(Ottawa) Le premier ministre Justin Trudeau n’envisage pas d’utiliser les Forces armées canadiennes pour mettre fin à la manifestation qui paralyse le centre-ville d’Ottawa depuis une semaine, sans toutefois fermer la porte catégoriquement. Le chef de la police municipale avait indiqué la veille que la solution à la crise ne viendrait peut-être pas seulement des forces policières.

« Pour l’instant, ce n’est pas quelque chose qu’on est en train de regarder, envoyer les Forces armées contre les citoyens canadiens », a répondu M. Trudeau aux questions des journalistes. Il s’agit du même principe qu’il avait appliqué lors des manifestations des Wet’suwet’en qui avaient bloqué des chemins de fer il y a deux ans. Il a ajouté n’avoir reçu aucune demande du gouvernement de l’Ontario en ce sens pour l’instant, mais qu’il allait « évaluer toute requête ».

« Il faut être très, très prudents avant de déployer l’armée dans une situation où des Canadiens sont impliqués », a-t-il ajouté.

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Justin Trudeau, premier ministre du Canada

Il est temps que ces gens rentrent et, en tant que gouvernement, nous allons être là pour répondre à des demandes formelles de la Ville d’Ottawa ou bien de la province si elles ont besoin de plus de ressources, mais nous savons que les forces policières doivent faire leur job pour régler cette situation.

Justin Trudeau, premier ministre du Canada

Il n’a pas l’intention de se plier aux demandes des manifestants en retirant l’obligation d’être vacciné pour prendre le train, l’avion ou pour les fonctionnaires fédéraux.

Jeudi soir, le gouvernement fédéral a accepté une demande de la Ville d’Ottawa pour obtenir l’aide de la Gendarmerie royale du Canada qui lui fournira « tous les agents supplémentaires demandés », a fait savoir le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, sans préciser leur nombre.

Septième journée de suite

Les klaxons ont continué de résonner au centre-ville d’Ottawa pour la septième journée de suite jeudi. Des camions sont toujours garés rue Wellington devant le parlement et dans des rues avoisinantes.

Dans un avis média annonçant une conférence de presse jeudi après-midi, les organisateurs du « convoi de la liberté » reconnaissent maintenant qu’ils occupent le centre-ville.

« Notre mouvement a pris de l’ampleur au Canada et partout dans le monde parce que les gens en ont assez de l’obligation vaccinale et des restrictions qui font plus de mal que de bien », a affirmé l’une des organisatrices du convoi, Tamara Lich, lors de cette conférence de presse.

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Tamara Lich, organisatrice du convoi, en conférence de presse jeudi

Nous n’avons aucune intention de rester plus longtemps que nécessaire.

Tamara Lich, organisatrice du convoi

Mme Lich a de nouveau appelé le premier ministre Trudeau à lever toutes les restrictions. De nombreuses personnes à l’intérieur de la pièce où se déroulait l’évènement ne portaient pas de masque même s’il est obligatoire en Ontario.

Les organisateurs ont demandé à la plateforme GoFundMe de lever la suspension de leur collecte de fonds. Ils ont réussi à amasser près de 10,1 millions de dollars depuis le 14 janvier. La conférence de presse s’est terminée abruptement après environ 15 minutes lorsqu’un journaliste leur a demandé ce qu’ils avaient à répondre aux habitants d’Ottawa excédés. Les organisateurs soutiennent avoir l’appui de centaines de résidants d’Ottawa qui les ont hébergés et leur ont fourni de la nourriture.

À la demande du Nouveau Parti démocratique, un comité de la Chambre des communes veut maintenant faire témoigner des représentants de GoFundMe pour savoir comment l’entreprise empêche l’utilisation de l’anonymat pour acheminer des fonds vers des groupes extrémistes, quelles mesures sont en place pour empêcher des fonds étrangers pour soutenir l’extrémisme, la suprématie blanche, l’antisémitisme et d’autres formes de haine et les mesures pour garantir que le million de dollars déjà débloqué ne serve pas à promouvoir ces idéologies. Des représentants du Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada, l’unité du renseignement financier du Canada, seront également invités à témoigner.

La police ontarienne en renfort

Des agents de la police provinciale de l’Ontario étaient bien visibles au centre-ville d’Ottawa jeudi. De son côté, le Service de police d’Ottawa adopte graduellement une approche plus sévère. Il a indiqué avoir remis 30 contraventions à des manifestants mercredi pour le bruit des klaxons, les bidons de carburant mal sécurisés et des infractions au Code de la sécurité routière. Une personne a été accusée d’avoir conduit alors qu’elle n’en avait pas le droit. Son véhicule a été remorqué à la fourrière.

Il indique aussi utiliser un lecteur de plaques d’immatriculation pour identifier les conducteurs qui contreviennent au Code de la route. Ces efforts pour faire respecter la loi ne semblent pas avoir découragé les manifestants. Certains ont entrepris de construire un abri en bois dans le parc de la Confédération.

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Des manifestations ont entrepris de construire un abri en bois dans le parc de la Confédération, à Ottawa.

D’ailleurs, les organisateurs du convoi ont retenu les services d’un avocat pour les aider avec leurs contraventions. Ils estiment que le grabuge qui leur est imputé a été causé par des agitateurs et ont affirmé signaler tout incident criminel ou haineux à la police.

Selon un sondage de la firme Abacus, près du tiers des répondants trouvent qu’ils ont beaucoup de choses en commun avec les manifestants et partagent leur point de vue. Les deux tiers des personnes sondées estiment le contraire. En tout, 57 % croient que la manifestation est choquante et inappropriée, contre 43 % qui pensent le contraire. Au total, 1410 Canadiens ont été questionnés entre le 31 janvier et le 2 février. La marge d’erreur d’un sondage probabiliste aléatoire serait de 2,7 % 19 fois sur 20.