(Québec) Les déclarations du ministre Pierre Dufour sur la responsabilité des Innus dans le déclin du caribou forestier ont déçu des chefs autochtones, a reconnu le gouvernement Legault, et elles ont été durement critiquées par les partis d’oppositions.

« Si ce n’était pas de la représentation régionale, Pierre Dufour ne serait pas ministre », a dénoncé le péquiste Pascal Bérubé jeudi en point de presse.

« Quand le ministre dit qu’il y a eu de l’abattage par les Innus d’un certain nombre de caribous, je veux dire, ce n’est pas du nouveau, là, ça fait partie des droits historiques. L’enjeu, c’est le leadership qu’on fait pour s’assurer que les hardes de caribous puissent continuer à croître, à se maintenir, à vivre, à faire partie de la diversité culturelle », a expliqué le député de Matane-Matapédia, qui s’inquiète également de la survie du caribou montagnard de la Gaspésie.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Pascal Bérubé

La veille, le ministre de la Forêt, de la Faune et des Parcs Pierre Dufour a montré du doigt une communauté innue pour expliquer le déclin du caribou forestier. « J’ai eu l’autre jour une communauté autochtone dans l’est de la province qui est allée détruire pas loin de 10 % d’un cheptel qui avait 500 caribous forestiers environ. […] Si tu as une communauté qui s’en va, sous le prétexte de sa bienfaisance, d’aller tuer des caribous dans un cheptel menacé et vulnérable, eux non plus n’aident pas la situation », avait-il dit en mêlée de presse.

Les AK-47 de Legault

M. Bérubé estime que cette déclaration est inutile. « Quand il dit ça, c’est comme quand le premier ministre, dans un dossier sensible sur le blocage ferroviaire, a dit : "Puis en passant, ils ont des AK-47". Pour moi, ça concourt exactement dans le même style d’intervention. Ce n’est pas nécessaire, ça braque indument les nations autochtones », a-t-il expliqué.

À son avis, le ministre délégué aux Affaires autochtones Ian Lafrenière, un « chic type » et un « gars attentionné », a dû « être découragé d’entendre ça hier ».

De son côté, la députée de Québec solidaire Manon Massé a également dénoncé la sortie du ministre Dufour qui, « peinturé dans le coin par son inaction », essaie de s’en sortir en disant que « c’est la faute des Innus ».

Recadrer le message

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Ian Lafrenière

Le ministre Ian Lafrenière a de son côté reconnu que la sortie de M. Dufour lui a valu de nombreux appels de Chefs mécontents, qui lui ont fait part de leur « déception d’être visés ». « Ils ne comprenaient pas pourquoi ils étaient visés pour cette perte du cheptel, et par la suite, on s’est compris », a-t-il expliqué.

Il a rencontré son collègue Dufour et ils ont convenu d’un nouveau message : « On est complètement d’accord tous les deux qu’il faut travailler ensemble, les forestières, l’industrie, les villégiateurs et les membres des Premières Nations ». « On a tous un rôle à jouer pour la préservation du caribou », a dit M. Lafrenière.

De son côté, le ministre Dufour est passé en coup de vent devant les journalistes et s’est borné à dire que « c’est collectivement qu’on va finir par être capable de régler ce problème-là. Les forestières, le gouvernement, les communautés, tout le monde ensemble ».

Sur le fond, toutefois, le gouvernement Legault n’entend pas mettre de l’avant un plan concret pour préserver l’espèce menacée, même s’il ne resterait que 5250 caribous forestiers au Québec. Il attend les recommandations de la Commission indépendante sur les caribous forestiers et montagnards, qui vient de débuter ses travaux.

Un tempo beaucoup trop lent au goût du ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, qui a lancé un ultimatum à Québec : sans nouvelles mesures communiquées « d’ici le 20 avril », il en imposera de son côté par décret.