Le ministre Dominic LeBlanc rencontre enfin le jeune Allemand qui lui a fait don de cellules souches

(Ottawa) Le ministre des Affaires intergouvernementales, Dominic LeBlanc, a rencontré son lot de personnes influentes depuis qu’il œuvre en politique – la reine Élisabeth II, l’ancien président français Jacques Chirac, le pape Jean-Paul II, l’ancien président de l’Afrique du Sud Nelson Mandela et l’ancien président des États-Unis Bill Clinton, entre autres.

Mais à 54 ans, il brûlait plutôt d’envie de rencontrer un Allemand dans la vingtaine qui, il y a quelques mois à peine, était un parfait inconnu. Car ce jeune homme de Bad Hersfeld, Jonathan Kehl, l’a arraché au couloir de la mort dans lequel le destin l’avait poussé quelques mois auparavant.

Dès le jour où les médecins de Moncton lui ont annoncé, au printemps 2019, qu’il souffrait d’un rare cas de lymphome non hodgkinien, un cancer du système immunitaire, Dominic LeBlanc savait qu’il était engagé dans une course contre la montre. Sa survie tenait à deux conditions : son corps devait bien réagir aux traitements de chimiothérapie et on devait trouver un donneur aux cellules souches compatibles. Sa sœur cadette n’était pas une candidate compatible.

« À 51 ans, j’ai affronté ma propre mortalité », a laissé tomber le ministre acadien, tout ému, durant une entrevue d’une quarantaine de minutes accordée à La Presse mardi, à son bureau de la colline parlementaire.

Après des semaines de préparation, M. Kehl est arrivé à Ottawa dimanche pour rencontrer en personne le ministre Dominic LeBlanc, qui se trouve aujourd’hui en bonne forme.

M. Kehl fait des études universitaires pour devenir enseignant. Il profite d’une semaine de relâche pour passer quelques jours en compagnie de celui qui est devenu son jumeau génétique grâce aux avancées de la médecine régénérative.

PHOTO SIMON SÉGUIN-BERTRAND, LE DROIT

Jonathan Kehl et Dominic LeBlanc

« Quand je l’ai vu dimanche soir à l’aéroport, je ne lui ai pas serré la main. Je lui ai donné une longue accolade. Cette personne m’a sauvé la vie. Sans lui, je n’aurais pas vu les couleurs de l’automne en 2019 », raconte M. LeBlanc, assis à côté de son nouvel ami pour la vie, malgré les 30 ans qui les séparent.

« Cela a été une expérience marquante pour moi. Il n’y a pas beaucoup de gens qui ont l’occasion de sauver la vie de quelqu’un comme cela. Et j’ai eu l’occasion de le faire », a avancé Jonathan Kehl.

Le protocole entourant ces grandes opérations veut qu’un patient doive attendre deux ans avant de connaître l’identité de la personne qui lui a fait don de la vie. Mais il faut aussi d’abord que le donneur donne son consentement.

En novembre dernier, M. LeBlanc a reçu un courriel de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont de Montréal révélant l’identité et les coordonnées de Jonathan Kehl. Leur première conversation a eu lieu en décembre par visioconférence. Dominic LeBlanc l’a tout de suite invité à lui rendre visite au Canada.

En Allemagne, le registre de donneurs est bien établi. Tous sont encouragés à donner un échantillon de leur ADN pour augmenter les chances de trouver un donneur compatible.

Jonathan Kehl a décidé de participer au programme alors qu’il était au secondaire, en crachant un peu de salive dans un petit pot.

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M. Kehl fait des études universitaires pour devenir enseignant. Il profite d’une semaine de relâche pour passer quelques jours en compagnie de celui qui est devenu son jumeau génétique grâce aux avancées de la médecine régénérative.

Compatibilité de 10 sur 10

Quand Hema-Québec a lancé une vaste recherche pour trouver un donateur compatible, le profil du jeune Allemand est apparu sur l’écran de l’ordinateur, en août.

« Le niveau de compatibilité était de 10 sur 10, y compris le groupe sanguin. Cela arrive à une personne sur 20 000. Dans mon cas, c’était comme gagner à la loterie. C’était ma sortie de secours d’une maladie très dangereuse que j’avais », a raconté M. LeBlanc, qui a tenu à saluer à grands traits les traitements que lui ont prodigués la Dre Sylvie Lachance et le personnel infirmier de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont.

La délicate opération a eu lieu en septembre 2019. Les élections fédérales battaient alors leur plein. M. LeBlanc briguait les suffrages, mais il n’a pu faire campagne. Il a séjourné dans une chambre d’isolement à l’hôpital pendant 58 jours. Il a été réélu sans difficulté.

M. LeBlanc a réservé un traitement quasi royal à son invité. Lundi, ils ont visité la colline parlementaire et ont rencontré le premier ministre Justin Trudeau pendant une vingtaine de minutes à son bureau. Ils ont cassé la croûte en compagnie de l’ambassadeur d’Allemagne à Ottawa mardi soir.

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Jonathan Kehl

« Quand j’ai rencontré le premier ministre, il m’a remercié d’avoir sauvé la vie de son ami d’enfance. J’ai bien senti que cela venait du cœur », a raconté M. Kehl, prenant encore toute la mesure du geste qu’il avait fait il y a trois ans.

Mercredi soir, ils ont mis le cap vers Montréal pour souper. Jeudi, ils se rendront dans la région de Miramichi, au Nouveau-Brunswick, pour une partie de pêche. M. LeBlanc accueillera son invité chez lui pour un dernier repas vendredi soir à Moncton avant que M. Kehl prenne l’avion samedi pour retourner en Allemagne.

Durant la visite du chancelier allemand, Olaf Scholz, au Canada, en août, M. LeBlanc lui a raconté son histoire. « Je lui ai dit : je suis le seul ministre canadien du cabinet qui a du sang allemand à 100 % », a-t-il lancé, provoquant les éclats de rire du leader allemand.