(Ottawa) La Commission sur l’état d’urgence a donné lieu à un échange tendu entre son avocat et le sous-ministre des Finances, Michael Sabia, jeudi. Ce dernier a défendu le gel des comptes bancaires des participants du « convoi de la liberté » à Ottawa et de ceux qui bloquaient des postes frontaliers en février.

Il s’agit de l’un des pouvoirs extraordinaires les plus controversés accordés en vertu de la Loi sur les mesures d’urgence pour mettre fin aux manifestations. Les institutions financières pouvaient ainsi geler les comptes des manifestants sans autorisation judiciaire, à partir des informations fournies par la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

M. Sabia a indiqué que le but était de créer « un incitatif pour que les gens retournent à la maison » étant donné qu’ils participaient à « des activités illégales ». Le ministère des Finances était pressé de mettre un terme aux convois de camions qui bloquaient les postes frontaliers et nuisaient à l’économie canadienne. L’invasion de l’Ukraine par la Russie était imminente et le sous-ministre craignait que ces manifestations ne finissent par alimenter le protectionnisme américain.

« Notre préoccupation centrale, à un moment où les Américains réévaluaient leurs relations commerciales avec le monde et certainement avec nous, était que cela pourrait avoir un impact négatif très important et durable sur les perspectives économiques du Canada », a-t-il expliqué.

Impact sur les familles

L’avocat de la commission, Gordon Cameron, a fait valoir que le gel des comptes bancaires n’avait pas seulement empêché les gens de continuer d’acheter de l’essence pour leurs camions qui paralysaient le centre-ville d’Ottawa, mais avait également empêché des familles de faire leur épicerie. « Vous deviez savoir que cela aurait cet impact ? », a-t-il demandé.

« Ce n’était pas notre objectif », a répondu la sous-ministre adjointe aux Finances, Isabelle Jacques.

M. Sabia a indiqué qu’en tout, 280 comptes de manifestants avaient été gelés après le recours à la Loi sur les mesures d’urgence, dont 256 sur la base des informations de la GRC.

Deux groupes ont remis en question la portée et l’impact négatif de ce gel des comptes bancaires. L’Association canadienne des libertés civiles est d’avis que le décret ratissait trop large en incluant les comptes conjoints, les REER et les comptes d’entreprise. La Canadian Constitution Foundation s’est inquiétée de l’impact sur la cote de crédit des manifestants touchés.

Le juge Paul Rouleau a voulu savoir à la fin de son témoignage quelles modifications M. Sabia recommanderait à la Loi sur les mesures d’urgence en ce qui concerne l’économie. « Est-ce que je crois que la menace pour l’économie canadienne n’a pas été prise au sérieux et qu’elle devrait être intégrée d’une façon ou d’une autre dans ce cadre juridique ? Oui, sans ambiguïté », a répondu le sous-ministre.