(Québec) La scène a fait réagir plusieurs vieux de la vieille de la couverture municipale à Québec. Plutôt que le maire Bruno Marchand, c’est le ministre Jonatan Julien qui a prononcé les premiers mots d’une conférence de presse à l’hôtel de ville de Québec, jeudi.

« Ça ne se serait jamais passé comme ça du temps de Régis Labeaume », s’est surpris un journaliste d’expérience.

« Je ne marque pas de tournant par rapport à avant, je ne savais même pas ça », a réagi le maire de Québec, qui a refusé d’en faire tout un plat. « Mais je le répète, je n’ai pas d’ego ! On reçoit un ministre, on fait la place qu’il se doit, on ne travaille pas pour nos ego. »

Cette conférence de presse était la première entre le maire et le tout nouveau ministre responsable de la Capitale-Nationale. Les deux hommes, tout sourire, semblaient filer le parfait bonheur.

« Ça ne peut pas mieux aller que ça va présentement, s’est réjoui M. Marchand. On a besoin d’un ministre fort qui va aller se battre pour la région et je suis convaincu sincèrement qu’il va faire ça. »

Il s’agit d’un revirement majeur, quelques mois à peine après une série d’escarmouches entre le gouvernement et le maire de Québec dans le dossier du tramway.

Pas plus tard qu’en mars dernier, M. Marchand accusait le gouvernement de mener « une attaque directe contre la Ville de Québec » et de « démoniser » les transports en commun.

Des ministres caquistes avaient critiqué le retrait de voies automobiles sur René-Lévesque pour faire de la place au tramway. François Bonnardel, alors ministre des Transports, soufflait le chaud et le froid sur le projet. Éric Caire accusait quant à lui le maire de « polluer l’existence des conducteurs », avant de s’en excuser.

Toute l’affaire avait même poussé l’Union des municipalités du Québec (UMQ) à soutenir publiquement le maire Marchand tout en invitant l’État « à respecter les compétences municipales en aménagement du territoire ».

Le gouvernement avait ensuite reculé et accepté le retrait des voies sur René-Lévesque. L’affaire semblait réglée. Mais plusieurs craignaient que les coups portés de part et d’autre laissent des traces.

Si elles existent, elles n’ont pas paru jeudi. « Je ne regarde pas vers le passé », a assuré le maire de Québec, qui estime que les relations avec M. Julien sont « de très bon augure ». M. Marchand a même indiqué avoir « mis les mécanismes en place pour se parler fréquemment et éviter les écueils ».

« Le projet va aller de l’avant »

Jonatan Julien a soutenu jeudi le projet de tramway avec une ardeur que peu d’élus de la Coalition avenir Québec (CAQ) avaient démontrée auparavant.

« Le projet va de l’avant et on le soutient », a lancé sans détour Jonatan Julien, aussi ministre des Infrastructures. « Je vois très bien actuellement la communication faite par la Ville auprès des citoyens, les efforts faits pour que l’adhésion soit là. On voit la progression. Et je vais toujours soutenir le maire de Québec. »

La question est maintenant de savoir à combien se chiffrera cet important projet de transports en commun. Dans le montage initial, Québec payait 60 % de la facture et Ottawa, 40 %.

D’abord annoncé à 3,4 milliards en 2018, il est désormais évalué à quelque 4 milliards. Le maire Marchand a ouvert la porte à d’autres dépassements de coûts.

« Non, ce n’est pas un bar ouvert. Si ça coûte 10 ou 15 milliards, je ne m’attends pas à ce que le gouvernement du Québec dise : il n’y a pas de problème », a remarqué Bruno Marchand, qui rappelle toutefois l’inflation galopante qui sévit.

Le ministre Julien attend de voir les prix soumis par les consortiums avant de se prononcer sur les coûts. Chose certaine, il ne ferme pas la porte à une hausse des budgets.

« Indéniablement, en ce moment, il y a une progression des coûts des projets d’infrastructure majeurs. Mais rien de farfelu ne va sortir de ça. On espère que la concurrence sera vive », a-t-il dit, en référence aux consortiums.

Mais la politique n’est jamais bien loin. Bruno Marchand a donné un aperçu de son argumentaire dans l’éventualité où la facture de son tramway gonflerait.

« On le voit quand on construit un hôpital à Montréal qui devait coûter 2,5 milliards et qui en coûte 4,2, on va de l’avant quand même, car il y a un besoin », a-t-il dit en référence à l’agrandissement de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont.

« À Québec, on a des besoins de mobilité et le tramway en fait partie. »