(Djerba, Québec) François Legault est d’avis « que tout le monde comprend » la décision de son gouvernement de repousser la livraison de 31 des 33 maisons des aînés promises d’ici la fin de l’année en raison de la pénurie de main-d’œuvre dans l’industrie de la construction.

« Je pense que tout le monde comprend, c’est la même chose pour le logement, pour les hôpitaux, pour les écoles », a réagi le premier ministre à son arrivée sur l’île tunisienne de Djerba, où il participe au Sommet de la Francophonie ce week-end.

François Legault attribue le retard de livraison de la presque totalité des maisons des aînés qui étaient promises pour l’automne 2022 à la rareté des travailleurs de la construction, un thème qu’il a martelé à plusieurs reprises pendant la campagne électorale.

« Il faut trouver des façons d’accélérer l’arrivée de nouveaux travailleurs dans le secteur de la construction, il y a des maisons des aînés qui vont être livrées dans les délais prévus, d’autres, à cause du manque d’employés, qui vont être livrées en 2023 », a-t-il ajouté.

La Société québécoise des infrastructures (SQI) a confirmé jeudi à La Presse que les nouveaux échéanciers vont de « l’hiver 2023 » au « printemps 2023 », sans plus de précisions. Seule la maison des aînés de Rivière-du-Loup est livrée, tandis que celle de Sherbrooke doit toujours l’être cet automne. Ces 33 premières maisons doivent se traduire par l’ajout de 2600 places d’hébergement.

Il faut préciser que le gouvernement Legault veut construire au total 46 maisons des aînés, mais que 13 d’entre elles sont prévues pour 2023 et 2024. Dans ces cas-ci, les échéanciers demeurent pour la plupart les mêmes, selon la mise à jour.

Lors d’une entrevue éditoriale à La Presse, pendant la campagne électorale, François Legault a affirmé vouloir lancer une deuxième phase de construction de maisons des aînés pour qu’il y en ait « partout » et « pour tout le monde » qui en a besoin. Ce nouveau report ne remet pas en question ses visées, a-t-il dit, rappelant cependant que son gouvernement travaille aussi à la rénovation des CHSLD.

« Notre objectif à long terme, c’est d’avoir des résidences de qualité pour nos aînés […] il faut être fier de ce qu’on offre aux aînés, maintenant le défi en construction en grand », a-t-il ajouté.

Ces retards qui s’accumulent sont une tuile importante pour le gouvernement Legault. Le respect des échéanciers était un élément crucial des chantiers de maisons des aînés, une promesse phare de la Coalition avenir Québec. Ces projets sont par ailleurs visés par la Loi concernant l’accélération de certains projets d’infrastructure (projet de loi 66).

Le projet de loi 66, adopté pendant la pandémie, était censé donner un « électrochoc » pour écourter les délais de construction et « accélérer des projets importants » pour contribuer à la relance économique.

La SQI attribue ces retards à la hausse des coûts des matériaux de construction et la surchauffe de l’industrie, entre autres.

Preuve d’une mauvaise idée, selon les oppositions

Les partis d’opposition estiment que ce retard est la preuve de plus que les maisons des aînés sont une mauvaise idée.

« C’est un peu la chronique d’un échec annoncé. On savait qu’avec les investissements massifs du gouvernement, que ça allait créer une surchauffe dans la construction. Et on a un peu le résultat qu’on attendait : on n’a pas livré les 2600 places qui étaient annoncées malgré le fait qu’on a reporté les échéances de mois en mois, et on n’arrive pas dans les budgets annoncés au départ », souligne le député péquiste Joël Arsenault.

Il souligne d’ailleurs que ces places, toujours pas livrées, ne sont qu’une goutte d’eau dans les besoins actuels. « Ça nous emmène à la même conclusion : ce modèle-là ne convient pas au problème actuel », dit-il. Il croit plutôt que le gouvernement Legault, au lieu d’investir dans le « béton », devrait mettre ses budgets dans les services pour le maintien à domicile.

Même son de cloche chez Québec solidaire. « C’est le genre de promesse pour laquelle personne ne serait fâché que la CAQ abandonne », laisse tomber la députée Christine Labrie. « Ils ont très mal identifié de ce que devrait être la priorité en matière d’hébergement des aînés. Ils sont allés là pour des raisons partisanes à mon avis », laisse-t-elle tomber.

Pendant que Québec met tous ses œufs dans le même panier, il ne fait rien pour conventionner les CHSLD privés, et n’agit pas alors que des résidences pour personnes âgées ferment aux quatre coins du Québec, dénonce-t-elle. « On le dit depuis longtemps, on tirerait la plug là-dessus », affirme-t-elle.

Du côté du Parti libéral, on fait un constat semblable. La députée Linda Caron estime que le gouvernement Legault doit tirer des conclusions et abandonner la construction de nouvelles maisons. « On peut finir les projets déjà commencés, mais pas en partir de nouveau. Les coûts sont énormes, faramineux. Ce n’est pas réaliste d’en faire assez pour répondre à la liste d’attente », affirme-t-elle. Elle affirme que François Legault « parlait du projet d’une génération, mais il vend du rêve depuis 4 ans ».