(Québec) Avec une vision économique verte et des politiques sociales « plus fortes », Dominique Anglade veut attirer la frange la plus progressiste de la Coalition avenir Québec (CAQ). La cheffe libérale promet un gouvernement « plus inclusif », loin de ce « repli identitaire » qui l’a amenée à quitter la présidence de la CAQ en 2013.

La cheffe du Parti libéral du Québec (PLQ) convient qu’il lui faudra puiser dans le bassin d’électeurs de son adversaire principal si elle souhaite faire des gains à moins d’un an des élections générales.

« Tu as 15 points [de pourcentage] de gens qui sont [à la CAQ] qui ont voté pour le [Nouveau Parti démocratique (NPD)] ou le [Parti libéral du Canada (PLC)] au fédéral », fait remarquer la leader libérale, s’appuyant sur un sondage Léger d’octobre dernier qui indique que le quart des électeurs de la CAQ voteraient pour le PLC ou le NPD au fédéral, selon leur analyse.

« Ce sont des fédéralistes, ce sont des gens qui sont plus progressistes, qui sont plus préoccupés par la question environnementale, par la santé… C’est à ces gens qu’on parle, et il y avait toutes sortes de raisons de voter pour la CAQ aux dernières élections », ajoute-t-elle lors d’un entretien au dernier jour de la session parlementaire.

À son avis, les derniers mois ont révélé un « gouvernement très paternaliste », qui « n’est pas très à l’écoute du terrain » et qui ne fait pas de l’environnement et de la lutte contre les changements climatiques une réelle priorité.

Question identitaire

La proposition de François Legault l’avait pourtant séduite en 2012 lorsqu’elle a tenté de se faire élire en vain dans Fabre, sous les couleurs de la Coalition avenir Québec. Elle a finalement quitté la nouvelle coalition en septembre 2013 pour prendre les commandes de Montréal International.

Si, à l’époque, la nouvelle avait été présentée par M. Legault comme une « belle opportunité » pour sa présidente, en coulisses, le départ de Mme Anglade a surtout été motivé par de profondes divergences d’opinion sur la question identitaire, admet-elle.

La députée de Saint-Henri–Saint-Anne en fait brièvement allusion dans son livre Ce Québec qui m’habite, publié en mars dernier.

« Quand je suis arrivée à la CAQ, c’était un nouveau parti. […] On allait travailler sur l’avenir du Québec en réunissant des fédéralistes et des souverainistes pour régler des problèmes. Ce côté un peu ingénieure chez moi m’interpellait beaucoup », raconte Mme Anglade en entrevue.

« Mais je me suis vite rendu compte que, dans le fond, il y avait aussi une manière très identitaire de parler de ce qu’était le Québec. Je me souviens qu’il fallait être aussi identitaire que le [Parti québécois]. »

Le « clou dans le cercueil » a été l’épisode au sujet de l’interdiction du port du turban par la Fédération de soccer du Québec, en juin 2013. « La CAQ voulait sortir en faveur de ça. J’ai dit : “C’est débile mental !” Le sport, c’est le meilleur moyen d’intégrer les gens. On ne va pas demander à des enfants sikhs d’enlever leur turban. »

« C’est aberrant. Et François Legault [qui disait] que ça allait être bon pour nous autres. […] J’étais hors de moi », poursuit-elle. À l’époque, la première ministre Pauline Marois avait appuyé l’autonomie de la fédération, qui était finalement revenue sur sa décision après que la Fédération internationale de football association se fut prononcée en faveur du port du turban au soccer.

« À partir du moment où la CAQ a perdu les élections en 2012, c’était, on se rappelle, [l’époque] de la Charte des valeurs du Parti québécois… Alors eux se disaient qu’il fallait qu’on aille […] encore plus dans cette direction. Il y avait de plus en plus de tensions par rapport à ça », explique Mme Anglade.

Je n’étais plus à ma place, je n’étais plus capable de défendre les décisions. Ce repli identitaire, ce n’était pas moi du tout, du tout.

Dominique Anglade, cheffe du Parti libéral du Québec, au sujet de son passage à la CAQ

Elle estime que « c’est à l’image » de ce que défend encore le gouvernement Legault, à savoir « dire qu’il y a des immigrants et des non-immigrants ».

Le reclassement d’une enseignante portant le hijab dans une école de Chelsea la semaine dernière a ravivé le débat entourant la Loi 21 sur la laïcité de l’État. Le Parti libéral du Québec, qui s’était opposé à l’adoption de la loi, ne s’est pas porté à la défense de l’enseignante, se résumant à affirmer que la loi doit maintenant s’appliquer.

Virage écologique et progressiste

À moins d’un an du prochain scrutin, la leader libérale mise sur son « projet ÉCO », qui prévoit la nationalisation de l’hydrogène vert pour générer de la richesse tout en luttant contre les changements climatiques pour se distinguer de ses adversaires politiques. Elle a promis des investissements (publics-privés) de 100 milliards d’ici 2050 pour arriver à générer « deux Baie-James d’énergie ».

À cela s’ajoutent les promesses d’une allocation de 2000 $ par année aux aînés de 70 ans et plus pour favoriser leur maintien à domicile, des services de garde pour tous à 8,50 $ par jour et un accès universel aux services de santé mentale, notamment.

« On parle de politiques publiques à impact social important, mais qui ne peuvent se réaliser que si tu es capable de créer de la richesse dans le contexte où tu dois aussi lutter contre les changements climatiques », explique Mme Anglade, qui définit ainsi son virage écologique et progressiste.

Mais les visées de la cheffe libérale ne semblent pas encore séduire les électeurs devant un gouvernement bien en selle, si l’on se fie aux sondages. Le PLQ se maintient à 20 % des intentions de vote, selon les coups de sonde de l’automne dernier. À la rentrée parlementaire, des stratèges libéraux disaient vouloir faire bouger l’aiguille d’ici les Fêtes pour espérer une bonne lutte électorale.

« Regardez ce qui s’est passé lors des [élections municipales], rétorque Mme Anglade à ce sujet. Valérie Plante, quand elle est partie contre Denis Coderre, elle n’était pas en avance, et elle a fini avec 15 points [de pourcentage] en avance. »