(Québec) L’intérêt de l’enfant devra toujours primer sur toute autre considération, incluant celui de ses parents, en vertu de la loi 15 adoptée à l’unanimité jeudi à l’Assemblée nationale.

La loi 15, pilotée par le ministre Lionel Carmant, présente une réforme depuis longtemps attendue des services de protection de la jeunesse (DPJ), devenue essentielle à la suite du décès de la fillette de Granby, enfant martyre morte en 2019 à la suite de mauvais traitements, malgré le fait qu’elle était connue de la DPJ.

Le maintien à tout prix d’un enfant dans sa famille biologique, même s’il est maltraité ou négligé, ne sera donc plus la priorité absolue des autorités, en vertu de la nouvelle loi, qui vient modifier l’approche législative en ce domaine.

La stabilité à offrir à l’enfant le plus tôt possible quand on identifie un problème devient la priorité gouvernementale, mettant une sourdine au principe de la primauté parentale, inscrit dans l’ancienne loi, lors de décisions à prendre, qu’il s’agisse des intervenants, travailleurs sociaux ou des juges appelés à trancher sur le sort à réserver aux enfants négligés, agressés ou maltraités.

La primauté de l’intérêt de l’enfant apparaît dans le préambule de la nouvelle loi.

Trop souvent, ceux qu’on appelle les enfants de la DPJ sont tenus de faire de constants allers-retours entre leur famille biologique et une ou différentes familles d’accueil. Cette instabilité peut laisser des traces, de trop nombreux déplacements n’étant pas de nature à favoriser des liens de confiance et d’attachement entre l’enfant et les adultes qui s’occupent de lui.

Auparavant, la loi stipulait que toute décision devait « tendre à maintenir l’enfant dans son milieu familial ».

Le but de Québec consiste donc à offrir à ces enfants un milieu de vie permanent et stable, même si c’est à l’extérieur du cadre familial.

Mais malgré ce nouvel encadrement législatif, la situation, dans son ensemble, est loin d’être réglée, quand on sait que le nombre de signalements ne cesse d’augmenter et qu’on observe une importante pénurie d’intervenants prêts à œuvrer à la DPJ.

La loi 15 donne suite à l’essentiel des recommandations formulées dans le rapport rédigé par la Commission Laurent, qui était chargée de conseiller le gouvernement sur les orientations à donner au nouvel encadrement législatif. Elle était présidée par Régine Laurent, ex-présidente du syndicat des infirmières, la FIQ.

La loi vient aussi assouplir les règles de confidentialité. Le partage de renseignements personnels sur l’enfant entre les divers intervenants sera désormais autorisé. « Ce changement, pour moi, était non négociable. Trop de familles ont été brisées en raison de cette notion. Je n’en veux plus », a commenté le ministre Carmant, dans ses remarques de clôture précédant le vote final.

Si un enfant vit une situation de violence dans son foyer, ce fait devra également être pris en compte dans la décision prise à son sujet. « Des actions devront être posées immédiatement », si on découvre pareille chose, a dit le ministre. Une formation sera d’ailleurs offerte à tous les intervenants, afin qu’ils soient en mesure de détecter l’exposition de l’enfant à la violence parentale.

Les jeunes placés en famille d’accueil pendant plusieurs années seront aussi mieux outillés à l’approche de l’âge adulte. De 18 à 25 ans, on les informera des services gouvernementaux auxquels ils auront droit. Actuellement, ils sont laissés à eux-mêmes.

Chaque enfant qui se retrouvera en cour aura droit d’être représenté par un avocat.

Québec crée officiellement le poste de directeur national de la protection de la jeunesse. Depuis mars 2021, la fonction est occupée par Catherine Lemay.

Dans les rangs de l’opposition, on a applaudi et salué le travail du ministre. La porte-parole libérale, Kathleen Weil, a qualifié la loi de « pas de géant » en faveur d’une meilleure protection de l’enfant vulnérable.

La porte-parole péquiste, Véronique Hivon, a salué le fait que l’État devrait dorénavant non seulement viser, mais « assurer » une meilleure stabilité aux enfants de la DPJ et prévoir pour eux une transition plus facile à l’âge adulte.

Cependant, parmi les bémols exprimés par l’opposition, il y a le peu d’écoute du gouvernement apportée aux revendications des nations autochtones, qui souhaitaient obtenir plus d’autonomie en ce domaine.