(Ottawa) Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, aura attendu au dernier jour du délai prescrit par la législation pour créer la Commission sur l’état d’urgence. Elle étudiera les circonstances entourant le recours historique à la Loi sur les mesures d’urgence pour mettre fin au convoi de camions à Ottawa et aux blocages de postes frontaliers l’hiver dernier. Pendant ce temps, un nouveau convoi – de motocyclettes, cette fois – est attendu dans la capitale fédérale dès vendredi.

Cette enquête publique indépendante sera présidée par le juge ontarien Paul Rouleau, qui hérite d’un mandat étendu. « Il aura un large accès [aux documents], y compris aux documents classifiés », a promis le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, en point de presse. « Notre intention est de collaborer avec lui afin qu’il ait un dossier complet pour qu’il puisse faire son travail. »

Le juge Rouleau, qui siégeait jusqu’à tout récemment à la Cour d’appel de l’Ontario, devra examiner l’évolution du convoi et des blocages, les objectifs de ses organisateurs et de ses participants, l’incidence du financement intérieur et étranger récolté par l’entremise des plateformes de sociofinancement, le rôle et les sources de désinformation qui ont alimenté ces manifestations, les effets économiques des blocages, de même que les interventions des forces policières avant et après la déclaration de l’état d’urgence.

« Conscient des délais serrés qu’impose la Loi sur les mesures d’urgence en ce qui a trait à la production de rapports, je suis déterminé à faire en sorte que le processus soit aussi ouvert et transparent que possible », a-t-il déclaré par communiqué.

Son rapport final devra être déposé à la Chambre des communes et au Sénat au plus tard le 20 février 2023, soit un an jour pour jour après que la police d’Ottawa a repris le contrôle du centre-ville paralysé durant trois semaines. Le recours à la Loi sur les mesures d’urgence avait été révoqué trois jours plus tard.

Critiques et appuis

« Il est clair que le gouvernement veut mettre l’accent sur les gestes posés par les manifestants, et c’est une façon de passer à côté de la question », a déploré Abby Deshman, l’une des avocates de l’Association canadienne des libertés civiles. Selon elle, la démonstration d’une menace réelle à la sécurité nationale n’a jamais été faite.

Le Parti conservateur estime que le gouvernement manque de transparence en ne donnant pas accès immédiatement aux documents sur lesquels il s’est appuyé pour justifier le recours à l’état d’urgence. Le Bloc québécois voit plutôt la création de cette enquête publique et indépendante comme « un pas dans la bonne direction ». Les deux partis étaient contre le recours à la Loi sur les mesures d’urgence pour mettre fin aux manifestations.

Le Nouveau Parti démocratique était d’accord avec le gouvernement. Il espère que l’enquête permettra de comprendre l’échec des trois ordres de gouvernement – municipal, provincial et fédéral – à mettre fin aux manifestations sans invoquer l’état d’urgence.

Un comité parlementaire mixte composé de députés et de sénateurs a également été créé pour réviser le recours à cette législation. M. Mendicino et le ministre de la Justice, David Lametti, doivent d’ailleurs témoigner mardi soir.

Contrairement au juge Rouleau, qui examinera pour quelles raisons le gouvernement a cru bon de se doter de pouvoirs extraordinaires, le comité parlementaire se penchera plutôt sur la façon dont ces pouvoirs ont été utilisés.

Mise en garde de la police d’Ottawa

Des centaines de motocyclistes sont attendus dans la capitale fédérale vendredi et samedi, mais la police d’Ottawa a déjà indiqué qu’ils n’allaient pas être les bienvenus au centre-ville. Le convoi Rolling Thunder Ottawa prévoit faire une boucle près du parlement avec un arrêt prévu au Monument commémoratif de guerre du Canada.

Depuis que les poids lourds du « convoi de la liberté » avaient élu domicile en janvier et en février au centre-ville d’Ottawa, les véhicules ne sont plus permis rue Wellington. Les participants pourront manifester, mais sans véhicule.

Le chef intérimaire du Service de police d’Ottawa, Steve Bell, a indiqué lundi après-midi qu’il avait déjà fait appel à la Police provinciale de l’Ontario et à la Gendarmerie royale du Canada pour avoir suffisamment d’agents durant le week-end.

Avec La Presse Canadienne