La Coalition avenir Québec (CAQ) s’affaire depuis des semaines en vue des élections provinciales prévues le 3 octobre prochain. Entre annonces en cascade et publicités omniprésentes, la quête de réélection du gouvernement Legault est déjà lancée, avant même le début officiel de la campagne électorale.

« J’ai demandé à tous mes ministres, à part exception, qu’il n’y ait plus d’annonces gouvernementales de faites à partir du 1er juillet. » Voilà ce qu’avait déclaré François Legault au début du mois de juin lors du bilan de la session parlementaire, refusant de multiplier les annonces en vue de la période électorale.

La consigne semble avoir été respectée : selon un décompte réalisé par La Presse, en date du 13 juillet, à peine 10 annonces avaient été faites au total depuis le début du mois par les cabinets de cinq importants ministres – Justice, Éducation, Culture, Transports, Aînés. Certains ministères, comme l’Éducation et les Transports, se sont même abstenus de tout communiqué au mois de juillet.

Toutefois, ces cinq mêmes ministres ont publié un très grand nombre d’annonces au mois de juin (124 au total). Le cabinet de la ministre responsable des Aînés a été particulièrement actif, réalisant pas moins de 44 annonces entre le 1er et le 30 juin. Le ministère de la Culture a lui aussi été prolifique, avec 34 annonces sur la même période. Parmi ces annonces, de nombreux soutiens financiers à différents programmes : on peut citer à titre d'exemple le plan de 50 millions pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées annoncé le 12 juin, ou encore la subvention de 1,8 million de dollars accordée au Festival de jazz le 30 juin.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, ARCHIVES LA PRESSE

Marguerite Blais, ministre responsable des Aînés et des Proches aidants, lors de l'annonce du 12 juin

« On avait pris des engagements lors de la dernière campagne électorale, et le but, c’est de les réaliser. On a juste annoncé les dossiers qui étaient prêts à l’avance », explique Lyann St-Hilaire, conseillère aux communications de la ministre responsable des Aînés et des Proches aidants, Marguerite Blais. Elle attribue aussi cette multiplication des annonces à la volonté de la CAQ de se « démarquer des autres partis » en vue des élections d’octobre.

« On a vu les gouvernements précédents profiter de la période préélectorale pour faire des annonces de subventions, et on a toujours dit à la CAQ que ce n’était pas le moment avant les élections », insiste l’attaché de presse du premier ministre Ewan Sauves.

Une « campagne permanente »

La communication active de la CAQ passe également par une présence publicitaire accentuée au cours des dernières semaines : le parti multiplie les affichages dans les journaux et sur la voie publique. Il a également lancé une publicité télévisée vantant les mérites de François Legault, source de nombreux détournements sur les réseaux sociaux.

Les autres partis provinciaux ne sont pas en reste : le Parti libéral du Québec a publié une série de capsules vidéo présentant les engagements de Dominique Anglade dans différents domaines, Québec solidaire multiplie les publications sur les réseaux sociaux, et le Parti québécois a lancé un nouveau site internet intitulé levraibilan.com, qui dresse un bilan négatif des quatre années de gouvernement caquiste.

Pourquoi une telle précipitation, alors que la campagne électorale officielle ne démarre qu’à la fin d’août ? Selon Joanie Bouchard, professeure de politique appliquée à l’Université Sherbrooke, on assiste à l’émergence d’une « campagne permanente », c’est-à-dire l’extension de la communication politique dans une optique électoraliste en dehors du temps habituellement imparti à la campagne. Ce phénomène s’explique selon elle par plusieurs éléments : la baisse des effectifs militants, qui oblige les partis à redoubler d’efforts pour convaincre les électeurs, les impératifs de financement des partis, qui rendent d’autant plus nécessaires la réussite aux élections, ou encore les élections à date fixe, nouveauté au Québec, qui permettent aux partis politiques d’anticiper les prochaines échéances électorales.

Cette communication est d’autant plus accessible pour les partis au gouvernement, d’après la chercheuse.

Le fait que le parti soit au pouvoir va lui permettre d’avoir accès aux outils de communication politique des organismes du Ministère. Il va avoir la capacité de publiciser ses bons coups, de mettre en avant ses accomplissements.

Joanie Bouchard, professeure de politique appliquée à l’Université Sherbrooke

Dans le cas de la CAQ, le gouvernement a d’ailleurs mené en mai une campagne d’affichage saluant l’adoption de différents projets de loi, parfois avant même leur passage à l’Assemblée nationale.

Une précampagne au cœur des débats

Julie Saint-Arnaud Drolet, porte-parole à Élections Québec, a constaté lors des dernières élections provinciales « une augmentation des dépenses pour influencer le vote avant même le déclenchement des élections ». Mais cette hausse n’a pas « remis en cause l’équité des élections », assure-t-elle.

Elle rappelle qu’il n’existe aucune limitation de dépenses pour les partis en dehors de la campagne électorale, qui devrait être lancée cette année vers le 29 août. En revanche, en période électorale, le montant des dépenses est plafonné pour tous les partis et est restreint aux seuls agents officiels des partis, interdisant de fait aux citoyens, aux associations et aux entreprises de contribuer financièrement à la campagne. Les dépenses électorales peuvent également être remboursées par l’État en fonction des résultats obtenus par les différents partis.

Lors des élections de 2018, la publicité constituait l’une des principales dépenses engagées par les partis politiques. D’après un rapport publié par Élections Québec, la CAQ a par exemple consacré plus de 3,2 millions de dollars à ce volet sur un budget total de 6,2 millions de dollars, suivie de près par le Parti libéral du Québec, qui a engagé 3,1 millions de dépenses en publicité.

Si le système actuel offre suffisamment de contrôle des dépenses, selon Julie Saint-Arnaud Drolet, cette dernière affirme qu’Élections Québec « n’hésitera pas à recommander une limite de dépenses préélectorales si la situation l’exige », comme c’est le cas au fédéral.