(Ottawa) Le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, a défendu mercredi le recours historique à la Loi sur les mesures d’urgence, sans toutefois expliquer pourquoi le gouvernement avait refusé de nommer un médiateur indépendant pour entrer en contact avec les organisateurs du « convoi de la liberté ».

« Pour être juste, je pense que vous avez vu certains de ces efforts à la Ville », a-t-il répondu à la question de La Presse. Il a par la suite évoqué la fragmentation entre les divers groupes au sein du convoi de camions qui a paralysé le centre-ville d’Ottawa durant trois semaines.

La Ville avait entrepris ses propres négociations avec les organisateurs de la manifestation pour déplacer une quarantaine de camions hors de la zone résidentielle et sur la rue Wellington face au parlement. Ceux-ci n’avaient pas le contrôle sur les milliers de personnes sur place, selon les divers intervenants municipaux entendus à ce jour.

Lors de son témoignage à la Commission sur l’état d’urgence la veille, le maire d’Ottawa, Jim Watson, a été questionné sur l’idée de demander au gouvernement fédéral de nommer un médiateur indépendant pour dénouer la crise. Une motion a été rédigée, mais elle n’a jamais été présentée au conseil municipal parce que le ministre de la Protection civile et le ministre Mendicino avaient fait connaître leur refus très rapidement au bureau du maire Watson. « Cette idée n’était pas du tout appuyée par le gouvernement fédéral », a-t-il relaté.

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Jim Watson, maire d’Ottawa

Dans sa déclaration d’ouverture la semaine dernière, l’avocat du gouvernement fédéral avait affirmé qu’une « attention particulière a été accordée à toutes les options » avant de faire appel en dernier recours à la Loi sur les mesures d’urgence pour déloger les centaines de camions qui bloquaient le centre-ville.

Selon les témoignages entendus par la Commission, la police et la Ville d’Ottawa ont été rapidement débordées par l’ampleur de la manifestation qui comptait des milliers de personnes, mais le gouvernement de l’Ontario refusait de s’en mêler. L’inaction du premier ministre Doug Ford irritait le maire Watson et le premier ministre Justin Trudeau qui en ont discuté lors d’un appel téléphonique. Une semaine plus, tard le gouvernement fédéral déclarait à son tour l’état d’urgence, après la Ville et le gouvernement ontarien.

« Il y avait des moments où les gens travaillaient un peu de différentes façons, mais l’important c’est qu’on a fini par arriver ensemble à invoquer nos différentes mesures d’urgence », a commenté M. Trudeau avant la réunion hebdomadaire du caucus libéral mercredi.

Donc, les difficultés de coordination entre les trois ordres de gouvernement et les différents corps policiers expliquent-elles le recours à la Loi sur les mesures d’urgence ? « Nous voulions nous assurer que la police disposait de tous les outils nécessaires pour rétablir l’ordre public, a répondu le ministre Mendicino. Au bout de trois semaines, nous avons décidé que c’était nécessaire et ça a marché. »

Le maire Watson, sceptique au départ, avait décrit mardi le recours à la Loi sur les mesures d’urgence comme un « catalyseur » qui a permis la vaste opération policière, échelonnée sur trois jours, pour déloger les manifestants. La Ville a obtenu l’aide de 1900 agents supplémentaires de la Gendarmerie royale du Canada, de la Police provinciale de l’Ontario et de divers corps policiers un peu partout au pays, dont la Sûreté du Québec.

Elle a également permis à la Ville de réquisitionner des remorqueuses pour enlever les camions du centre-ville. Toutes les compagnies sollicitées avaient refusé, soit parce qu’elles craignaient pour la sécurité de leurs employés ou qu’elles soutenaient le « convoi de la liberté ». Les manifestants demandaient la levée des mesures sanitaires et de l’obligation vaccinale imposées pour juguler la pandémie de COVID-19.

L’avocat qui représente environ 25 participants de ce convoi de camions a fait valoir la semaine dernière qu’aucun des critères pour déclarer l’état d’urgence n’a été rempli, soit l’espionnage et le sabotage, l’influence étrangère clandestine, les actes graves de violence ou une tentative de renverser le gouvernement par la violence.

La Commission sur l’état d’urgence doit déterminer si le gouvernement avait raison de recourir à cette législation pour la première fois de son histoire afin de mettre fin au « convoi de la liberté » à Ottawa et aux blocages de postes frontaliers ailleurs au pays. Il s’agit de l’un des deux garde-fous prévus dans cette législation adoptée en 1988.