Il se passe quelque chose dans la métropole. Des luttes s’annoncent serrées lors de la prochaine campagne dans des circonscriptions normalement acquises aux libéraux. Sommes-nous sur le point d’assister à la chute de châteaux forts ? État de la situation.

« Tout est possible. » Dominique Anglade le répète tel un mantra. Les plus récents sondages placent pourtant son parti en position difficile, à quelques mois des élections. Mais « plus de 40 % des gens » peuvent changer d’avis, affirme-t-elle. « Tout est possible. »

Quelques jours après le dévoilement de sa plateforme électorale, La Presse a invité la cheffe libérale à livrer le fond de sa pensée sur la stratégie qu’elle met de l’avant pour reconquérir l’électorat. Dans le plus récent sondage Léger, publié dans les médias de Québecor, les libéraux récoltaient 18 % des intentions de vote. Ils sont suivis de près par le Parti conservateur d’Éric Duhaime, à 14 %, de Québec solidaire, à 13 %, et du Parti québécois, à seulement 8 %. Ces résultats sont pour l’instant loin derrière la Coalition avenir Québec (CAQ), à 46 %.

À Montréal, de nouveaux joueurs se mettent de la partie. L’ancien candidat à la mairie Balarama Holness a fondé le Bloc Montréal. Il se présentera dans la circonscription de Notre-Dame-de-Grâce. Un juriste établi en Estrie, Colin Standish, lancera officiellement lundi le Parti canadien du Québec. Ses attaques visent la CAQ, mais aussi les libéraux, qui ont attisé la grogne de certains anglophones avec leurs va-et-vient dans le débat sur le projet de loi 96 sur la langue française.

Photo Philippe Boivin, archives LA PRESSE

Dominique Anglade, cheffe du Parti libéral du Québec

On ne tient rien pour acquis, mais je suis confiante que les gens vont se dire qu’il faut se serrer les coudes lors de la prochaine élection pour envoyer un message clair.

Dominique Anglade, cheffe du Parti libéral du Québec

L’économie et l’inclusion

Dans les derniers jours de la session parlementaire, plus tôt ce mois-ci, la cheffe libérale et son équipe ont attaqué la CAQ sur sa gestion « séparatiste » de l’État. L’arrivée du ténor souverainiste Bernard Drainville dans l’équipe de François Legault a poussé l’opposition officielle à revenir aux débats qui ont longtemps fait son succès, dans l’opposition entre l’indépendance ou le fédéralisme.

Mais le premier ministre a rapidement fermé la porte à la tenue d’un référendum, répétant que son parti était nationaliste, pas souverainiste. En entrevue avec La Presse, les politologues Geneviève Tellier, de l’Université d’Ottawa, et Valérie-Anne Mahéo, de l’Université Laval, ont également rappelé que l’axe qui sépare l’électorat québécois s’ancre progressivement dans une division entre la gauche et la droite, plutôt que sur la question de l’avenir du Québec au sein du Canada.

« Pour le PLQ, qui s’était dans les dernières années vraiment posé comme une alternative [aux souverainistes], sa raison d’être devient moins saillante », affirme Mme Mahéo.

« Ce qui est arrivé au PQ, c’est ce qui arrive maintenant au Parti libéral », ajoute Mme Tellier, citant le déclin de l’appui aux troupes indépendantistes comme un prélude de ce qui pourrait arriver aux libéraux.

Dominique Anglade se retrouve donc à devoir trouver un nouvel enjeu qui permettra à son parti de se démarquer de ses adversaires. Elle fait le pari que le travail qu’elle accomplit sur le terrain avec ses candidats portera ses fruits. Elle veut incarner l’inclusion et l’économie.

« Notre objectif, c’est véritablement de former le prochain gouvernement. Est-ce que le défi est énorme ? Il est énorme ! Est-ce que c’est facile ? Non, ce n’est pas facile. Il n’y a rien qui sera facile », dit-elle.

On veut véritablement être cette alternative à la CAQ.

