(Ottawa) Yves-François Blanchet a voulu faire sortir Justin Trudeau de ses gonds, mercredi. Il l’a successivement accusé de dire des faussetés sur l’enseignante de Chelsea réaffectée parce qu’elle porte un voile, mis au défi de lancer un référendum pour mesurer la popularité de la loi 21, puis lui a reproché d’avoir « applaudi » la sortie de l’ambassadeur aux Nations unies, Bob Rae.

Le premier ministre n’a pas mordu, en ce sens qu’il ne s’est pas montré désarçonné par les propos acerbes du chef bloquiste, mais il n’a pas mâché ses mots pour autant, et il s’est lancé dans un plaidoyer contre la Loi sur la laïcité de l’État (ou loi 21) – puisant, pour ce faire, dans son vocabulaire catholique pour reprocher au parti indépendantiste de chercher à semer la zizanie.

Mon Dieu que le Bloc québécois veut semer la chicane entre le fédéral et le provincial… C’est tout ce qu’ils font ! C’est ce pour quoi ils existent. Quel que soit le sujet, il y a des façons d’attaquer le méchant gouvernement fédéral. Excusez-moi, mais ce gouvernement fédéral a été là pour les Québécois.

Justin Trudeau

Son interlocuteur venait de lancer l’idée d’une consultation populaire dont la question porterait sur la Loi sur la laïcité de l’État du Québec adoptée par l’Assemblée nationale : « On ne lui demandera pas de le faire [à Justin Trudeau], le mot référendum lui donne de l’acné. Mais pourquoi est-ce qu’on ne se ferait pas un référendum sur la loi 21 au Québec ? »

PHOTO BLAIR GABLE, REUTERS

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet

Et dans la prémisse de sa question, le chef Blanchet a tenu à y aller d’une « correction de faits » en lien avec l’histoire de Fatemeh Anvari, enseignante de Chelsea, en Outaouais, qui a été affectée à d’autres tâches parce qu’elle porte le hidjab, ce que la loi 21 interdit.

« Cette enseignante n’a pas perdu son emploi. [Le premier ministre] pourrait arrêter de répéter des menteries, ça servirait vraiment tout le monde », a-t-il tonné vers la fin de la séance en Chambre – le dirigeant bloquiste a été le seul de sa formation à se lever pour poser des questions, mercredi, et chacune de ses six interventions portaient sur cette loi.

Il a commencé par demander directement à Justin Trudeau de rappeler l’ambassadeur du Canada aux Nations unies, Bob Rae, comme il le réclame depuis lundi dernier. Car en écrivant sur Twitter que la Loi allait « à l’encontre » de la Déclaration universelle des droits de l’homme, il a manqué à son « devoir de réserve », a plaidé le leader.

Le premier ministre a répliqué qu’il partageait le sentiment de « tant de Québécois » qui sont « surpris et déçus » de voir que la femme a été retirée de la classe de 3année où elle faisait du remplacement « parce qu’elle est musulmane ». Il s’est ensuite lancé dans une contre-offensive, accusant le Bloc de ne pas représenter les Québécois à Ottawa.

« Cette chicane du Bloc québécois, c’est pour éviter de faire face à la réalité, [soit] qu’il y a énormément de Québécois pas représentés par le Bloc québécois qui questionnent profondément si, dans une société libre, on devrait faire perdre à quelqu’un sa job à cause de sa religion », a-t-il attaqué.

Les conservateurs discrets

Dans les banquettes conservatrices, pendant ce temps, on est resté muet sur cet enjeu.

Il faut dire que depuis que l’affaire a été rapportée dans les médias, la semaine dernière, une ligne de fracture est apparue.

Après Kyle Seeback il y a quelques jours, c’était au tour de Mark Strahl, mercredi, de demander une réponse plus musclée.

À l’entrée de la rencontre de son caucus, il a affirmé qu’il espérait bien que le parti condamne dans des termes plus clairs cette loi.

Il est même allé jusqu’à dire qu’un gouvernement conservateur devrait intervenir dans les poursuites judiciaires en lien avec la loi, tout en précisant que bon nombre de ses collègues sont d’accord avec lui.

À l’issue de la réunion hebdomadaire de son caucus, le chef Erin O’Toole n’a pas exprimé de désir de changer sa position, qui est de respecter les compétences provinciales.

Par ailleurs, les maires de Calgary et Brampton ont annoncé que leurs villes contribueraient financièrement aux contestations de la loi 21.

Avec La Presse Canadienne