(Ottawa) Un jour de profonde tristesse, mais aussi de détermination. C’est en ces mots que la vice-première ministre, Chrystia Freeland, a réagi à l’intervention policière à Ottawa, vendredi. Même si l’opération ne sera pas bouclée de sitôt, d’après des experts, les députés reprendront dès ce samedi le débat entourant la Loi sur les mesures d’urgence.

« Ce n’est pas une journée où nous tirons quelque satisfaction que ce soit, a-t-elle affirmé. Pour moi, c’est une journée de profonde tristesse, et aussi de détermination. Tristesse parce que c’est douloureux de savoir que ça se produit au Canada […], mais c’est aussi une journée de détermination où tous les membres de notre gouvernement sont résolus. »

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Chrystia Freeland, vice-première ministre et ministre des Finances

« Une démocratie libérale doit être prête à se défendre, et c’est ce qui est en train de se produire au Canada et c’est ce qui est arrivé avec l’invocation de la Loi sur les mesures d’urgence, a-t-elle ajouté. Toute personne qui tente de mettre en danger nos institutions démocratiques et notre économie doit savoir que nous sommes très fermes et très clairs sur notre devoir envers les Canadiens de défendre notre pays. »

Quatre ministres ont tenu une conférence de presse vendredi après-midi pour défendre le recours à cette loi, vivement critiquée par le Parti conservateur et le Bloc québécois. Le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, a répété qu’elle leur avait permis de donner des outils supplémentaires aux policiers.

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Marco Mendicino, ministre de la Sécurité publique

De son côté, le ministre de la Justice, David Lametti, a insisté sur le fait que l’état d’urgence sera temporaire. La législation prévoit une durée de 30 jours pouvant être renouvelée par le Parlement, mais il espère pouvoir le révoquer dès que le gouvernement estimera qu’il n’est plus nécessaire.

Le débat interrompu reprend

Le deuxième jour de débats pour confirmer ou révoquer l’état d’urgence n’a pas eu lieu vendredi aux Communes en raison de l’opération policière. Mais les députés reprendront le collier ce samedi, selon ce qu’a indiqué en fin de soirée le leader parlementaire du gouvernement en Chambre, Mark Holland.

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Candice Bergen, cheffe intérimaire du Parti conservateur du Canada

Au Parti conservateur, on avait manifesté le souhait de recommencer à en découdre avec le gouvernement.

« Les députés doivent retourner à la Chambre demain [samedi] pour mettre fin à l’ingérence libérale et rétablir l’unité, l’intégrité et l’espoir dans notre pays », avait déclaré sur Twitter la cheffe intérimaire du Parti conservateur, Candice Bergen, se disant « troublée et attristée » par ce qui s’est joué vendredi à Ottawa.

Il faudra « être patients »

Le centre-ville normalement tranquille ne retrouvera pas sa quiétude demain matin, croient des spécialistes.

« Il faut être patients. Il faut défaire une formation qui s’est enracinée pendant trois semaines. Il faut prendre le temps de défaire le casse-tête, morceau par morceau », résume Christian Dubois, ex-officier supérieur de la Gendarmerie royale du Canada.

Ne serait-ce qu’en raison de la présence soupçonnée d’enfants dans le « convoi », il faut manœuvrer avec une extrême prudence.

Lorsque des enfants sont impliqués, il faut prendre notre temps. Si j’étais commandant d’incident, comme je l’étais à l’époque, ce serait ma plus grande préoccupation.

Christian Dubois, ex-officier supérieur de la Gendarmerie royale du Canada

Jusqu’à présent, les policiers naviguent de manière « très méthodique » en « occupant le terrain peu à peu », analyse Joao Velloso, professeur de droit à l’Université d’Ottawa, qui s’intéresse à l’application de la loi lors de manifestations.

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Remorquage de véhicules de manifestants à Ottawa, vendredi

« C’est long, c’est plate, c’est très coûteux, mais il faut ce qu’il faut », lance-t-il.

Il ne voit pas les rues de la capitale se vider avant plusieurs jours. Selon lui, les policiers auront tout un défi à relever lorsqu’ils s’aventureront dans les rues où les camions sont cordés — d’autant qu’à certains endroits, ils sont placés en « position d’attaque » et qu’un véhicule lourd « peut être utilisé comme arme ».

Le chef par intérim du Service de police d’Ottawa, Steve Bell, a affirmé vendredi, en conférence de presse, que les forces policières seraient à l’œuvre 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et qu’ils resteraient aussi longtemps qu’il le faudrait pour dégager les rues d’Ottawa.