(Québec) Les ministres Marguerite Blais et Danielle McCann doivent démissionner parce qu’elles ont « menti » sur la chronologie de la tragédie du CHSLD Herron, disent le PQ et le PLQ, alors que François Legault rejette la responsabilité sur le CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal, qui avait « pris en charge » la situation.

« Ce sont des gens qui nous ont menti. Ils nous ont dit : ‟Ah, on n’était pas au courant, je ne me souviens pas”, alors que l’information circulait », a dénoncé la cheffe libérale Dominique Anglade mardi matin. « Les ministres qui sont au courant, qui ont menti, tous ceux qui ont menti dans cette histoire-là n’ont pas d’affaire à être dans un gouvernement », a-t-elle ajouté.

Le péquiste Pascal Bérubé est aussi passé à l’attaque. « Allons droit au but, quelqu’un a menti. Deux ministres étaient informées de ce qui se passait à Herron 10 jours avant. Imaginez l’impact si on avait agi rapidement sur ce qui s’est passé à Herron. Pendant 10 jours, ils se sont assis sur ces informations. […] Je ne sais pas si quelqu’un fait ses boîtes aujourd’hui, mais j’invite des personnes à la réflexion », a-t-il affirmé.

Les élus réagissaient aux révélations de Radio-Canada, selon lesquelles Mme Blais et Mme McCann ont reçu un courriel le 30 mars 2020 leur apprenant qu’il ne restait « presque plus de personnel » pour soigner les 154 résidants du CHSLD Herron, alors que la version officielle veut plutôt qu’elles aient appris l’existence de ce drame en lisant le quotidien The Gazette le 10 avril 2020.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Marguerite Blais

Ce courriel a été déposé en preuve lors de l’enquête publique de la coroner Géhane Kamel.

François Legault s’est porté à la défense de ses ministres en mêlée de presse, mardi. « Ce qu’on sait, c’est que dans le courriel, on disait ‟le CIUSSS s’en occupe”. Moi, je ne me rappelle pas d’avoir été au courant de ça, mais je peux très bien comprendre que Mme McCann et Mme Blais, quand elles ont vu le courriel qui disait que le CIUSSS prend en charge la citation à Herron, que ça les a satisfaits », a-t-il dit.

Un courriel au ton « rassurant »

Le premier ministre estime que le ton du courriel était « rassurant ». La ministre Marguerite Blais a tenu des propos similaires en mêlée de presse mardi, affirmant elle aussi avoir « été rassurée » à la lecture du courriel daté du 29 mars 2020. « C’est quand même le CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île de Montréal », a-t-elle lancé.

La ministre Blais a par ailleurs confirmé le fait qu’elle n’avait pas fait remonter l’information au bureau du premier ministre.

Le courriel fait état d’une « situation très préoccupante pour le CHSLD Herron [dans] l’ouest de Montréal » alors que des employés ont été en contact avec un usager positif à la COVID-19. « Le résultat est qu’il n’y a presque plus de personnel pour prendre soin des 154 résidants. Le CIUSSS a pris le relais pour donner les services. C’est très problématique », écrit la sous-ministre adjointe, Nathalie Rosebush.

Plus loin, il est indiqué : « C’est un CHSLD privé non conventionné. Le CIUSSS va prendre en charge le CHSLD pour donner les services, le temps de ramener la situation et de former le personnel. » Le courriel est adressé à la cheffe de cabinet de Mme Blais, Pascale Fréchette. Celle-ci envoie ensuite la correspondance directement à Marguerite Blais et son attachée de presse.

La série de courriels déposée à la coroner démontre par ailleurs que l’ex-ministre de la Santé Danielle McCann a reçu un état de situation sur le CHSLD Herron plus tôt le 30 mars 2020.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Danielle McCann

« Il n’y a rien de neuf par rapport à ce qu’on ait lu ce matin », a martelé la ministre Blais. Elle maintient la version selon laquelle elle a pris connaissance de « l’ampleur de la difficulté » au CHSLD Herron dans le journal, faisant référence aux révélations du quotidien The Gazette, le 10 avril.

Je peux vous dire que mon cabinet, mon bureau, on a fait le travail. […] Je n’ai pas honte du travail que j’ai fait.

Marguerite Blais, ministre responsable des Aînés et des Proches aidants

L’ex-ministre de la Santé Danielle McCann a pour sa part invité les journalistes à se « référer » à son témoignage devant la coroner. « Vous avec juste à écouter, à regarder le témoignage et vous allez avoir toute l’information », a-t-elle brièvement indiqué en mêlée de presse.

Les ministres McCann et Blais ont toutes deux été entendues lors de l’enquête publique.

Une nouvelle controverse

C’est une nouvelle révélation qui place le gouvernement Legault sur la défensive au sujet de sa gestion de la pandémie dans les CHSLD lors de la première vague.

La semaine dernière, le livre 5060 des journalistes de La Presse Katia Gagnon, Ariane Lacoursière et Gabrielle Duchaine a révélé des entrevues inédites de Marguerite Blais et de sa cheffe de cabinet, Pascale Fréchette, qui entrent en contradiction avec le récit de la ministre lors de l’enquête publique.

On apprend notamment que les deux femmes « ont hurlé » dans la cellule de crise pour faire cesser les transferts en CHSLD, au printemps 2020.

Le premier ministre, qui était en isolement préventif la semaine dernière, a réagi publiquement sur le sujet mardi : « Autour de la table, c’est venu, ces préoccupations-là, effectivement, il y a des problèmes dans les CHSLD, mais il y a aussi des problèmes qui s’en viennent énormes dans les hôpitaux », a-t-il déclaré.

« L’équipe qui était autour de la table a jugé, à l’époque, avec les informations qu’il y avait, et c’est facile après de dire comme Boston et comme New York, que Montréal n’a pas mis assez d’emphase sur les CHSLD […], mais à l’époque, la grande inquiétude, c’était le nombre de lits, et on avait même à l’époque le problème des ventilateurs », a ajouté M. Legault.