(Québec) Des parents des quatre coins du Québec qui n’arrivent pas à trouver une place pour leur enfant en garderie demandent au gouvernement Legault d’accorder une aide financière aux familles qui en ont besoin jusqu’à ce qu’il ait créé les 37 000 places promises dans le réseau d’ici 2025.

Le mouvement Ma place au travail fait circuler depuis quelques jours une lettre destinée au ministre des Finances, Eric Girard, et au ministre du Travail, Jean Boulet, leur demandant de reconnaître « la détresse des parents touchés par la pénurie » de places en services éducatifs à l’enfance. Le 19 mars prochain, « les poussettes débarquent à l’Assemblée nationale », promettent les signataires, une manifestation pour « affronter cette crise en étant moins seuls ».

« Bien que la pénurie […] touche les enfants de tous âges, les places les plus rares sont celles pour les poupons, soit les bébés de moins de 18 mois. Entre la fin des prestations du congé parental et les 18 mois de l’enfant, il y a un énorme gouffre dans lequel les parents sombrent. Une aide d’urgence se révèle donc essentielle pour affronter cette période critique », peut-on lire dans la lettre qui circule auprès de parents.

« Les parents touchés par la pénurie sont plongés dans une instabilité financière et des situations de vulnérabilités sociales engendrées par cette situation hors de leur contrôle. Certains sollicitent l’aide de leurs proches, alors que d’autres tentent tant bien que mal d’ajuster leurs horaires de travail. Les moins chanceux d’entre nous abandonnent ou perdent carrément leur emploi », déplore-t-on.

De la détresse dans les familles

La porte-parole du mouvement Ma place au travail, Myriam Lapointe Gagnon, relaie plus que jamais ces jours-ci la détresse des parents qui n’arrivent pas à trouver une place pour leur enfant en garderie. Elle a elle-même appris il y a quelques jours que la garderie en milieu familial de son fils allait fermer ses portes.

« Ce milieu est porté à bout de bras par une éducatrice de cœur, une femme forte, sensible et dévouée qui n’en peut tout simplement plus. Une femme qui s’endette à travailler. Une femme à qui on demande de porter le sort de six familles sur ses épaules », raconte-t-elle dans une publication sur Facebook.

Quand j’en parle, ma voix tremble. Quand j’y pense, mon cœur tremble. Surtout quand je pense à ce que mon enfant perd et qui va bien au-delà des répercussions financières et professionnelles sur notre famille. Mon enfant perd une figure d’attachement stable et aimante à qui il a confié son cœur après une intégration lente et émotive.

Myriam Lapointe Gagnon, porte-parole du mouvement Ma place au travail, dans une publication sur Facebook

En entrevue avec La Presse, Mme Lapointe Gagnon ajoute que son histoire « est une parmi tant d’autres » et que la situation se dégrade sur le terrain, bien que le gouvernement ait déposé le projet de loi 1 pour « pour compléter et moderniser le réseau des services de garde éducatifs à l’enfance ». Ce « grand chantier » inclut entre autres un investissement d’« au moins 3 milliards de dollars, dont 1,8 milliard en nouvelles mesures d’ici 2024-2025 », ainsi que l’engagement « à ce que chaque enfant puisse avoir une place » lorsque le réseau sera complété.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Mathieu Lacombe, ministre de la Famille

« Notre mouvement prend de l’ampleur », prévient Myriam Lapointe Gagnon, qui a l’impression que Québec n’apporte pas de solutions immédiates aux parents qui ne trouvent pas de place dans le réseau. Elle demande au ministre Mathieu Lacombe de doter son projet de loi d’une obligation de résultat.

Les oppositions mobilisées

À quelques mois des élections, les partis de l’opposition sont également plus mobilisés que jamais sur l’enjeu du manque de places dans les garderies.

« Je sens beaucoup de grogne [sur le terrain], parce que tout ce qui a été annoncé en création de places, c’est pour des gens qui n’ont pas encore de projet de grossesse, alors que les parents qui sont dans le trouble actuellement n’ont pas de réponses », affirme la députée Christine Labrie, de Québec solidaire.

« Le sentiment que j’ai, c’est que c’est le combat d’une génération. Ces parents-là n’acceptent pas l’inaction et la désinvolture du gouvernement. […] Ce n’est pas en disant qu’il y aura de la place d’ici trois ans qu’on répond aux besoins des parents en ce moment », ajoute Véronique Hivon, du Parti québécois.

« Le gouvernement fait des annonces de créations de nouvelles places, mais elles sont vides parce que la pénurie de main-d’œuvre est trop importante et qu’on n’a pas assez d’éducatrices pour ouvrir toutes ces places », poursuit la députée libérale Jennifer Maccarone.

Mathieu Lacombe a annoncé plus tôt ce mois-ci la création de 14 000 nouvelles places dans le réseau d’ici deux ans, faisant en sorte que 34 000 des 37 000 places promises sont en cours de réalisation. Le gouvernement estime qu’il aura besoin de 18 000 nouvelles éducatrices pour répondre aux besoins des garderies. Le ministre de la Famille a assuré que les augmentations de salaire allant jusqu’à 18 % dans les dernières conventions collectives allaient attirer un nombre suffisant de professionnelles dans le réseau.