réfléchir et expliquer comment vous êtes apparue dans ce monde ? ».

L’ambassade s’est ensuite fendue d’une enfilade de gazouillis, dont l’un reprend la célèbre citation de l’ancien premier ministre Pierre Elliott Trudeau selon laquelle la place de l’État n’est pas dans les chambres à coucher de la nation.

Toutes ces salves ont suscité l’ire du cabinet de Mélanie Joly, où l’on s’est porté à la défense de la ministre des Sports, qui est ouvertement lesbienne. « Nous ne pouvons pas tolérer cette rhétorique et encore moins les commentaires à propos de la ministre », a-t-on tranché lundi.

Boissonnault aussi attaqué

Un autre ministre issu de la communauté LGBTQ+, Randy Boissonnault, a aussi été insulté pour avoir eu l’audace de manifester sa déception.

« Lorsque ce gazouillis a été diffusé, j’assistais à un évènement LGBTQ2I+ où des activistes et des leaders ont partagé leurs expériences de protection du droit fondamental à l’égalité. Au Canada, vous êtes libre d’être vous-même et d’aimer qui vous aimez », avait-il dénoncé.

Il y a goûté samedi. Cette fois, l’ambassade a puisé dans les racines religieuses russes en publiant l’icône de Notre-Dame de Kazan. « En Russie, vous êtes libre d’être vous-même et de protéger vos enfants pendant qu’ils sont mineurs contre l’imposition et l’empreinte d’une propagande agressive », a-t-on écrit.

Le chef néo-démocrate adjoint Alexandre Boulerice a « fermement condamné » les commentaires « haineux et dégoûtants » formulés sur le réseau social.

« Nous nous opposerons toujours à l’homophobie, à la transphobie et nous continuerons à lutter contre tous ceux qui incitent à la violence et à la haine contre les personnes 2SLGBTQQIA », a-t-il pesté dans une déclaration écrite.

Une troisième convocation

L’ambassadeur russe a été convoqué trois fois depuis le début de la guerre en Ukraine, il y a plus de neuf mois, pour diverses raisons.

Le Parti conservateur, le Congrès Ukrainien Canadien et l’ambassadrice de l’Ukraine au Canada ont réclamé l’expulsion de l’ambassadeur Stepanov.

La mission du Kremlin dans la capitale fédérale n’avait pas commenté la convocation du gouvernement au moment de publier ces lignes, lundi.

Avec l’Agence France-Presse