Les explications exhaustives des autorités pour rassurer les centaines de sinistrés de La Baie n’ont pas suffi à tous les convaincre qu’il sera sûr de regagner leurs maisons, dans deux à quatre mois.

Les visages étaient longs à la sortie du Vieux Théâtre de La Baie mercredi après-midi. Après que le premier ministre du Québec, François Legault, eut annoncé le matin même qu’ils pourraient, à terme, réintégrer leurs maisons, 67 ménages y étaient rencontrés pour qu’on leur explique la suite des choses.

Si la nouvelle était accueillie par certains comme un soulagement, la perspective de regagner la demeure d’où ils ont été évacués représentait un cauchemar pour d’autres.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Jonathan Ouellette

« C’est la pire chose qu’ils pouvaient nous faire », lance Jonathan Ouellette, pour qui se faire indemniser aurait été une bien meilleure option. « C’était le fond de l’héritage de mon fils, cette maison-là, mon fonds de pension. Maintenant, elle ne vaut plus rien. »

Même son de cloche chez Sheldon Samson. Le résidant de la rue de la Terrasse-Bellevue n’a pas été évacué, mais sa conjointe et lui déménageront leurs pénates dans une roulotte non loin de La Baie puisqu’ils ne se sentent plus en sécurité à l’intérieur de leur maison.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Sheldon Sanson, résidant de La Baie

Pour Nathalie Tremblay, c’est plutôt la perspective de devoir habiter loin de chez elle, probablement pour plusieurs mois, le temps que les autorités effectuent des travaux de renforcement, qui l’inquiète.

On a l’hypothèque de la maison à payer, mais j’ai l’impression que c’est à mes frais que je dois me reloger. Chez nous, on a quatre enfants, ça va de 15 à 19 ans. Ce n’est pas facile à bouger, tout ce monde-là.

Nathalie Tremblay, sinistrée de La Baie

Adoucir la pente

Car d’importants travaux d’excavation devront être réalisés dans les prochains mois afin d’adoucir la pente où le glissement a eu lieu à La Baie, a expliqué lors d’un exposé exhaustif aux citoyens le responsable de la section des mouvements de terrain au ministère des Transports, Denis Demers.

L’expert a confirmé du même coup la cause du glissement de terrain qui avait emporté une première maison le 13 juin dernier : les importantes pluies du printemps, de l’ordre de 157 millimètres pour le mois de mai, presque le double de la normale. Couplé à la fonte d’une couche de neige plus épaisse que d’habitude, « c’est ça qui est la cause exacte du déclenchement », a précisé Denis Demers.

Craignant une possible « coulée argileuse », un phénomène très rare, mais possible dans ce cas-ci, selon les données dont disposaient les autorités alors, la Ville de Saguenay a décidé d’évacuer les résidants de 53 maisons supplémentaires dans la nuit de samedi à dimanche dernier. Une première vague d’évacuation avait eu lieu le 13 juin dernier, après l’apparition de fissures en avril.

La question qu’on se pose, c’est : est-ce qu’on coucherait dans ces maisons-là ? C’est pour ça qu’on a mis un très grand périmètre […]. Dans ce cas, des vies étaient en danger.

Denis Demers, ingénieur et responsable de la section des mouvements de terrain au ministère des Transports

« Quand on va avoir fini nos travaux, ça va être très sécuritaire à terme », a-t-il assuré en conclusion en ajoutant qu’il dormirait « sur [ses] deux oreilles » dans n’importe laquelle des demeures qui seront toujours debout.

Indemnisations bonifiées

De passage au Saguenay–Lac-Saint-Jean mercredi pour y rencontrer les sinistrés de La Baie, François Legault a annoncé une bonification de l’indemnisation qui leur sera accordée.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Le premier ministre François Legault a visité La Baie mercredi.

Si la somme maximale remboursée était auparavant de 260 000 $, elle passera maintenant à 385 000 $, soit l’équivalent du coût de reconstruction, a-t-il précisé.

L’indemnisation quotidienne de 20 $ par personne par jour — une somme jugée dérisoire par plusieurs, y compris la mairesse de Saguenay, Julie Dufour — sera aussi doublée, a indiqué le premier ministre. La valeur de leurs meubles, qu’ils n’ont pu récupérer au moment de partir, leur sera aussi remboursée.

Or, les propriétaires de seulement quatre maisons pourront toucher cette somme puisque leurs résidences, situées tout en haut du talus qui s’est effondré, devront être démolies pour de bon.

Legault se veut rassurant

C’est aussi le cas de Charles-David Bergeron Brisson, Érika Simard et leurs cinq enfants, dont la maison a été engloutie par le glissement de terrain du 13 juin dernier. Depuis, ils sont hébergés chez de la famille.

« Ce qu’on regrette le plus, c’est d’avoir perdu la sécurité pour nos enfants. Avant, ils pouvaient jouer dans la cour », a confié le père de famille au premier ministre lors d’une rencontre émotive. « Bravo pour votre résilience, on va être là pour vous », leur a répondu M. Legault.

Quatre autres ménages pourraient aussi avoir droit à l’indemnisation, comme les autorités n’ont toujours pas statué sur le sort de leurs demeures situées sur le pourtour de la zone de l’éboulement.

François Legault s’est voulu rassurant à l’endroit des personnes effrayées à l’idée de réintégrer la zone évacuée. Beaucoup craignent une baisse de la valeur de leurs maisons.

« Ça arrive chaque fois, et il faut être capable de les rassurer avec des scientifiques et des ingénieurs. […] On ne peut pas commencer à dire que tout le monde peut déménager », a déclaré le premier ministre.

En tout, 187 personnes ont dû être évacuées de 76 maisons en raison des risques de glissements de terrain dans un secteur de La Baie.

M. Legault a également pris soin de remercier les autorités responsables des mesures d’urgence, grâce à qui « personne n’a été blessé ». « Ils ont sauvé des vies », a-t-il souligné.

Le député de Jonquière, le péquiste Sylvain Gaudreault, s’est réjoui de la possibilité pour certains sinistrés de retrouver leurs demeures éventuellement, mais il demande à Québec d’aider aussi ceux qui souhaiteraient quitter le secteur pour de bon.