(Djerba, Tunisie) Québec et Ottawa montrent de premiers signaux de rapprochement sur le front litigieux des transferts fédéraux en santé. François Legault « est prêt » à partager ses données avec le gouvernement fédéral, une condition exigée par Ottawa pour donner plus d’argent aux provinces.

« On a un système de données qui est fiable et on est en train de l’améliorer avec Christian Dubé [ministre de la Santé] et on est prêt à partager ces données-là avec le fédéral », a déclaré François Legault lors d’une conférence de presse au cours de laquelle il a fait le bilan de sa participation au Sommet de la Francophonie.

C’est un changement de ton pour le gouvernement Legault, au lendemain d’une rencontre bilatérale avec Justin Trudeau – la première depuis sa réélection.

Au début du mois, il n’était pas question pour le ministre de la Santé d’accepter la condition fixée par Ottawa de participer à la création d’un système de données sur la santé de « classe mondiale », selon ce que rapportait La Presse Canadienne.

« Lorsqu’on parle d’indicateurs de performance, le Québec est redevable envers les citoyens et l’Assemblée nationale. Il n’est pas redevable envers le fédéral parce que c’est de compétence provinciale », avait dit M. Dubé lors de la rencontre des ministres provinciaux de la Santé, à Vancouver. Il avait aussi ajouté : « Si le gouvernement fédéral veut des statistiques, on a un tableau de bord public qui est disponible. »

Une inspiration pour le reste du Canada ?

Justin Trudeau a lui aussi adouci le ton, dimanche, soulignant que le Québec « fait déjà une très bonne job » en matière de données. En marge du Sommet, il a même soutenu que le modèle québécois pourrait inspirer « pour s’assurer d’avoir un meilleur aperçu de ce qui se passe au pays ».

Un signal « encourageant » aux yeux de M. Legault. « Je suis content de voir que le fédéral semble dire [qu’on est] peut-être les plus avancés pour ce qui est des données », s’est-il réjoui.

Christian Dubé a déployé en mai dernier la publication d’un tableau de bord qui permet de mesurer la progression de son Plan Santé. Il veut aussi, à la reprise des travaux parlementaires à Québec, ramener une nouvelle version de son projet de loi 19 qui permet le décloisonnement des données dans le réseau de la santé.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Christian Dubé, en mai dernier

Justin Trudeau a réitéré dimanche « l’ouverture » de son gouvernement à hausser les transferts fédéraux en santé, mais à condition notamment d’avoir accès aux données de la santé. Il a ajouté qu’il avait bon espoir d’arriver à s’entendre avec les provinces sur le sujet.

« Ce n’est pas pour que le fédéral puisse vérifier si tout le monde fait ses devoirs », a-t-il expliqué.

« C’est pour que les Canadiens sachent eux-mêmes que si quelqu’un à Montréal a trouvé une façon d’administrer des services de santé qui est bien meilleure que ce qu’ils font chez eux à Saskatoon ou à Halifax, bien qu’on puisse en bénéficier » à travers le pays, a ajouté M. Trudeau.

Une demande avec laquelle M. Legault ne voit pas de problème. « Si on est capable d’aider les autres provinces, on est ouvert à ça », a-t-il dit, soulignant évidemment qu’il souhaite avoir accès à leurs données en retour.

À quand une offre ?

Malgré ce rapprochement certain, François Legault rappelle qu’il n’a toujours vu « aucune proposition avec un montant » de la part d’Ottawa. Les provinces font front commun pour faire passer les transferts fédéraux en santé de 22 % à 35 % et pour que cette proportion soit maintenue au fil des ans.

« On attend toujours la première proposition du gouvernement fédéral », a soutenu M. Legault.

M. Trudeau n’a pas voulu dire si son gouvernement arriverait avec une nouvelle proposition aux provinces d’ici les Fêtes.

« On sait à quel point ça presse », s’est contenté de dire le premier ministre, qui rentrait dimanche au pays après une tournée de plusieurs missions à l’étranger.

François Legault et Justin Trudeau doivent se rencontrer dans le cadre d’un entretien plus officiel en décembre. Samedi, M. Legault, qui a énuméré sa liste de demandes, a indiqué qu’il n’avait pas l’intention de « faire une chicane avec Ottawa à l’étranger ».

Les provinces demandent depuis plus de deux ans une hausse des transferts fédéraux en santé. La pandémie a d’ailleurs exacerbé le sous-financement des systèmes de santé, selon eux.

La rencontre des ministres provinciaux de la Santé et du ministre fédéral de la Santé, Jean-Yves Duclos, à Vancouver, s’était terminée sans accord. Ottawa s’était d’ailleurs retiré du communiqué commun qui devait être publié au terme de l’exercice.