(Ottawa) Les députés fédéraux effectuaient leur rentrée parlementaire, lundi, et ils ont semblé vouloir rivaliser avec le niveau de décibels que générait le concert de klaxons du convoi installé depuis quatre jours devant le parlement. Des échanges acerbes ont marqué la première période des questions de l’année en Chambre, à laquelle Justin Trudeau a assisté virtuellement, puisqu’il a reçu un résultat positif à un test de COVID-19.

La table était mise pour un retour hors du commun sur la colline du Parlement à Ottawa. Les députés avaient été avertis par le sergent d’armes que « des plans de sécurité » étaient en place pour ceux qui rentraient au boulot en personne après la relâche des Fêtes. Dès le matin, rue Wellington, les klaxons rugissaient et une odeur de diesel flottait dans l’air.

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« Les camionneurs représentent les opinions des Canadiens », « Liberté pour tous » ou « Les médias sont le virus », pouvait-on lire sur certaines des pancartes visibles sur la colline du Parlement.

Le premier ministre, contre qui ils sont en colère, leur a rendu la pareille lorsqu’il s’est adressé aux Canadiens. Il l’a fait depuis sa résidence secondaire du lac Mousseau, dans le parc de la Gatineau, où on l’avait envoyé en fin de semaine pour des raisons de sécurité – et où il restera par ailleurs isolé encore un moment, ayant reçu, comme deux de ses trois enfants, un résultat positif à un test de dépistage de la COVID-19.

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Le premier ministre Justin Trudeau, en visioconférence lors de la période des questions à la Chambre des communes

« Les Canadiens ont été choqués et franchement dégoûtés par le comportement de certaines personnes qui manifestaient dans notre capitale nationale », a-t-il lancé au micro.

Je veux être très clair : nous ne sommes pas intimidés par ceux qui lancent des insultes et des injures aux travailleurs des petites entreprises et volent de la nourriture aux sans-abri.

Justin Trudeau, premier ministre du Canada

« Nous ne céderons pas à ceux qui arborent des drapeaux racistes, nous ne céderons pas à ceux qui se livrent au vandalisme ou qui déshonorent la mémoire de nos anciens combattants », a martelé Justin Trudeau, disant que ce n’est « pas en rouspétant » comme le fait « une minorité marginalisée » que l’on va en finir avec cette pandémie, mais bien « en se faisant vacciner ».

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Manifestants réunis près du parlement, à Ottawa

Avec cette charge à fond de train, le premier ministre voulait condamner le recours à des symboles haineux, comme le svastika, la profanation du Monument commémoratif de guerre du Canada, ainsi que le fait que des protestataires ont dérobé des repas destinés à des personnes sans domicile fixe en cognant à la porte des Bergers de l’espoir.

Débats acrimonieux en Chambre

Les conservateurs y ont vu une tactique de division, et ils y ont répliqué lors de la période des questions.

Du début à la fin de l’exercice, les échanges ont été houleux.

« Je demanderais au premier ministre, qui, puis-je le rappeler à la Chambre, a arboré le blackface plus de fois qu’il ne s’en souvient, de s’excuser auprès des Canadiens pacifiques et patriotes qui sont à l’extérieur et qui ne demandent qu’à être entendus ? Leur parlera-t-il ? », a par exemple lancé la cheffe adjointe du Parti conservateur, Candice Bergen.

Avant elle, son chef Erin O’Toole avait également exhorté Justin Trudeau à tendre l’oreille aux camionneurs.

Plutôt que de s’engager à faire pareille chose, son interlocuteur a demandé aux membres du convoi de plier bagage. « Ce dont on a besoin, c’est que les gens rentrent chez eux. Leur message est passé », a suggéré le premier ministre.

Dans les banquettes libérales, on a invité les conservateurs à lancer le même appel, mais en vain.

Le dirigeant néo-démocrate Jagmeet Singh est lui aussi d’avis que le « convoi de la liberté », dont les pilotes sont « manifestement des gens d’extrême droite », doit cesser de paralyser le centre-ville d’Ottawa. Ils ont suffisamment « exploité la frustration des gens », a-t-il tranché lundi matin en conférence de presse sur la plateforme Zoom.

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Le centre-ville d’Ottawa demeurait en grande partie paralysé, lundi.

La présence de ce cortège de véhicules a forcé la fermeture de nombreux commerces, dont certains devaient rouvrir leurs portes lundi en vertu des assouplissements annoncés par le gouvernement provincial de Doug Ford. Ce dernier n’a pas encore dit s’il souhaitait le départ des camionneurs, mais sa députée de la région d’Ottawa, Lisa MacLeod, a prié les manifestants de « retourner à la maison ».

Dans la capitale fédérale, les travaux parlementaires doivent se poursuivre mardi, en dépit de la présence des manifestants, dont on ne sait trop quel sort les attend. Lundi, les élus étaient présents en assez grand nombre, en personne, à la Chambre des communes. Aucun incident n’a été signalé.