(Ottawa) Le Québec utilise une partie seulement des fonds qui lui sont versés annuellement par le gouvernement fédéral pour l’aider à franciser et intégrer les immigrants qui arrivent sur son territoire, a appris La Presse.

Le gouvernement fédéral a transféré une somme record de 697 millions à Québec durant l’exercice financier 2021-2022 en vertu d’une formule de calcul incluse dans l’Accord Canada-Québec sur l’immigration. Or, le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) a consacré moins de 25 % de cette somme, soit 168,2 millions, aux services de francisation durant le dernier exercice financier.

La somme que verse Ottawa à Québec augmente chaque année. En 2021-2022, elle a augmenté de près de 50 millions pour atteindre 697 millions. Le transfert fédéral est sans condition.

À Québec, le MIFI a indiqué que le budget de francisation a augmenté au cours des cinq dernières années. Mais il ne suit pas le même rythme d’augmentation que celui du gouvernement fédéral.

« Depuis 2019-2020, le gouvernement a investi massivement afin notamment d’élargir l’accessibilité des services de francisation aux personnes en séjour temporaire et aux personnes arrivées au Québec il y a plus de cinq ans, et de bonifier l’aide financière incitative », a indiqué une porte-parole du Ministère, Arianne Méthot, dans un courriel à La Presse.

« Ainsi, le budget des services de francisation du MIFI est passé de 94,2 millions en 2018-2019 à 168,2 millions en 2021-2022. À ces budgets de 168,2 millions s’ajoute un montant de 25 millions (50 millions de dollars sur deux ans) afin de mettre en place des initiatives visant notamment à poursuivre les efforts en enseignement et à bonifier l’aide financière incitative à la francisation pour soutenir les personnes immigrantes qui suivent des cours de français », a-t-elle ajouté.

« Un panier de services »

Au cabinet de la ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration, Christine Fréchette, une source a tenu à préciser que la somme de 168,2 millions représente uniquement le budget consacré à la francisation des immigrants du MIFI. Mais Québec utilise aussi le transfert fédéral pour financer des services aux immigrants offerts par d’autres ministères. « Il y a des ministères et des organismes qui offrent des services qui sont financés à même cet accord de financement. Et ils offrent des services de francisation non gouvernementaux. Toutes les dépenses du MIFI pour les services de francisation, d’intégration et d’accueil, s’élèvent à 295 millions », a soutenu cette source.

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Christine Fréchette, ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration

Elle a ajouté que trois ministères – celui de la Santé, celui de l’Éducation et celui du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité – engagent aussi des dépenses pour la francisation, l’intégration et l’accueil des immigrants, qui totalisaient plus de 300 millions l’an dernier.

Le Québec offre un panier de services qui est important aux personnes immigrantes. Ces services ne sont pas tous financés par le MIFI. Mais le MIFI coordonne l’octroi de ces sommes à d’autres ministères.

Une source au cabinet de la ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration

La Presse a obtenu ces chiffres alors que le gouvernement fédéral a annoncé de nouvelles cibles en matière d’immigration. Le Canada ouvre plus que jamais ses portes à l’immigration comme moyen de s’attaquer à la pénurie de main-d’œuvre, entre autres choses. Ainsi, en 2025, le gouvernement Trudeau compte accueillir 500 000 nouveaux arrivants. En 2023 et en 2024, les seuils d’immigration seront de 465 000 et 485 000 nouveaux arrivants, a indiqué le ministre de l’Immigration du Canada, Sean Fraser, mardi à Toronto.

Québec réaffirme sa cible

Alors que le gouvernement fédéral ouvre davantage les portes du pays aux nouveaux arrivants, le gouvernement Legault compte limiter à 50 000 le nombre d’immigrants qui pourront s’établir au Québec. Un tel écart entre les deux seuils risque d’accélérer la chute du poids démographique du Québec au sein de la fédération canadienne. Malgré tout, le gouvernement Legault n’a pas l’intention de modifier sa politique.

Interrogé à ce sujet avant le début de la réunion de son caucus, le premier ministre Justin Trudeau a réitéré que le Québec a tous les outils pour accueillir plus d’immigrants s’il le souhaite.

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Justin Trudeau, premier ministre du Canada

« Le Québec a depuis longtemps la capacité d’augmenter ses seuils d’immigration. Je sais que chaque fois que je parle à des propriétaires d’entreprise à Montréal ou en région, ils soulignent à quel point c’est important de contrer la pénurie de main-d’œuvre », a dit M. Trudeau.

Il a ajouté que « l’immigration faite de la bonne façon » constitue une réponse adéquate à ce problème. « On sera toujours là pour aider M. Legault s’il veut créer plus de croissance économique au Québec », a-t-il avancé.