(Ottawa) Le gouvernement Trudeau a finalement dévoilé les détails entourant les contrats sans appel d’offres accordés à un important contributeur du Parti libéral du Canada (PLC) afin de loger les migrants qui traversent la frontière de manière irrégulière par le chemin Roxham.

En tout, les entreprises appartenant à Pierre Guay ont décroché 28,1 millions de dollars en contrats depuis 2017, a-t-on appris une heure avant que le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique lance une étude sur les dépenses du gouvernement fédéral liées au passage du chemin Roxham.

Jusqu’ici, le gouvernement fédéral avait refusé de dévoiler ces coûts au motif qu’il s’agissait d’informations confidentielles. La Presse avait tenté en 2021 d’obtenir ces détails en soumettant plusieurs demandes d’accès à l’information au ministère des Services publics et de l’Approvisionnement (SPAC), en vain.

La Presse avait dévoilé en décembre 2021 que l’afflux sans précédent de demandeurs d’asile, de policiers, d’agents des services frontaliers et de fonctionnaires fédéraux chargés de gérer les foules dans ce secteur s’est révélé payant pour M. Guay depuis 20171.

Lisez « Ottawa refuse de révéler la valeur des contrats accordés à un donateur libéral »

« Entre le 1er mai 2017 et le 1er octobre 2022, SPAC a mis en place 9 baux avec les entreprises de monsieur Guay. Tous ces baux sont associés à des terrains et locaux situés à proximité du poste frontalier de Saint-Bernard-de-Lacolle. Cinq de ces baux sont toujours actifs. Le montant total versé à M. Guay en vertu des 9 baux en date du 1er octobre 2022 est de 28 130 031 $. Ces montants sont composés des frais de location et de frais liés à divers travaux (améliorations locatives) apportés par M. Guay aux locaux et terrains loués et nécessaires aux opérations de ASFC (Agence des services frontaliers du Canada) et de IRCC (ministère de l’Immigration) », peut-on lire dans un document de SPAC.

Selon les calculs du Ministère, environ 12 millions de dollars qui ont été payés aux entreprises de M. Guay ont servi à financer des travaux d’infrastructures tels que l’accès à de l’électricité, à de l’eau potable et à des services d’égouts.

En moyenne, environ une centaine de migrants franchissent encore quotidiennement la frontière d’une manière irrégulière par le chemin Roxham, a-t-on indiqué lundi à l’ASFC.

Pierre Guay, qui possède aussi des boutiques hors taxes à Stanstead et à Stanhope, en Estrie, a contribué au Parti libéral du Canada. Entre 2004 et aujourd’hui, selon les données d’Élections Canada, il a donné environ 23 000 $ à la formation politique. Son fils, qui est aussi impliqué dans l’entreprise familiale, a donné environ 2500 $ au parti en 2018 et 2019. Les deux hommes ont participé à une soirée de financement avec la députée de Châteauguay–Lacolle Brenda Shanahan et la ministre Chrystia Freeland en mars 2019.

L’homme d’affaires a aussi donné près de 4000 $ au Parti conservateur entre 2007 et 2015, pendant que la formation était au pouvoir, sans cesser de financer les libéraux. Depuis que Justin Trudeau est premier ministre, il ne donne plus aux conservateurs.

Devant le comité des Communes

Témoignant devant le comité des Communes lundi après-midi, Pierre Guay a rejeté net toute insinuation selon laquelle les dons qu’il a versés à la caisse électorale du Parti libéral du Canada et du Parti conservateur ont pu l’aider à obtenir de tels contrats.

Il a fait valoir que tout citoyen a le droit fondamental de participer à sa manière au système démocratique du pays. Il a précisé que ce sont des douaniers de l’ASFC qui sont d’abord venus cogner à sa porte en premier au printemps 2017, étant donné qu’il possède de nombreux terrains dans les environs. Des représentants de SPAC ont ensuite entrepris des négociations visant à donner à la Gendarmerie royale du Canada, à l’ASFC et à Immigration Canada des installations adéquates pour traiter les demandes d’une centaine de migrants irréguliers par jour.

Aucun de ces dons n’a été effectué en échange ou dans l’objectif ou l’espoir de signer plusieurs années plus tard quelque contrat que ce soit avec le gouvernement fédéral et encore moins de recevoir un traitement de faveur de sa part. […] Je tiens à préciser que je ne suis pas membre ou militant de quelque parti que ce soit et je n’entretiens aucune relation avec quelque politicien que ce soit, tant au gouvernement fédéral qu’au gouvernement provincial.

Pierre Guay

« Je possède environ 225 acres sur la frontière. Alors nos voisins sont les douanes. Et nous sommes là pour accommoder nos voisins », a-t-il aussi dit plus tard.

Avant son témoignage, de hauts fonctionnaires ont aussi affirmé que tous les efforts ont été déployés pour s’assurer que les contribuables en aient pour leur argent en négociant de tels contrats.

« À l’époque, c’était une situation difficile et urgente », a soutenu le sous-ministre adjoint à SPAC, Stéphan Déry, soulignant que M. Guay possède essentiellement toutes les terres près de la frontière dans la région de Saint-Bernard-de-Lacolle.

Le député conservateur Pierre Paul-Hus a affirmé que si M. Guay n’avait pas cherché à obtenir ces contrats, il avait tout de même « gagné à la loto » depuis 2017.