(Ottawa) Pierre Poilievre se frotte les mains, Jean Charest veut « aller au fond des choses ». Les deux candidats de premier plan de la course à la direction du Parti conservateur réagissent bien différemment à l’annonce-choc de la disqualification de Patrick Brown. Quant au principal intéressé, il fulmine, il accuse le parti de magouillage et il évoque une action en justice.

Le portrait de la course à la chefferie conservatrice vient de changer de façon dramatique à un peu moins de deux mois de l’élection. Patrick Brown désormais hors-jeu, Pierre Poilievre voit un obstacle disparaître du chemin de la victoire qui se dessinait déjà pour lui.

La bombe est tombée tard mardi soir : ayant été informé de « sérieuses allégations d’actes répréhensibles de la campagne de Patrick Brown qui semblent violer les règles régissant les dispositions financières de la Loi électorale du Canada », le Comité organisateur de l’élection du Chef (COEL) l’a disqualifié.

Il n’a pas fallu attendre bien longtemps avant que le camp Poilievre n’enfonce le clou.

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Pierre Poilievre

« Comme toujours, lorsqu’il se fait prendre, Patrick essaie de se transformer en victime, mais en fin de compte, la seule personne responsable de sa disqualification est lui-même », a raillé Anthony Koch, porte-parole de la campagne de Pierre Poilievre, mercredi matin.

De son côté, Jean Charest a signifié son désir d’en savoir davantage sur cette affaire.

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Jean Charest

« Les membres méritent de connaître la vérité […] Nous devons savoir la nature des allégations, comment la campagne de Patrick Brown y a répondu et pourquoi le COEC a entrepris des mesures aussi drastiques. La transparence est primordiale », a écrit une porte-parole de la campagne de l’ex-premier ministre du Québec.

Patrick Brown furieux

Le candidat éjecté a fustigé le verdict des autorités du Parti conservateur, les accusant de favoritisme.

« Clairement, l’establishment du parti voulait Pierre. Je suis choqué qu’ils soient allés aussi loin afin de priver les membres d’une élection démocratique en se fondant sur une plainte anonyme », a-t-il dénoncé sur les ondes de CTV News.

Au micro de CBC, le maire de Brampton a soutenu qu’il étudiait ses options juridiques.

Ce n’est pas la première fois que Patrick Brown est éclaboussé par un scandale.

En janvier 2018, à quelques mois du scrutin ontarien, alors qu’il était chef du Parti progressiste-conservateur de l’Ontario — et en bonne posture pour devenir premier ministre lors de l’élection prévue quelques mois —, il a démissionné dans la foulée d’allégations d’inconduite sexuelle. Il a toujours clamé son innocence.

Quel impact sur la course ?

L’élimination de Patrick Brown fait passer à cinq le nombre de candidats qui se disputent le poste.

En plus de Pierre Poilievre et de Jean Charest, sont en lice Leslyn Lewis, Scott Aitchison et Roman Baber.

La disqualification de Patrick Brown pourrait aider Pierre Poilievre à amasser un nombre suffisant de points pour être couronné dès le premier tour de scrutin, le 10 septembre prochain.

« Les chances de l’emporter de Pierre Poilievre au premier tour viennent de s’améliorer », a écrit l’analyste politique Éric Grenier, observateur aguerri des courses électorales, dans un article de son site web The Writ.

Les jeux ne sont toutefois pas encore faits, croit l’ancienne stratège conservatrice Mélanie Paradis.

« Je ne pense pas que ce soit dans la poche. Il est certain que sans Patrick Brown, ça change la donne, car sa présence sur le bulletin de vote diminuait la possibilité d’un gain au premier tour », expose-t-elle.

Mais d’ici là, le Parti conservateur doit impérativement faire preuve de transparence, insiste celle qui a été la directrice de campagne de l’ancien chef Erin O’Toole.

« Les Canadiens n’ont jamais eu si peu confiance envers nos institutions, la gouvernance, et les médias, alors quand un tel évènement se produit, le parti doit tout faire pour maintenir ce qu’il reste de confiance », dit-elle.

Le président du comité organisateur, Ian Brodie, a signalé mardi que « cette question fait maintenant l’objet d’une enquête approfondie », et qu’il n’émettrait « aucun commentaire additionnel sur cet enjeu ».

L’équipe Charest demeure confiante

En coulisses, dans le camp Charest, on assure ne pas être inquiet.

« Cela ne change rien, puisque nous allons gagner. Nous avons les meilleurs organisateurs sur le terrain du pays et nous sommes sûrs que notre sortie de vote sera menée par notre équipe extrêmement motivée », a-t-on affirmé.

Les campagnes de Leslyn Lewis, Scott Aitchison et Roman Baber n’avaient pas encore réagi à cette bombe au moment de publier ces lignes, mercredi midi.