(Ottawa) Une seule étude environnementale doit être menée pour évaluer les projets de barrages hydroélectriques que propose de lancer le premier ministre du Québec François Legault durant son second mandat. Et cette évaluation peut fort bien être menée par les autorités compétentes du Québec, soit le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), affirme le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre.

Selon M. Poilievre, il serait futile qu’Ottawa mène une étude en parallèle pour faire essentiellement le même travail que le BAPE. Au mieux, l’Agence d’évaluation d’impact du Canada (AEIC) arrivera aux mêmes conclusions. Au pire, l’agence fédérale retardera indûment des projets qui seraient porteurs pour l’environnement au moment où le Québec veut accélérer l’électrification des transports, a-t-il argué dans une entrevue accordée à La Presse.

M. Poilievre, qui a entrepris jeudi une tournée de deux jours au Québec qui l’a conduit à Québec, à La Pocatière et à Montréal, endosse sans hésiter les arguments de la Coalition avenir Québec (CAQ) de François Legault, qui, après avoir promis de lancer de nouveaux chantiers de barrages hydroélectriques en campagne électorale, qui a soutenu que le BAPE devrait être le seul à les évaluer.

Dans son plan stratégique, Hydro-Québec calcule qu’il faudra ajouter environ 100 térawattheures (TWh) de nouvelles énergies au Québec d’ici 2050. Concrètement, cela veut dire une augmentation de 50 % par rapport au niveau actuel.

« Le premier ministre Legault veut plus de barrages pour Hydro-Québec. Il dit qu’on ne devrait pas faire la même étude environnementale deux fois. Mais la paperasserie que Justin Trudeau a imposée va retarder la construction de ces barrages. Cela va rendre plus difficile et plus coûteuse la production d’électricité pour les voitures électriques par exemple », a-t-il affirmé.

« Si le Québec fait l’étude pour garantir que l’environnement sera protégé, ce n’est pas nécessaire que le gouvernement fédéral fasse exactement la même étude. Ça va simplement doubler le temps d’attente tout en ne faisant rien pour l’environnement », a-t-il également fait valoir.

M. Poilievre a précisé avoir eu un entretien téléphonique avec François Legault à ce sujet la semaine dernière. « Je lui ai dit que je ne vais pas doubler les mêmes études. Et je reconnais que pour combattre les changements climatiques, il faut davantage de l’électricité verte », a-t-il dit.

En décrétant que Québec peut très bien mener lui-même l’étude environnementale pour de tels projets, M. Poilievre continue d’incarner un credo cher au Parti conservateur, soit la décentralisation des pouvoirs vers les provinces, comme l’ont fait dans le passé d’autres chefs conservateurs, notamment l’ancien premier ministre Stephen Harper.

Durant la campagne électorale, le gouvernement Trudeau s’est montré circonspect sur le rôle du fédéral dans ces projets. Le bureau du ministre de l’Environnement Steven Guilbeault a toutefois rappelé les obligations d’Ottawa en vertu de la Loi sur l’évaluation d’impact adoptée par le gouvernement libéral en 2019. Cette loi fédérale stipule que des projets tels que la construction d’un barrage sont automatiquement soumis à une évaluation fédérale s’ils nécessitent l’aménagement d’un réservoir qui dépasse de 15 km2 « la superficie moyenne annuelle du plan d’eau naturel ».

Interrogé à ce sujet deux jours après les élections du 3 octobre au Québec, le ministre Guilbeault a été catégorique. « En vertu du nouveau régime d’évaluation d’impact fédéral, un projet de barrage, comme tout autre grand projet de développement, serait soumis à une évaluation environnementale. […] Alors s’il doit y avoir une évaluation fédérale, il va y avoir une évaluation fédérale », a-t-il affirmé aux journalistes.

Dans la foulée, le ministre n’a pas écarté la tenue d’une évaluation commune. « Certainement, c’est possible de faire ça conjointement, mais je ne peux pas déléguer mon obligation législative à un autre niveau de gouvernement. »

Durant la campagne, François Legault a aussi réclamé de nouveaux pouvoirs d’Ottawa en matière d’immigration afin de contrer le déclin du français. Son homologue fédéral Justin Trudeau a écarté cette option en disant que Québec a déjà tous les outils dont il a besoin dans ce domaine pour accueillir des immigrants francophones.

Contrairement au premier ministre Justin Trudeau, le chef conservateur ne ferme pas la porte à double tour. « Nous sommes à l’écoute. C’est sûr que le gouvernement libéral a démontré son incroyable incompétence à gérer le ministère de l’Immigration. Je pense que le Québec veut combler la pénurie de main-d’œuvre tout en protégeant les intérêts des Québécois. Donc, je suis à l’écoute pour trouver comment on peut travailler ensemble, tous les premiers ministres du pays, pour se doter d’un système d’immigration qui attire des travailleurs et nous aide à bâtir notre économie », a-t-il lancé.

En entrevue, le chef conservateur a aussi affirmé qu’il faut « simplifier » l’approbation des projets de mines dans le cas des minéraux critiques nécessaires pour les voitures électriques tels que le lithium, le cobalt et le graphite, entre autres.

« En 2020, on a produit zéro lithium même si le pays compte la sixième réserve en importance dans le monde. Pourquoi ? Parce que ça prend quatre ou cinq ans avant d’obtenir l’approbation du gouvernement. Donc, les investisseurs vont ailleurs. Ça nuit à l’environnement encore parce que cela nous force à importer des batteries qui viennent de pays qui brûlent du charbon pour les fabriquer. Ça n’a pas de bon sens », a-t-il déploré.