(Ottawa) Le premier ministre Justin Trudeau estime que le chef du Bloc québécois Yves-François Blanchet sème « l’intolérance » en répandant des insinuations au sujet du nouveau ministre des Transports Omar Alghabra.

En conférence de presse, vendredi, à Rideau Cottage, M. Trudeau n’a pas mâché ses mots pour condamner la sortie du chef bloquiste, qui a laissé entendre dans un communiqué de presse cette semaine que M. Alghabra avait des penchants islamistes.

« J’ai été tellement étonné de voir les propos inacceptables de M. Blanchet, surtout après la semaine qu’on vient de vivre aux États-Unis où on voit à quel point des insinuations, […] de la désinformation et cet encouragement à de l’intolérance et à de la haine par des propos tout à fait innocents, qui ne veulent rien dire…. Voyons donc ! Cette intolérance cachée, cet encouragement de se soupçonner, cela n’a pas sa place au Canada. Et ce n’est pas digne d’un chef de parti fédéral », a affirmé le premier ministre.

Dans le communiqué du chef bloquiste, M. Blanchet a soutenu qu’il « refuse d’accuser qui que ce soit, mais des questions se posent sur la proximité du nouveau ministre des Transports, Omar Alghabra, avec le mouvement islamique politique dont il a été un dirigeant pendant plusieurs années ».

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Omar Alghabra

Les propos de M. Blanchet ont provoqué un tollé dans les rangs libéraux, et ils ont aussi été condamnés par le chef du NPD Jagmeet Singh.

Dans une entrevue à La Presse, jeudi, le nouveau ministre des Transports s’est dit « déçu » des insinuations que répand le chef du Bloc québécois et il l’a convié à un entretien à sa convenance pour « qu’il apprenne à mieux me connaître. »

M. Alghabra a dirigé pendant deux ans, soit en 2004 et 2005, la Fédération canado-arabe (FAC) en tant que bénévole. À ce titre, il a eu l’occasion de rencontrer en privé Gilles Duceppe, alors qu’il était chef du Bloc québécois, et les autres leaders politiques à tour de rôle de l’époque, soit l’ancien premier ministre Paul Martin, l’ancien chef du Parti conservateur Stephen Harper, et l’ancien chef du NPD, le regretté Jack Layton.

Les mots comptent, surtout quand ils viennent d’un chef d’un parti politique comme le Bloc québécois.

Omar Alghabra

« Les mots que prononce un leader ont un poids. [...] Ce que les leaders disent alimente un environnement ou un climat politique. Et il faut se demander quel gendre de climat politique nous voulons pour notre société », a-t-il ajouté, en faisant allusion aux violences survenues aux États-Unis, alimentées par les propos incendiaires du président Donald Trump.

Ingénieur de formation, M. Alghabra a fait le saut en politique fédérale en se faisant élire pour la première fois dans la circonscription de Mississauga-Erindale en 2006. Il a été défait en aux élections de 2008 de même que celles de 2011, mais il a remporté la victoire dans la circonscription de Mississauga-Centre en 2015 et en 2019.

« Contrairement à M. Blanchet, je sais que l’ancien chef du Bloc québécois Gilles Duceppe n’aurait jamais dit une telle chose », a-t-il soutenu le nouveau ministre, soulignant que M. Duceppe et les autres leaders de l’époque avaient assisté à une réception organisée par la FAC lorsqu’il en était président.

« Je veux vous dire en français que j’aimerais avoir une conversation directe avec M. Blanchet », a encore dit M. Alghabra, qui tente d’apprendre la langue de Molière. « M. Blanchet ne me connaît pas. Il se livre à une campagne de salissage dangereuse », a-t-il ajouté du même souffle.

Né en Arabie saoudite de parents syriens, M. Alghabra est arrivé au Canada à l’âge de 19 ans. Depuis quelques années, des accusations circulent sur le web selon lesquelles M. Alghabra aurait appuyé l’intention du gouvernement de l’Ontario en 2004 d’instaurer la création de tribunaux islamiques pour trancher les litiges familiaux. Cette idée a finalement été abandonnée par l’Ontario.

Le bureau du ministre affirme que ce sont des accusations sans fondement colportées par Rebel News, un site internet proche de l’extrême droite au pays qui est souvent alimenté par les complotistes. « Il n’a jamais été en faveur de la charia ni des tribunaux islamiques », a affirmé Amy Butcher, la directrice des communications du ministre.

Dans un courriel envoyé par son bureau à La Presse, jeudi, Yves-François Blanchet s’est défendu d’avoir attaqué injustement le nouveau ministre.

« J’ai soulevé des questions légitimes en démocratie quant à des positions passées du nouveau ministre des Transports relativement à l’application de la loi islamique (charia) en matière de droit familial, avec ce que cela implique pour les droits des femmes, ainsi que sur son opposition à l’inscription du Hamas sur la liste des groupes terroristes alors qu’il dirigeait la Fédération canado-arabe », a affirmé M. Blanchet.

« Non seulement le Parti libéral refuse-t-il que le ministre réponde aux questions, mais il tente de censurer le simple fait de les poser. Les libéraux de Justin Trudeau craignent-ils de s’en remettre au jugement des Québécois et des Canadiens ? », a-t-il ajouté.