Dominique Anglade, cheffe du Parti libéral du Québec

Personne n’a dit son dernier mot

Or, la cheffe libérale n’est pas seule à avoir cet objectif et à préparer le champ de bataille à Montréal. La Coalition avenir Québec a récemment annoncé des candidatures, dont celle de l’ex-politicienne municipale Karine Boivin Roy, qui se présente dans Anjou–Louis-Riel. Selon le site de projections Qc125, dirigé par Philippe J. Fournier, la circonscription détenue depuis 1998 par les libéraux pourrait basculer dans le camp caquiste.

Photo Sarah Mongeau-Birkett, archives LA PRESSE

Karine Boivin Roy, candidate pour la CAQ dans Anjou–Louis-Riel

« La CAQ représente bien mes valeurs. Je pense que c’est important d’être dans un véhicule à l’intérieur duquel on sera confortable », affirme Mme Boivin Roy, dont le C.V. a également été envoyé au Parti libéral, mais qui assure n’avoir eu aucun échange avec Dominique Anglade avant de finalement choisir le parti de François Legault.

D’autres châteaux forts libéraux sont aussi menacés, notamment dans la circonscription de Verdun. « C’est libéral, mais on commence à dire que ça pourrait devenir caquiste. Personne, il y a quatre ans, n’aurait même mentionné cette possibilité. C’est une indication qu’il se passe quelque chose », analyse Geneviève Tellier, de l’Université d’Ottawa.

Le chef du Parti conservateur, Éric Duhaime, croit aussi que ses chances d’être concurrentiel à l’extérieur de la région de Québec s’améliorent.

Au départ, honnêtement, on pensait que Montréal était un désert conservateur. Mais je suis obligé de dire que ça a changé dans les dernières semaines. Ce n’est pas un bloc monolithique, Montréal.

Éric Duhaime, chef du Parti conservateur

« Tout ça est lié aux questions linguistiques. Il y a beaucoup de grogne dans la communauté anglophone à Montréal depuis l’adoption de la loi 96. La grogne n’est pas uniquement contre M. Legault. Elle est aussi contre Mme Anglade, à cause de ses changements de cap », ajoute M. Duhaime.

Photo Graham Hughes, archives La Presse Canadienne

Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois

Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, tente aussi sa chance dans la circonscription de Bourget, actuellement détenue par le caquiste Richard Campeau, dans l’est de Montréal. « Montréal fait partie du Québec, et plus que ça, il fait partie du destin national du Québec. C’est très important pour le Parti québécois, compte tenu des enjeux très sensibles à Montréal, notamment sur toute la question de la langue française, que son chef dise : “Moi, ça sera Montréal” », affirme-t-il.

Du côté de Québec solidaire, le parti espère que le vice-président adjoint de la Banque de développement du Canada, Haroun Bouazzi, remportera l’élection dans Maurice-Richard. Avec le départ de l’ex-ministre libérale Marie Montpetit, qui a été exclue du caucus de son parti, les solidaires misent gros sur cette circonscription.

Des circonscriptions à suivre

Anjou–Louis-Riel

Députée sortante : Lise Thériault (PLQ). La députée quitte la vie politique.

En date du 28 mai, le site de projections Qc125 jugeait probable que la CAQ remporte cette circonscription en obtenant 38 % d’appuis, contre 32 % pour le PLQ.

Verdun

Députée sortante : Isabelle Melançon (PLQ)

En date du 28 mai, le site de projections Qc125 jugeait probable que la CAQ remporte cette circonscription en obtenant 30 % d’appuis, contre 24 % pour le PLQ.

Marquette

Député sortant : Enrico Ciccone (PLQ)

En date du 28 mai, le site de projections Qc125 jugeait probable que la CAQ remporte cette circonscription en obtenant 38 % d’appuis, contre 33 % pour le PLQ.

Saint-Henri–Sainte-Anne

Députée sortante : Dominique Anglade (cheffe du PLQ)

En date du 28 mai, le site de projections Qc125 jugeait qu’il s’agissait d’une circonscription « pivot » entre le PLQ, qui pourrait obtenir 29 % d’appuis face à la CAQ (28 %) et QS (25 %).

Maurice-Richard

Députée sortante : Marie Montpetit (ex-ministre libérale, siège désormais comme indépendante)

En date du 28 mai, le site de projections Qc125 jugeait probable que la CAQ remporte cette circonscription en obtenant 32 % d’appuis, contre 27 % pour QS et 21 % pour le PLQ.