(Ottawa) Michael Kovrig et Michael Spavor sont peut-être rentrés au Canada le 25 septembre dernier, après plus de 1000 jours à croupir derrière les barreaux en Chine, mais leur saga judiciaire n’est pas tout à fait terminée.

C’est l’étonnante révélation qu’a faite la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, dans une entrevue accordée à l’émission Power & Politics, sur les ondes de la CBC, mercredi soir.

« Nous voulons nous assurer de continuer à défendre leur cause, car certains éléments n’ont pas encore été réglés », a-t-elle déclaré. Un peu plus tôt dans la journée, elle avait eu un échange avec les deux Michael.

Ceux-ci, a-t-elle poursuivi, « sont en liberté sous caution en ce moment en vertu du droit criminel chinois », et le gouvernement Trudeau veut s’assurer « de trouver une solution avec le gouvernement chinois ».

La cheffe de la diplomatie du Canada, qui venait d’annoncer qu’Ottawa ne dépêcherait aucun dignitaire aux Jeux olympiques de Pékin, s’est donné comme « priorité » de s’assurer que la cause soit « complètement résolue ».

Le jour de la libération des deux Michael, une porte-parole du ministère des Affaires étrangères de Chine avait indiqué que les hommes soupçonnés d’espionnage avaient été libérés « sous caution pour des raisons médicales ».

On ne parle donc pas ici de caution au sens où Ottawa aurait versé de l’argent à la Chine en échange de la libération des deux Canadiens, a assuré une source gouvernementale qui s’est exprimée sous le couvert de l’anonymat pour parler plus librement.

Reste que jamais le gouvernement Trudeau n’avait évoqué cet aspect en public.

« Intrigant et inquiétant »

Aussi les propos de la ministre ont-ils étonné Guy Saint-Jacques, ex-ambassadeur du Canada en Chine. « C’est intrigant et inquiétant. La question que ça soulève, c’est : à quoi a-t-on exactement consenti pour assurer leur retour au Canada ? », a-t-il affirmé.

Le Canada n’a pas de traité d’extradition avec la Chine, de sorte que même si Pékin voulait leur remettre la main au collet, la démarche serait vouée à l’échec. Toutefois, d’autres pays, comme la France, par exemple, ont un traité d’extradition avec la Chine.

Dans le cas de Michael Kovrig, aucun verdict n’a été rendu. « Ils pourraient faire ça [par contumace] […]. J’espère qu’ils n’ont pas dit au Canada qu’il va falloir qu’il revienne en Chine pour le prononcé de sa sentence », s’inquiète Guy Saint-Jacques.

PHOTO ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Michael Kovrig

Celui qui a été chef de mission entre 2012 et 2016 sait de quoi il parle : c’est lui qui a œuvré pour obtenir la libération de Kevin et Julia Garratt, ces Canadiens arrêtés arbitrairement en 2014, puis accusés d’espionnage.

Les « implications » que cela pourrait avoir sur les Michael restent ainsi « nébuleuses », estime aussi Margaret McCuaig-Johnston, spécialiste de la Chine de l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa.

Le cabinet de la ministre Joly a renvoyé les demandes de précisions de La Presse à Affaires mondiales Canada, où l’on s’est borné à réitérer que la détention des deux hommes rentrés au pays il y a un peu plus de deux mois avait été « arbitraire ».

« Le gouvernement du Canada demeure déterminé à les soutenir dans leurs efforts pour reconstruire leur vie et exhorte tout le monde à respecter leur vie privée », a ajouté une porte-parole du Ministère, Christelle Chartrand.

Michael Kovrig et Michael Spavor sont rentrés au Canada le 25 septembre dernier. Ils ont été relâchés par les autorités chinoises tout juste après que la numéro deux du géant chinois des télécommunications Huawei, Meng Wanzhou, eut obtenu la permission de retourner chez elle.