(Ottawa) Le gouvernement libéral propose un compromis sur un différend de longue date avec les partis de l’opposition au sujet de la divulgation de documents liés au congédiement de deux scientifiques du laboratoire canadien au plus haut niveau de sécurité.

Le leader du gouvernement en Chambre, Mark Holland, propose qu’un comité spécial de députés de tous les partis, tous dotés d’une « habilitation de sécurité », soit autorisé à consulter des documents non caviardés.

Un comité d’arbitres indépendants, composé de trois anciens juges, déciderait par ailleurs quels documents peuvent être rendus publics et quelles informations doivent être caviardées ou résumées.

M. Holland estime qu’il s’agit d’une approche raisonnable, semblable à ce qui a été fait en 2010 pour permettre aux députés de l’opposition de consulter les documents liés aux détenus afghans.

« Nous pensons que cette proposition constitue un effort de bonne foi du gouvernement pour résoudre cette question », a indiqué M. Holland dans une lettre adressée à ses homologues de l’opposition.

« La proposition reconnaît le rôle de la Chambre des communes qui consiste à demander des comptes au gouvernement. Et il respecte également l’obligation du gouvernement de garder certaines informations confidentielles pour protéger les Canadiens. Nous proposons une approche transparente, adaptée et raisonnable qui est conforme aux lois qui protègent les informations sensibles ».

Il n’y a pas eu de réponse immédiate de la part des partis d’opposition.

Lors de la session parlementaire précédente, les partis d’opposition se sont regroupés pour adopter des motions répétées exigeant que l’Agence de la santé publique du Canada remette tous les documents non caviardés liés au congédiement des scientifiques Xiangguo Qiu et de son mari, Keding Cheng.

Le couple a été escorté hors du Laboratoire national de microbiologie de Winnipeg en juillet 2019, puis licencié en janvier dernier.

Les députés de l’opposition ont affirmé à plusieurs reprises le droit de la Chambre des communes et de ses comités d’ordonner la production de tous les documents souhaités, tandis que l’ancien chef de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC), Iain Stewart, a soutenu à plusieurs reprises que la loi l’empêchait de divulguer des documents qui pourraient violer les lois sur la protection de la vie privée ou la sécurité nationale.

La bataille a culminé en juin lorsque M. Stewart a été traîné devant la barre des Communes pour être réprimandé par le Président de la Chambre, Anthony Rota, pour son refus répété de se conformer à l’ordre de produire les documents non censurés. Il est le premier non député à faire l’objet d’une telle procédure depuis plus d’un siècle.

Le gouvernement a demandé à la Cour fédérale en juin d’empêcher la divulgation des documents, qui, selon lui, serait préjudiciable aux relations internationales, à la défense et à la sécurité nationale. Il a abandonné la requête lorsque les élections ont été déclenchées en août.

Toutefois, dans l’un des premiers gestes posés à la reprise des travaux de la Chambre des communes la semaine dernière, les conservateurs ont demandé à M. Rota de déclarer que le gouvernement avait commis un outrage au Parlement en lançant la procédure judiciaire. M. Rota n’a pas encore pris de décision sur la question, mais s’il est d’accord, les conservateurs ont l’intention de présenter une motion, appuyée par d’autres partis d’opposition, afin de lancer un mandat pour saisir les documents.

La demande comprend les documents liés au transfert, supervisé par Mme Qiu, des virus mortels Ebola et Henipah à l’Institut de virologie de Wuhan, en Chine, en mars 2019.

M. Stewart, qui n’est plus à la tête de l’ASPC, avait assuré aux députés que le transfert n’avait rien à voir avec les licenciements ultérieurs de Mme Qiu et de son mari et qu’il n’y avait aucun lien avec la COVID-19.

Le coronavirus est apparu pour la première fois dans la province chinoise de Wuhan et certains pensent qu’il pourrait avoir été libéré accidentellement par l’institut de virologie, déclenchant ainsi la pandémie mondiale.

Malgré les affirmations de M. Stewart, les partis d’opposition continuent de soupçonner un lien et restent déterminés à voir les documents non expurgés.