(Québec) La Coalition avenir Québec (CAQ) « monétise l’accès à ses ministres » pour garnir son trésor de guerre électoral, accuse le Parti québécois. Cette pratique n’est pas illégale, mais elle devrait le devenir selon lui, car elle place les ministres « en situation de vulnérabilité ».

Le député péquiste Pascal Bérubé a relevé mercredi trois invitations de la CAQ à des évènements en présence des ministres Jean Boulet, Geneviève Guilbault et Benoit Charette. Les personnes intéressées doivent débourser 200 $ dans les deux premiers cas, et 150 $ pour le troisième.

« On va monétiser l’accès à des ministres », a dit le député de Matane-Matapédia lors d’un point de presse, tout en reconnaissant que ces « activités de financement ne sont pas illégales ».

Alors qu’il marchait pour se rendre à la période de questions, mercredi, François Legault a balayé du revers de la main la critique de M. Bérubé. « Ben voyons donc ! Mes ministres, nos ministres, sont très, très, très accessibles et on ne fait rien de différent que les autres partis », a déclaré le premier ministre.

Tout en rappelant que les règles sur le financement politique relèvent du Directeur général des élections, le bureau de la commissaire à l’éthique de l’Assemblée nationale, MAriane Mignolet, rappelle qu’« aucun élu ne devrait donner l’impression à qui que ce soit qu’une personne pourrait avoir un traitement préférentiel parce qu’il fait une contribution politique ».

Faut-il changer la loi ?

Pascal Bérubé croit que la loi sur le financement politique devrait être amendé pour que toute contribution à un parti soit faite sans qu’il existe en contrepartie une offre d’avoir accès à des ministres. Ces derniers se retrouvent dans une position de vulnérabilité à l’heure actuelle, a affirmé le député.

Selon lui, la CAQ cherche à « rattraper le retard » qu’il a accumulé dans son financement politique. Pour cette année, il est quatrième parmi les formations dans les dons amassés, selon les données divulguées par le PQ.

  • Parti conservateur du Québec : 412 498 $
  • Parti québécois : 372 840 $
  • Québec solidaire : 255 616 $
  • Coalition avenir Québec : 254 292 $
  • Parti libéral du Québec : 131 392 $

Les employés appelés à contribuer

La députée conservatrice Claire Samson, qui a été élue en 2018 sous la bannière de la Coalition avenir Québec, avant de quitter le parti, allègue que le gouvernement demande aussi aux employés de ses députés de contribuer aux finances du parti en donnant le montant maximum permis.

« C’est une tactique de la CAQ depuis toujours, de la même façon que les employés des députés de la CAQ sont tenus de donner leur 200 $ au parti, sans quoi ils sont réputés ne pas mériter leur job », a déclaré Mme Samson.

Croisé à l’entrée du Salon bleu, le député caquiste de Nicolet-Bécancour, Donald Martel, a signalé qu’inviter un ministre à participer à une activité de financement dans sa circonscription, « ça peut aider » à la popularité de l’évènement.

D’ailleurs, le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, se rendra dans Nicolet-Bécancour pour un 5 à 7 militant, au début du mois de mai. Le coût est de 125 $ par personne.

M. Martel dit faire des « invitations personnelles » à participer à cet évènement en présence du ministre, car il ne fait pas de « publicité » à ce sujet selon ses explications. « Il va y avoir une heure de présentation [de la part du ministre] et après ça, il va y avoir une heure de questions ouvertes, si les gens ont des questions à poser. Il n’y a pas de rencontres en privé », a affirmé l’adjoint parlementaire du premier ministre et le membre du Bureau de l’Assemblée nationale – le conseil d’administration du parlement formé d’élus de tous les partis. Il ne voit aucun problème dans cette pratique.

Par ailleurs, le député a indiqué qu’il s’attend à ce que son personnel contribue à la caisse du parti, même si « ce n’est pas une obligation ou une condition d’embauche ». « C’est sûr que je les sollicite », a-t-il lancé.

Pour lui, « c’est évident » que ses employés acceptent de faire un don. « On veut être réélu et si je suis réélu, ils vont encore avoir un emploi. Donc, c’est un travail d’équipe », a-t-il dit tout en précisant que les employés ne se font pas rembourser leur contribution.

Au pouvoir entre 2012 et 2014, le PQ a modifié la loi sur le financement politique pour abaisser le don maximal permis, mais sans s’attaquer à l’enjeu soulevé par Pascal Bérubé. Lorsqu’on lui rappelle ce fait, le député réplique que l’on devrait maintenant être plus sévère.

« C’est une excellente loi qui a été présentée par le Parti québécois et c’est une loi qui répond aux enjeux qui ont été soulevés par la commission Charbonneau. L’idée, c’est de se protéger contre la corruption, contre l’influence indue. Je pense que [la loi] répond à ça », a pour sa part déclaré la présidente du Conseil du trésor Sonia LeBel.

À la suite de la sortie du PQ, le gouvernement Legault a fait circuler un article de journal datant de 2013 et intitulé « Le ministre Bérubé au cocktail du PQ ». M. Bérubé « sera le conférencier invité » à cette activité de financement de l’association péquiste de Saint-Jean, dont le coût de participation est de 100 $, peut-on lire.