(Québec) Empêtrés dans une controverse pour avoir fait adopter un amendement à la réforme de la loi 101 qui obligerait les élèves anglophones à suivre trois cours enseignés en français afin d’obtenir leur diplôme d’études collégiales (DEC), les libéraux ont échoué jeudi à faire adopter un compromis qui leur aurait servi de sortie de crise.

Concrètement, le Parti libéral a déposé mercredi un nouvel amendement au projet de loi 96 qui permettrait aux ayants droit (c’est-à-dire aux élèves des cégeps anglophones qui ont fait leurs études primaires et secondaires en anglais) de suivre trois cours d’enseignement du français, qui s’ajouteraient aux cours de français langue seconde, plutôt que trois cours de leur formation collégiale en français. La Fédération des cégeps avait déjà prévenu il y a quelques jours que l’amendement initial proposé par l’opposition officielle risquait de mener plusieurs élèves à l’échec.

En commission parlementaire, jeudi, le ministre responsable de la Langue française, Simon Jolin-Barrette, a demandé que le vote sur le nouvel amendement libéral soit reporté, le temps de mener des vérifications. Cette demande, qui exigeait un appui unanime des groupes parlementaires, a été rejetée. Les députés du gouvernement ont par la suite voté contre l’amendement. Le Parti québécois et Québec solidaire se sont abstenus de voter.

Ce revirement de situation, puisque le gouvernement a collaboré avec les libéraux dans la rédaction de leur nouvel amendement, fait en sorte que le projet de loi n’est pas modifié. Pour l’instant, à moins qu’un groupe de l’opposition ou que le ministre Jolin-Barrette dépose un nouvel amendement d’ici à la fin de l’étude détaillée, les élèves devront sans exception suivre trois cours enseignés en français dans les cégeps anglophones une fois le projet de loi 96 adopté.

« Le ministre a voté en commission parlementaire contre un amendement sur lequel il a lui-même travaillé. Il a placé ses intérêts partisans devant l’intérêt des élèves et leur succès scolaire. […] C’est malheureux », a déploré le leader parlementaire du Parti libéral, André Fortin. L’opposition officielle reviendra à la charge afin de modifier le projet de loi d’ici à son adoption, a-t-il promis.

Une controverse qui fait des remous

Pour les libéraux, cette controverse au sujet de leur initiative à l’étude du projet de loi 96 crée bien des remous, au sein de leur caucus tout comme auprès de la base électorale anglophone. En mêlée de presse, au début du mois d’avril, la cheffe du Parti libéral, Dominique Anglade, a affirmé qu’elle réalise « à quel point [cette mesure] n’est pas applicable ». Elle a ensuite reconnu que son parti n’avait pas consulté les groupes anglophones avant de proposer que les anglophones suivent trois cours enseignés en français au cégep.

Colin Standish, juriste dans un cabinet d’avocats à Sherbrooke et militant au sein du Comité exploratoire des options politiques, a pour sa part affirmé il y a quelques jours que les politiques « incohérentes » proposées par les libéraux donnent des munitions à ceux qui estiment qu’un nouveau parti défendant les droits des minorités et des anglophones doit être fondé au Québec.

« Je ne comprends pas c’est quoi, l’orientation du Parti libéral, dans ce dossier-là. On voit ce qui arrive quand on tente de plaire à tout le monde, on réussit à plaire à personne », a dit jeudi le député caquiste Christopher Skeete, adjoint parlementaire du premier ministre pour les relations avec les Québécois d’expression anglaise.