(Ottawa ) Le gouvernement Trudeau met les bouchées doubles pour s’assurer que les quelque 12 000 délégués venant de 190 pays qui sont attendus à Montréal aient tous les documents requis à temps afin de participer à la Conférence de l’ONU sur la biodiversité (COP15) en décembre.

Car il faut à tout prix éviter de jouer dans le même film que cet été, alors que les enjeux de la Conférence internationale sur le sida de Montréal ont été occultés par les délais dans la délivrance de visas, prévient notamment l’organisateur montréalais de ce congrès, le DJean-Pierre Routy.

Ces délais ont empêché certains des conférenciers de prendre part à l’évènement et causé un embarras aux autorités canadiennes.

Équipe spéciale

Selon des informations obtenues par La Presse, une équipe de fonctionnaires au ministère fédéral de l’Immigration a été créée et elle a l’unique mandat de s’occuper du traitement des visas et autres documents nécessaires aux délégués pour assister à la COP15. Aussi, l’ONU a ouvert les inscriptions pour l’évènement la semaine dernière.

« Le ministère de l’Immigration est impliqué dans la préparation et l’organisation de la COP15. Il y a une équipe dédiée pour les visas », a indiqué une source qui s’exprimait sous le couvert de l’anonymat parce qu’elle n’était pas autorisée à parler publiquement de ce dossier.

En juin, Montréal s’est vu confier le mandat d’accueillir la deuxième partie de la COP15, prenant ainsi le relais de la ville chinoise de Kunming, après que les travaux de la conférence eurent été reportés à quatre reprises à cause des mesures de confinement strictes imposées par Pékin pour maîtriser les cas de COVID-19. La conférence aura lieu du 5 au 17 décembre dans la métropole, qui abrite déjà le Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique des Nations unies.

En temps normal, le pays hôte d’une telle conférence internationale dispose de deux ans pour l’organiser. Le Canada aura eu moins de six mois.

Un coup pour la réputation du Canada

Les ratés dans la délivrance de visas qui ont marqué la 24Conférence internationale sur le sida ont fait mal à la réputation du Canada, regrette le DJean-Pierre Routy, qui en était le président local. « Ça a fait une ombre, certainement, à l’évènement, et un petit peu aussi au Canada », note-t-il en entrevue.

La majorité des délégués qui sont demeurés dans l’incertitude provenaient du continent africain. « Beaucoup ont dit que c’était une attitude contre l’Afrique, contre les gens qui avaient le VIH – c’est probablement faux, parce qu’il y a une hyper représentation des pays en Afrique qui ont besoin de visas pour venir au Canada », souligne le DRouty.

Ce qui est vrai, c’est que la ville-hôte a une obligation de résultat. « Quand on accepte, ça vient avec le prestige d’accueillir une conférence, mais aussi avec un engagement à respecter certains points. Là, j’espère qu’ils se sont engagés à donner des visas », lance le professeur au département de médecine de l’Université McGill.

Et même si décembre peut sembler loin, c’est maintenant que ça se passe, selon lui.

« Ça se fait trois mois à l’avance, planifier un voyage à l’étranger, quand on travaille », explique le DRouty.

Une bonne leçon ?

Le président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Michel Leblanc, espère aussi que le gouvernement Trudeau a tiré des enseignements des ratés de la conférence sur le sida.

Il ne « peut pas concevoir » l’inverse. « Si le gouvernement fédéral investit 64 millions, s’il a été un joueur actif pour l’obtenir pour le Canada, à Montréal, j’imagine qu’on va s’assurer que tous les processus, dont ceux sur les visas, vont être resserrés pour que ça marche. »

D’autant plus que le choix de la métropole québécoise pour la tenue de la conférence environnementale – la même ville où a été signé en 1987 le Protocole de Montréal sur la protection de la couche d’ozone – est très « stratégique » sur le plan de l’image, croit Michel Leblanc.

Et bénéfique. « Des grands congrès, c’est toujours très rentable. C’est de l’argent neuf. Ces gens qui arrivent de l’étranger avec des budgets de dépenses importants. Ils logent dans de bons hôtels, mangent dans de bons restaurants », relève-t-il.

Si le gouvernement canadien faillit à sa mission, c’est sa réputation – plus que celle de la métropole québécoise – qui en souffrira, plaide Michel Leblanc.

« Un pays qui n’est pas capable d’accueillir des visiteurs qu’il a invités peut avoir un œil au beurre noir. Mais je pense qu’aucun visiteur à Montréal ne pense que c’est la ville qui est responsable de l’aéroport ou de la délivrance des visas », avance-t-il.