On dit que le chiffre sept est chanceux. C’est donc à partir de sept chiffres que La Presse trace un bilan de l’année 2021 sur la scène politique fédérale. Un peu, peut-être, dans l’espoir que la chance soit davantage au rendez-vous en 2022, dont nous parlerons dans quelques jours, aussi sous la lorgnette fédérale.

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C’est le nombre de sièges additionnels que le Parti libéral est parvenu à décrocher à l’issue du scrutin de septembre dernier, que Justin Trudeau avait déclenché en espérant regagner la majorité perdue en 2019. Les conservateurs ont perdu deux sièges, le Nouveau Parti démocratique en a gagné un, tandis qu’au Bloc québécois, on a eu droit au statu quo. « Je vous ai entendus. Ça ne vous tente plus qu’on parle de politique et d’élections », a affirmé le premier ministre le soir de sa troisième victoire électorale, à l’issue d’une campagne où la nécessité d’une élection a été un boulet à traîner pour les libéraux. Inutile, cette convocation aux urnes ? « Elle a été nécessaire, je pense. Elle a indiqué que les Canadiens n’étaient pas prêts à donner leur confiance pleine et entière à un seul parti », avance le politologue Thierry Giasson, de l’Université Laval.

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Le premier ministre Justin Trudeau après sa victoire, le 20 septembre dernier

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La quatrième vague de la pandémie à peine résorbée, la cinquième vague a commencé à déferler au pays, propulsée par le variant Omicron. Dans la mise à jour économique et budgétaire qu’elle a déposée virtuellement, car elle était en isolement préventif, le 14 décembre dernier, la ministre des Finances, Chrystia Freeland, a inclus une « police d’assurance » de 4,5 milliards pour composer avec les potentiels ravages du variant sur les revenus des particuliers et des entreprises, mais aussi pour financer des mesures aux frontières. Des frontières dont l’étanchéité a d’ailleurs vite été resserrée. « On voit qu’avec la nouvelle vague, le gouvernement a voulu répondre présent plus rapidement, dans les aéroports, notamment », constate Stéphanie Chouinard, professeure agrégée de science politique au Collège militaire royal de Kingston.

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La ministre des Finances, Chrystia Freeland, a présenté une mise à jour économique et budgétaire virtuellement le 14 décembre dernier.

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La Loi sur la laïcité de l’État. Elle aura donné un envol à la campagne bloquiste, qui avait du plomb dans l’aile. « Une chaudière d’insultes au visage des Québécois », a pesté le chef Yves-François Blanchet à l’issue du débat des chefs en anglais, le 9 septembre dernier, après que l’animatrice de la joute oratoire, Shachi Kurl, a taxé la loi 21 de « raciste ». L’enjeu a été ressuscité en décembre, lorsqu’on a appris la réaffectation d’une enseignante de Chelsea qui portait le hijab en classe, ce que la loi interdit. Parions que l’initiative du maire de Brampton, Patrick Brown, qui consiste à rallier des villes prêtes à financer la contestation judiciaire en cours, continuera à faire couler de l’encre des deux côtés de la rivière des Outaouais l’an prochain – et que Justin Trudeau n’a pas fini de se faire talonner au Parlement.

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Le chef bloquiste Yves-François Blanchet lors du débat des chefs en anglais, le 9 septembre dernier

215

Ceux qui ont fréquenté les pensionnats pour Autochtones l’ont toujours dit. En 2015, la Commission de vérité et de réconciliation l’a écrit dans son rapport. Il semble toutefois qu’il aura fallu les découvertes de centaines de sépultures anonymes d’enfants pour marquer les esprits. Aux 215 sépultures retrouvées à Kamloops, en Colombie-Britannique, se sont ajoutées les 751 de Cowessess, en Saskatchewan, puis les 182 près de Cranbrook, aussi en Colombie-Britannique… et avec l’arrivée de la technologie ayant permis de retrouver ces restes humains enfouis, celle du radar pénétrant, les chances sont élevées qu’on en retrouve d’autres. Dans la foulée de la découverte à Kamloops, fin mai, l’unifolié a été mis en berne. Il a retrouvé sa place au haut du mât un peu plus de cinq mois plus tard dans le cadre du jour du Souvenir, en novembre dernier.

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Robe d’enfant accrochée à une croix près de l’ancien pensionnat pour Autochtones de Kamloops, en Colombie-Britannique

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C’est le nombre de jours que les Canadiens Michael Kovrig et Michael Spavor ont passés sous les verrous en Chine. « Ce que ça confirme, c’est qu’il s’agissait d’otages », a réagi Guy Saint-Jacques, ancien ambassadeur d’Ottawa à Pékin, après que Justin Trudeau a confirmé que les deux hommes avaient quitté l’espace aérien chinois, le 24 septembre dernier. Leur détention arbitraire a pris fin après que la directrice financière de Huawei, Meng Wanzhou, a reçu le feu vert pour rentrer en Chine, les procédures d’extradition vers les États-Unis la visant ayant été abandonnées. Les deux Michael sont considérés par le régime de Xi Jinping comme étant en liberté conditionnelle. « Ils ont avoué leur crime », a allégué le 10 décembre Cong Peiwu, ambassadeur de Chine au Canada. La veille, la ministre canadienne des Affaires étrangères, Mélanie Joly, déclarait dans une entrevue à CBC qu’il restait « des éléments à régler » dans leur dossier.

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Michael Kovrig embrasse sa femme, Vina Nadjibulla, à son arrivée à l’aéroport international Pearson de Toronto, le 25 septembre dernier.

1341

La nomination de Mary Simon au poste de gouverneure générale du Canada a provoqué des réactions mitigées. Alors que certains ont salué l’entrée en scène d’une première Autochtone cheffe d’État, d’autres ont dénoncé le fait qu’elle ne maîtrise pas le français – elle s’exprime en anglais et en inuktitut. Le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, en sait quelque chose : il a reçu à son bureau pas moins de 1341 plaintes, qu’il a toutes jugées recevables. « On a vu les deux solitudes se superposer lors de sa nomination avec les réactions au Québec et ailleurs au Canada. Au Québec et au Canada francophone, il y avait un malaise avec le fait qu’elle ne parle pas du tout français, alors que dans le reste du Canada, il y avait une appréciation de l’arrivée de cette figure de réconciliation », note le professeur Thierry Giasson en parlant de celle qui a succédé à Julie Payette, partie de Rideau Hall dans la disgrâce le 21 janvier 2021.

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La gouverneure générale Mary Simon

19 061

Le nombre de réclamations soumises à l’action collective des victimes d’inconduite sexuelle au sein des Forces armées canadiennes a donné une idée plus claire de l’ampleur de ce fléau dans les rangs militaires : le 21 décembre 2021, on en recensait 19 061. L’année a été mouvementée dans les Forces armées : en l’espace de trois semaines, on a appris que deux chefs d’état-major – Jonathan Vance, puis son dauphin Art McDonald – étaient visés par des allégations d’inconduite sexuelle. D’autres officiers de premier plan ont suivi. « De mémoire, c’est la première fois qu’un enjeu militaire à proprement parler prend autant d’ampleur dans l’espace public au Canada. Ce qui se passe dans les Forces armées, traditionnellement, cela intéresse un cercle assez restreint au sein de la sphère publique. Cet enjeu a vraiment capté l’attention des Canadiens », affirme la politologue Stéphanie Chouinard. La nouvelle ministre de la Défense, Anita Anand, qui a promis la « fin de l’ère d’impunité », a présenté le 13 décembre dernier des excuses aux victimes.

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L’ancien chef d’état-major Jonathan Vance